Bangladesh : disparition des tigres d’ici 50 ans ?

Le tigre du Bengale, félin emblématique du sous-continent indien pourrait disparaître de la région des Sunderbans, au sud du Bangladesh d’ici à 2070 en raison du changement climatique et de la montée des eaux. Ce sombre constat est le fruit de recherches menées par des …

Le tigre du Bengale, félin emblématique du sous-continent indien pourrait disparaître de la région des Sunderbans, au sud du Bangladesh d’ici à 2070 en raison du changement climatique et de la montée des eaux. Ce sombre constat est le fruit de recherches menées par des scientifiques australiens et bangladais pour le compte de la revue Science of the Total Environment. Unanimes, ils pensent que la combinaison changement climatique/montée des eaux détruira les zones d’habitat occupées par les tigres dans les 50 prochaines années.

C’est une mauvaise nouvelle pour le Bangladesh et sa centaine de tigres car sur le plan mondial, la population de tigres s’est accrue ces dernières années passant de 3200 tigres en 2010 à 3890 en 2016. Au Bangladesh, le dernier royaume des tigres du Bengal est la mangrove des Sunderbans. Situé au sud du pays, à l’embouchure du Gange et du Brahmapoutre cet eco-système s’étend sur plus de 6000 km² mais quelques 70 % de cet espace ne dépassent pas une altitude de plus d’un mètre ce qui le rend particulièrement vulnérable à la montée des eaux. Une situation guère encourageante qui demeure amplifiée par les effets du changement climatique tels que les brusques changements de temps et les épisodes météorologiques extrêmes.

Au cours d’une simulation informatique basée sur 2 scénarios prospectifs de changement climatique établis par le Groupe Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) et selon les projections d’élévation du niveau de la mer, les chercheurs ont remis en doute la pérennité de l’habitat des tigres dans la région des Sunderbans. « Au regard de cette étude préliminaire, nous pouvons conclure que la plus grande population des tigres du Bengal des Sunderbans se trouve dans une zone où l’action combinée du changement climatique et de la croissance humaine aura pour effet de détruire leur habitat » commente William Laurence, professeur à l’Université James Cook à Townsville en Australie et co-auteur de l’étude.

Les scientifiques ont donc observé l’action de 2 scénarios basés sur les estimation d’émission de gaz à effet de serre et dans les 2 cas, les résultats font part de l’alarmant déclin de la surface viable pour les tigres dans les Sunderbans qui, d’ici 2070 auront disparu de la région.

Selon le scénario RCP6.0 d’émission de gaz à effet de serre qui se traduirait par un réchauffement de 1,3° de la surface de la terre en 2046-2065, l’espace viable pour les tigres serait réduit de 54 % en 2050 avant d’être totalement anéanti en 2070. Pour le scénario RPC8.5, le plus grave qui verrait un réchauffement de la surface de la Terre de 2° en 2046-2065 avant d’atteindre 3,7° en 2081, les tigres des Sunderbans verraient la superficie de leur habitat réduite de 97 % dés 2050.

Dans les 2 cas, l’étude montre que ce n’est pas la montée des eaux qui menace à plus courte-échelle les Tigres des Sunderbans mais bien les changements climatiques engendrés par le réchauffement de la surface terrestre, même si ces derniers à moyen-terme participeront à un accroissement de la montée du niveau des eaux.

Dans le scénario RCP6.0, la montée des eaux ne serait responsable qu’à hauteur de 5% de la disparition de l’habitat des tigres en 2050 avant d’atteindre 28,5 % en 2070. Selon le scénario le plus catastrophique, la progression des eaux sur les terres sera responsable de la perte de 11 % des surfaces nécessaires à la survie des tigres en 2050 pour atteindre presque 50 % en 2070.

Si la montée des eaux représente une épineuse problématique pour le Bangladesh, l’élément le plus préoccupant pour la survie des tigres dans les Sunderbans demeure l’impact du réchauffement climatique sur l’habitat des grands félins. « La montée des eaux est bien évidement liée au changement climatique mais nous avons décidé de séparer les 2 facteurs dans notre étude. Nos scénarios analysent la manière dont les tendances météorologiques et les épisodes extrêmes vont affecter l’habitat du tigre du Bengale. On y observe que ces effets du changement climatique ont un impact plus fort que la montée des eaux pour les tigres des Sunderbans.

L’action combinée de la hausse des températures et de l’élévation du niveau des eaux entraîne une salinisation des sols qui rend la croissance de certaines plantes plus délicate. Avec ce déclin végétal, les cerfs-tachetés des Sunderbans, principale ressource pour les tigres n’auront plus de source d’alimentation dans la zone et seront donc obligé de migrer, laissant les tigres sans moyen de survivre. On peut alors s’attendre à un accroissement des conflits entre les tigres et les humains quand les premiers iront alors chasser sur les terres des derniers.

Ces prochaines années, la mangrove des Sunderbans devrait donc, selon le scénario des scientifiques perdre sa population de tigres du Bengal au fur et à mesure que cet eco-système si particulier et si fragile se transforme sous l’effet du réchauffement climatique avant de disparaître par l’action de l’inexorable montée des eaux.

Si la perte de cet espace condamne les tigres, elle revêt également des inquiétudes pour les humains présent sur la zone. Par nature, les mangroves sont un formidable moyen de régulation du système hydraulique et agissent contre l’érosion de la côté. Au Bangladesh, la mangrove apparaît également comme une ceinture contre les cyclones et les tsunamis. En décembre 2004, lors du gigantesque tsunami qui a touché l’Océan Indien, les villages entourés par la mangrove ont été moins impactés que ceux qui ne l’étaient pas.

Transfrontalière, la région des Sunderbans s’étend pour près de sa moitié en Inde, dans la province du Bengal-Occidental. Une réserve dédiée aux tigres abrite une centaine de ces grands félins actuellement. Eux aussi seront affectés, comme leur congénères bangladais par une disparition rapide, les changements climatiques ne reconnaissant pas les frontières.

Julien Lathus

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