Dans le sous-continent indien, il a fallut attendre l’arrivée des Musulmans pour que se développe l’idée du livre. Auparavant régnait la tradition de l’oralité. Sous les empereurs moghols, de véritables pièces d’art enluminées virent le jour et avec l’arrivé des Britanniques et des presses, un véritable marché se fonda. Aujourd’hui, pour cette revue de presse dédiée aux librairies, direction l’Inde du Nord, pour une visite de 2 librairies emblématiques du pays : Yodakin à Delhi et celle de l’élégant Ram Advani de Lucknow. Avant de nous plonger dans l’atmosphère feutré et atypique de ces places magiques, c’est le moment de la phrase de la semaine.
La phrase de la semaine.
« Les récentes tragédies qui ont coûté la vie de plus de 1200 Bangladais dans les usines textiles ont mis en lumière les sérieux manquement aux droits des travailleurs et des standards de sécurité qui prévalent au Bangladesh ».
Mike Forman, haut représentant du commerce des USA justifie la suspension des privilèges commerciaux établis avec le Bangladesh. Cette décision, voulue par Barack Obama est à double tranchant, puis qu’au nom de la sécurité des employés, certes nécessaire, elle prive le pays d’avantages essentiels pour son économie qui repose essentiellement sur le textile. Cette fin de privilèges risque d’accroître encore plus la vulnérabilité des employés dans la course à la rentabilité.
Une librairie alternative en danger à Delhi.
Depuis plus de 4 ans, Yodakin, l’une des meilleures libraires alternatives de Delhi a pris pied dans Hauz Khas Village, fait de petites allées pédestres datant du 13ème siècle. Le quartier est aujourd’hui devenu l’une des enclaves bohèmes la plus prisée de la capitale indienne. Pour l’hebdomadaire américain The New Yorker, Siddaharta Mitter nous emmène à la découverte de cette librairie indépendante dont les rayons proposent une quantité de livres et de magazines alternatifs sur la musique ou encore le cinéma.
Dès l’entrée dans cette librairie, le visiteur tombe sous le charme d’une mise en place un peu incongrue mais plaisante et aérée. Das, bientôt la quarantaine est la maîtresse des lieux. Directe et avec un petit air autoritaire, elle a fondé Yodakin il y a 4 ans, après avoir bâti sa compagnie d’édition, Yoda Press en 2006. Face aux problèmes qu’elle avait à faire diffuser ses livres, des essais éclectiques, présentés dans une élégante maquette, chez les libraires de Delhi, elle décida d’ouvrir son propre espace culturel. « Je voulais voir par moi même si c’était vraiment dur de faire tourner une édition indépendante, en terme de marché. Je réalisais que l’idée n’était pas ridicule. Les gens cherchaient vraiment les livres que je proposais » explique-t-elle.
Au départ, le défi fut important et l’argent ne rentrait pas et les craintes de la hausse foncière menaçait le projet. Mais la librairie, la seule du genre à Delhi commença à attirer les personnes issues des communautés artistiques, médiatiques et activistes de la capitale indienne. Le succès fut dynamisé par l’émergence d’une scène créative et artistique à Delhi qui peut maintenant rivaliser avec Mumbai ou Kolkata, et ce malgré la pollution, la violence et les agressions qui caractérisent la capitale. Cette librairie est le symbole de la croissance cosmopolite de Delhi.
Dans ces murs, la librairie accueille de nombreux événements. Des conférences et des cercles de réflexion, sur l’art, la condition des femmes ou encore sur la poésie palestinienne. Pourtant, face au dynamisme et aux charmes des lieux, la librairie est en danger. Il y a quelques semaines, face à la gentrification du quartier bohème, le propriétaire des locaux a annoncer à Das qu’il allait doubler le loyer. Durant quelques jours, Das pensa fermer Yodakin mais elle reçoit le soutien d’une campagne de financement populaire. L’avenir de la librairie n’est pas encore fixé mais la mobilisation est en route pour conserver ce projet atypique.
Le libraire de la cité des Nababs.
Sur Hazrat Ganj, la grande avenue des quartiers occidentaux de Lucknow se niche une petite libriaire. Petite par la taille mais une institution dans cette ville du nord de l’Inde qui fut pendant un temps, le grand centre culturel de l’Inde au XIXème siècle avant sa prise par la Compagnie des Indes Orientales britannique. Le maître des lieux est l’élégant Ram Advani. Né à Lahore, aujourd’hui au Pakistan dans les années 1920, il s’est installé à Lucknow à la Partition du sous-continent en 1947. Pouvait-t-il aller dans une autre ville après avoir goûté aux délices de Lahore.
A plus de 80 ans, il continue de tenir sa librairie. Un travail qu’il fait depuis 60 ans, et même à son âge, il se lève toujours pour accueillir et saluer ses visiteurs, les invitant à s’asseoir et à prendre une tasse de thé. Peut importe si l’on achète quelque chose ou pas, Ram Advani est toujours ravi de pouvoir parler durant des heures sur quelque sujet que ce soit, sur un fond de Beethoven ou de Schubert.
Mais parler de Lucknow avec Mr Advani reste une expérience riche et fascinante. 60 années d’expérience dans la ville des nababs lui ont apporté une vaste connaissance sur sa ville d’accueil. Il évoque ces changements, son histoire et son futur. Sur les rayonnages, Lucknow tient le haut du pavé. De nombreux auteurs comptent parmi ses amis et tous ceux qui aiment cette ville seront ravis de pouvoir trouver de merveilleux ouvrages sur l’histoire de la cité. Ram Advani sera également toujours prêt à distiller ses conseils dans la tenue d’une librairie en encourageant les jeunes à en ouvrir. Bref, rendez-vous au Mayfair Theater de Lucknow, le siège de la librairie de ce grand monsieur.
Julien Lathus.