Les flingues et les hommes saints d’Ayodhya (2/3)

Si de nombreux hommes saints d’Ayodhya baignent dans des affaires criminelles et crapuleuses, on peut se poser certains questions sur cette dérive. Pourquoi les saddhus et les chefs religieux versent-t-ils dans le crime et inversement, comment des criminels deviennent des hommes saints ?
La principale raison …

Si de nombreux hommes saints d’Ayodhya baignent dans des affaires criminelles et crapuleuses, on peut se poser certains questions sur cette dérive. Pourquoi les saddhus et les chefs religieux versent-t-ils dans le crime et inversement, comment des criminels deviennent des hommes saints ?

L'un des premiers hommes saints à tomber dans la violence ? Dhalsim du jeu Street Fighters.

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La principale raison qui pousse les saddhus au crime semble le goût du pouvoir. Beaucoup rêvent au titre de chef d’une communauté religieuse. « De nombreux disciples sont si impatients d’atteindre le sommet de la hiérarchie qu’ils ne peuvent attendre que le chef meurt pour prendre sa place. Ils sont prêt à les éliminer » explique le saddhu Narayan Das. Sheetla Singh, éditeur pour le quotidien Jan Morcha indique que de nombreux chefs religieux hindous ont acquis leur titre après le meurtre de leur maître. Par exemple, le chef du temple Janaki Ghat Bada Sthan, le dénommé Janmejai Sharan a été accusé du meurtre de son prédécesseur, le maître Maithili Sharan Das. « L’honneur vient avec l’argent et le pouvoir. Les saddhus les désirent, et ils veulent que cela soit rapide » souligne Singh.

Il y a quelques années, au moment où le chef du monastère Mumukshu Bhavan, Swami Sudarshanacharya a été porté disparu, un de ses disciples, Jitendra Pandey devint le nouveau leader. Un mois après, Pandey a fuit la communauté, emportant avec lui les bijoux et l’argent du temple. Un mois passa encore et le frère de Sudarshanacharya entama quelques travaux dans le temple. Lorsque les égouts furent ouverts, il découvrit qu’ils étaient bouchés avec de la terre. Suspectant un acte indélicat, il avertit la police. Sous la boue fut découvert le corps de Sudarshanacharya et d’une nonne, tous deux découpés en morceaux. Pandey fut appréhendé peu après. « Il avoua avoir engagé quelques brigands pour tuer le chef. La nonne fut également assassinée car elle aurait été témoin du meurtre » déclare le chef actuel de la communauté, Ramchandra Acharya, un ancien co-disciple de Pandey. « Jitendra Pandey était si impatient de prendre la tête de la communauté, autant qu’il craignant que le chef me choisisse plutôt que lui » reprend-t-il.

Un autre raison qui fait que les saddhus versent dans le crime est l’appétit pour les propriétés des autres temples. Par exemple, un gang de saddhus ont empêché le chef du temple de Rang Nivas d’entrer dans son temple et ont occupé les lieux. Maintenant, le chef rejeté vit dans la misère.

En temps normal, un chef religieux choisi son successeur. Dans d’autres manières, un comité de saddhus issus de différents monastères élisent le nouveau chef. Dans ce dernier cas, un principe de lobbying se met en place. « L’un de mes amis était prêtre dans un temple. Son maître est mort sans avoir au préalable nommé un successeur. Une commission de quatre membres a alors été mise en place » partage un commerçant local. « Mon ami m’avait indiqué son désir de devenir le futur chef même si il existait d’autres moines plus méritant. Deux membres de la commission étaient opposés à sa candidature. J’ai acheté un kit de téléphone Nokia dernier cri et j’ai approché l’un d’eux en lui disant qu’il n’en existait que cinq sur le marché indien. Quand je lui ai dis que mon ami souhaitait devenir le nouveau chef, il me demanda de lui trouver une version de ce kit pour notre prochaine rencontre. Au final, mon ami a été élu nouveau chef avec trois votes positifs contre un négatif ».

Les locaux affirment que n’importe quel saddhu peut devenir chef en y mettant le prix. « La plus haute enchère remporte le titre » déclare le chef Yugal Kishore Shastri.

La rivalité entre les différents temples peut également être répertoriée comme facteur de criminalisation. « Mon Dieu et mon temple sont plus authentiques que les vôtres. Voilà l’état d’esprit » affirme Raghuvar Sharan, un saddhu.

L’autre visage du glissement vers la criminalité des saddhus est l’introduction de criminels parmi les saddhus. Et la ville sainte d’Ayodhya regorge d’exemples allant dans ce sens. « Plusieurs criminels sont devenus des saddhus et se sont installés à Ayodhya » déclare le chef du temple d’Hanuman Garhi. « Leur apparence a changé mais leurs actions restent les mêmes ». Prenons le cas de Kamdev Singh, un brigand notoire de Begusarai, une ville de l’état voisin du Bihar et qui est accusé du meurtre de plusieurs militants communistes. Avoir d’avoir été tué dans une fusillade avec la police en 1983, il était établi à Ayodhya depuis de nombreuses années en tant que saddhu.

« Kamdev a lancé une mode. De nombreux criminels ont suivi ses traces et ont fais d’Ayodhya leur refuge » rapporte un officier de police. Ils tirent profit du fait que le police ne fait pas de descente dans les temples et qu’aucunes questions ne leur sont posées sur leur passé ». Après la mort de Kamdev, de nombreux membres de gang sont arrivés à Ayodhya habillés en hommes saints. Ram Kripal, un expert en explosifs est l’un d’eux. Il devint le disciple de Lakshman Das et fut impliqué dans diverses affaires de meurtres, d’extorsion et de vols de propriétés avant son assassinat en 1996. « Il a fait du crime un business particulièrement juteux à Ayodhya » raconte le saddhu Ramsubhag Das.

Ces dernières années, des saddhus ont été accusés d’abriter des criminels. « La tête de Sriprakash Shukla était mise à prix à hauteur de 200 000 roupies (2400 euros). Il resta dans un monastère de la ville après le meurtre d’un responsable politique du BSP et après l’assassinat d’un policier » explique un officier de la ville voisine de Faizabad. Plusieurs sources indiquent qu’il serait également derrière le meurtre du chef religieux Ram Kripal Das, sous les ordres d’un autre leader en 1996.

A suivre…

Traduction par Julien Lathus via Tehelka.

Relire la première partie.

 

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