Le petit royaume himalayen est en phase de devenir le premier pays au monde à produire une agriculture entièrement organique après l’interdiction de la vente de pesticides et d’herbicides. A présent, les seuls fertiliseurs seront d’origine animale ou végétale. Un pas de plus en direction de l’environnement alors que le Bhoutan consacrait déjà une grande partie de son agriculture sous sa forme « verte ». Face à l’optimisme du gouvernement et des progrès de la science agricole, les agriculteurs restent dubitatifs.
Plutôt que d’accepter de penser que les fermiers du Bhoutan seront affectés par cette interdiction et qu’ils verront leurs productions se réduire, le gouvernement prévoit que cette décision aura des effets bénéfiques sur l’environnement comme sur la quantité produite et que le pays pourra même se permettent d’exporter chez ses voisins indiens ou chinois des aliments d’excellente qualité.
Cette décision de passer en 100 % organique est guidé par des principes pratiques et philosophiques a expliqué le ministre bhoutanais de l’agriculture et des forêts, Pema Gyamtsho, la semaine dernière au cours de la conférence annuelle sur le développement durable de New Delhi. « Nos terres sont montagneuses. Quand nous utilisons des produits chimiques, nous ne savons pas où ils partent mais ils affectent l’eau et les plantes. . Nous affirmons que nous devons tous nous souciez de notre environnement. La plupart de nos méthodes agricoles sont issus de notre tradition. De toute façon, nous étions déjà largement concerné par une agriculture biologique » indique-t-il.
Les motivations sont également d’ordre philosophique et religieux. « Nous sommes Bouddhistes et nous croyons à la vie en harmonie avec la nature. Les animaux ont le droit de vivre et nous aimons voir les plantes et les insectes être heureux » reprend-t-il.
Gyamtsho, comme de nombreux autres membres de son cabinet est lui-même un agriculteur qui a étudié les méthodes agricoles occidentales en Nouvelle-Zélande et en Suisse. « Passer au tout organique va prendre du temps alors nous n’avons pas décidé de nous imposer une date limite. Nous ne pouvons le faire du jour au lendemain mais nous allons nous y atteler région par région, champ par champ » souligne-t-il pour expliquer la méthode de transition.
En tant que nation presque entièrement agricole qui a ouvert ses portes aux influences mondiales il y a une trentaine d’années, le Bhoutan fait face aux nombreuses problématiques qui touchent tous les pays en développement. La jeunesse est de plus en plus réfractaire à vivre des productions de la terre et elle s’exile en Inde. De plus, la démographie enregistre une forte hausse ce qui implique une pression inévitable en direction du consumérisme et des changements culturels.
Pour le ministre, cette décision se place dans les grandes orientations que le pays doit prendre pour affronter le futur. Pour lui, cela consiste à offrir une réponse aux défis interconnectés du développement tels que les changements climatiques et la sécurité alimentaire comme énergétique. « Nous serions déjà autosuffisants sur le plan alimentaire si nous ne mangions que ce que nous produisions mais nous importons du riz. Cette pratique est devenue commune de nos jours mais cela était plus dur d’en acquérir avant. Seuls les riches et les élites en mangeaient. Le riz était synonyme d’un certain statut. Maintenant cette tendance s’est renversée » explique-t-il.
La tendance agricole biologique est un défi pour le Bhoutan où les petits exploitants développent des nouvelles techniques visant à accroître la productivité tout en conservant la qualité des sols. Des systèmes dits « d’intensification durable » (SRI) qui régulent les besoins en eaux pour les cultures et les dates adéquates de mise en terre des plantations montrent que les lopins de terre biologique peuvent doubler leur rendement sans intervention de produits chimiques. Pourtant, de nombreux agriculteurs restent dubitatifs face à une culture sans produits chimiques alors que le Bhoutan subit un réchauffement depuis plusieurs années et que la météo reste imprévisible.
A Paro, dans le sud-ouest du royaume, les fermiers luttent déjà à produire suffisamment pour nourrir leurs familles et des responsables gouvernementaux locaux ont distribué de larges quantités de fertilisant et de pesticides pour dynamiser la production. « J’ai entendu le projet de passer à une agriculture 100 % biologique. Mais nous faisons déjà face à de sérieux problèmes pour produire suffisamment » explique un agriculteur du district.
Malgré les inquiétudes, le ministre de l’agriculture reste optimiste. « Heureusement que nous pouvons apporter des solutions. Ce qui est en jeu est notre futur. Nous avons besoin que le gouvernement prenne les bonnes décisions maintenant plutôt que de réparer les pots cassés dans le futur ».
Sources :
The Guardian (Royaume-Uni) en VO.
Julien Lathus