Présidentielles en Afghanistan : une faible participation et déjà des complications à venir

Les Afghans ont voté ce samedi 28 septembre pour élire leur président de la République et si le résultat ne sera pas connu au moins avant le 19 octobre, on connaît déjà le vainqueur de ces élections : une abstention massive. Conséquence du désaveu populaire des …

Les Afghans ont voté ce samedi 28 septembre pour élire leur président de la République et si le résultat ne sera pas connu au moins avant le 19 octobre, on connaît déjà le vainqueur de ces élections : une abstention massive. Conséquence du désaveu populaire des politiques et des menaces des Talibans qui avaient juré de perturber le scrutin, à peine 20 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Pour compliquer un peu plus la situation chaotique qui perdure en Afghanistan, les deux favoris à l’élection revendiquent tous deux la victoire avant même la fin du dépouillement.

Les Talibans avaient promis que la mort rôderait autour des bureaux de vote en ce samedi électoral et visiblement, le message est passé chez les Afghans qui ne se sont pas enthousiasmés pour le scrutin présidentiel. D’après les premières estimations, le taux de participation s’élèverait à peine à 20 %. La Commission Électorale Indépendante (IEC) a déclaré que la moitié des bureaux de vote aurait polarisé 1,1 millions d’électeurs sur les 9,6 millions d’Afghans inscrits sur les listes électorales. Sur le terrain, au cours de la journée de samedi, aucune file d’attente à l’entrée des bureaux de vote n’a été vue comme lors des précédentes éditions mais comme pour ces dernières, elles ont entraînés dans leur sillage des nombreuses accusations de fraudes et de manquements aux standards électoraux.

Avec une série d’attaques de grande envergure perpétrée durant tout le mois de septembre ainsi qu’une communication menaçante à destination des électeurs, les Talibans avaient cherché à décourager les Afghans de participer aux quatrième élections présidentielles de leur histoire. « Nos compatriotes civils devraient strictement rester éloignés du processus électoral en raison des opérations militaires de la part de nos combattants » pouvait-on lire sur le site de propagande des Talibans deux jours avant le scrutin.

En dépit des menaces, la journée électorale s’est déroulé sans attaque majeure à part à Kandahar où une bombe a explosé dans une mosquée locale transformée pour l’occasion en bureau de vote. On dénombre au moins quinze personnes blessées. A l’issue de la journée, le ministère de l’intérieur afghan a déclaré que 68 attaques contre des bureaux de vote avaient été rapportées, faisant 3 morts et 39 blessés. Selon le New York Times, le bilan de la journée serait de 40 morts et plus de 150 blessés, «le bilan moyen d’une journée en Afghanistan ». Le réseau d’analystes Afghanistan Analysts Network fait quant à lui état de 400 attaques de basse-intensité.

Si la peur face aux menaces des Talibans a écarté une bonne partie des électeurs des bureaux de vote, les conditions sécuritaires ne sont pas le seul argument pour expliquer ce faible taux de participation. Le désaveu envers les politiques a également joué un rôle fondamental dans le désintéressement populaire envers le scrutin de ce samedi.

Les deux favoris à l’élection sont les deux politiciens qui ont conduit les affaires du pays ces cinq dernières années. Le président-sortant Ashraf Ghani et son chef de l’exécutif, Abdullah Abdullah nourrissent l’un pour l’autre une profonde haine et cette rivalité a été un grave handicap au gouvernement d’union nationale que les deux avaient été chargés de former à l’issue des dernière élections de 2014 qui avaient poussé le pays dans le chaos politique et au bord d’une guerre civile. En conséquence, la situation en Afghanistan s’est empiré durant leur mandature. Le chômage a connu une forte explosion, la corruption touche toutes les couches de l’administration et se pratique à l’échelle industrielle et ajouté à cela, ce gouvernement ne contrôle plus que la moitié du pays, l’autre étant aux mains des Talibans ou âprement disputés par ces derniers.

Face à cette situation, les Afghans ne considèrent plus le système politique comme un outil d’amélioration de leur quotidien. Violences militantes ou politiques, corruption, effondrement économique et manque de perspectives d’avenir font que les Afghans se sont détournés du processus électoral. « J’ai voté la fois dernière mais le résultat a juste empiré la situation du pays » exprime Farhad Azimi, un électricien de 36 ans. « C’est pourquoi j’ai fais le choix de ne pas aller voter cette année. Je m’attends de plus de problèmes après l’élection. Il y aura peut être des combats, le pire est possible » reprend-t-il.

Les craintes de ce citoyen afghan semblent se concrétiser avec l’annonce lundi des deux favoris qui se déclarent chacun vainqueur de ces élections alors que le dépouillement des bulletins ne fait que commencer. De tels comportements laissent donc entrevoir les prémices d’une nouvelle crise politique à venir. « Nous avons beaucoup de votes et dans la situation actuelle, l’élection n’aura pas besoin de second tour et je formerai le prochain gouvernement » s’est exclamé Abdullah Abdullah avant qu’Amrullah Saleh, bras droit d’Ashraf Ghani ne vienne annoncé quelques heures après que « les estimations que nous avons indiquent une écrasante victoire pour nous. Il n’y aura pas de second tour. Cela vient de bonnes sources et je les ai revérifié avant d’en parler » déclare-t-il. Selon la constitution afghane, un candidat est élu au premier tour si il dépasse les 50 %.

Avec une participation à hauteur de 20 %, ces élections seraient les moins populaires depuis la mise en placement du suffrage universel suite au reversement des Talibans par les forces américaines. Avec un tel taux et les nombreux problèmes que rencontre l’Afghanistan, il n’est pas difficile d’imaginer que les prochaines années seront sombres pour les Afghans tant sur le plan politique, que sécuritaire ou économique. Des craintes encore renforcées par la perspective d’un retrait complet des forces américaines du pays.

Julien Lathus

Add comment