Crise de l’oignon en Asie du Sud

Face à une importante sécheresse suivie d’une mousson très puissante, le prix des oignons s’est depuis envolé en Inde. Aliment central dans l’alimentation indienne, sa valeur marchande est également un puissant indicateur socio-économique qui a viré au rouge ces dernières semaines. Pour contrer la grogne …

Face à une importante sécheresse suivie d’une mousson très puissante, le prix des oignons s’est depuis envolé en Inde. Aliment central dans l’alimentation indienne, sa valeur marchande est également un puissant indicateur socio-économique qui a viré au rouge ces dernières semaines. Pour contrer la grogne des citoyens, mécontents des prix à l’achat, le gouvernement a décidé d’interdire l’exportation des oignons hors de ses frontières. Une prise de position qui ne réjouis pas ses voisins, pour qui le bulbe fait également partie de la base de leurs cuisines et qui dépendent en grande partie de l’Inde, deuxième producteur mondiale pour satisfaire leurs besoins.

Depuis ce printemps, le prix des oignons connaît une hausse croissante en raison d’une demande plus forte que l’offre. En cause : les conditions climatiques de ces derniers mois qui ont été intenses. Entre mai et juin, l’agriculture indienne a subit les conséquences de fortes chaleurs alors que la mousson qui a suivi a été trop forte, submergeant les champs et les cultures. Ces épisodes météorologiques ont particulièrement forts dans le centre de l’Inde ainsi qu’au Maharashtra qui produisent près de 60 % des oignons indiens.

« Sans oignons, les plats sont incomplets, sans saveurs » se lamente Charu Singh, un chercheur de New Delhi. « J’ai dû changé complètement ma façon de cuisiner » reprend-t-il. Fin septembre, les oignons atteignaient les 70 à 80 roupies (environ 1 €) sur plusieurs marchés de la capitale New Delhi et les 58 roupies à Mumbai contre 10 à 20 roupies en moyenne.

Face au mécontentement grandissant sur les marchés ces mois derniers, le gouvernement de Narendra Modi avait déjà tenté d’enrayer une flambée des prix dû à la récolte diminuée en raison de la sécheresse. En juin, il avait lancé l’achat de 50 000 tonnes d’oignons en vue de pouvoir jouer sur les marchés en cas d’augmentation trop violente des prix de vente mais cela n’a pas suffit à infléchir la dangereuse montée des prix.

Le 29 septembre dernier, dans le but de contrôler les prix « devenus fous », le gouvernement indien a annoncé que l’exportation d’oignons était interdite et que cette mesure prenait effet immédiatement. Cette mesure prévoit également que sur les stocks indiens soient plafonnés. Les fournisseurs comme les détaillants ne pourront stocker qu’une certaine quantité, devant obligatoirement mettre en vente le reste.

Une pénurie annoncée dans toute la région

Conséquence de la rétention des oignons indiens, les autres pays de la région commencent à voir de moins en moins d’oignons sur leurs marchés alors que leurs prix flambent. Au Bangladesh, qui dépend à 60 % des oignons indiens, les prix ont doublé ces dernières semaines et sur les marchés, les oignons s’échangent à près d’1,2 € le kilo, atteignant le record de décembre 2013. « Les prix sont à la hausse ailleurs également comme en Asie ou en Europe. Les autres pays exportateurs d’oignons prennent avantage de la situation en augmentant leurs tarifs » explique Mohammad Idris, un intermédiaire basé à Dhaka.

Pour contrer la situation, le gouvernement du Bangladesh cherche à trouver d’autres sources d’approvisionnement comme l’Iran, la Turquie ou la Chine. « Il faut un mois pour les faire venir d’Égypte et environ 25 jours depuis la Chine alors que quelques jours suffisent pour ceux indiens » reprend Mohammad Idris.

A Katmandou, au Népal, les consommateurs tentent de changer leurs habitudes alimentaires alors que les marchands vendent leurs vieux stocks à des prix multipliés par deux. « Nous ne pouvons pas les fabriquer dans des usines et notre production est minime. Notre seule alternative c’est de consommer moins d’oignons » reprend Bijaya Shrestha du marché de Kalimati dans la capitale népalaise. Pour compenser la perte des oignons indiens, le Népal a accentué l’importation de ceux de Chine qui ne connaissent pas un franc succès car réputés « trop gros et piquants ».

Du fait de son omniprésence dans la gastronomie indienne, l’oignon est pour les gouvernements successifs du pays un enjeu majeur de pérennité politique. Plusieurs crises de prix de ces légumes ont entraîné dans leur sillage d’importantes défaites politiques. Le BJP, actuellement au pouvoir en a déjà fait les frais comme en 1998 et leur échec à conserver New Delhi et Indira Gandhi est revenue au pouvoir en 1980 en mettant en parallèle le prix des oignons et les échecs économiques du gouvernement sortant.

Julien Lathus

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