Nombreux avaient été prévenus et semblaient prêt à toute éventualité. C’est maintenant un fait accompli. Comment poursuivre le processus de normalisation des liens entre l’Inde et le Pakistan en cas de crise ? Les deux pays s’étaient pourtant assurés qu’aucun incident de la sorte ne viendrait compromettre la réconciliation. Mais l’assassinat brutal de 2 soldats indiens vient de remettre en cause cette équation. Cette situation a engendré du côté de l’Inde des approches distinctes que la presse indienne a colporté toute cette semaine, parfois assez loin des espoirs de voir les médias du sous-continent œuvrer pour la paix, ou au minimum pour la retenue.
La mutilation de 2 soldats indiens, attribuée à des soldats pakistanais montre en Inde les militaires s’opposent au pouvoir civil sur la manière de donner à l’affaire. Alors que le ministre des affaires étrangères annonce que « l’Inde fera de son mieux pour sauver le processus de paix, le général en chef des armées indiennes, Bikram Singh appelle les commandants de son armée à « être plus agressifs ». Deux regards bien distincts pour la résolution de la crise. Néanmoins, le général qui parle d’un « acte impardonnable » affirme que « l’Inde cherche à maintenir le dialogue avec le Pakistan mais que les attaques doivent cesser ». Mais le terme « agressif » a marqué les esprits.
Pour le premier ministre indien, Manmohan Singh, l’heure est au scepticisme. Pour lui, qui est dépeint comme un artisan de la paix entre son pays et le Pakistan par de nombreux commentateurs politiques, le spectre de voir la paix fuir se décèle dans son discours aux accents fermes mais amères et pessimistes. « Après cet acte barbare, il ne peut y avoir d’accords avec le Pakistan comme d’habitude. Ce qui s’est passé au Cachemire est inacceptable. J’espère que le Pakistan réalise cela. J’espère que le Pakistan amènera les auteurs de ce crime à s’expliquer » a-t-il déclaré aujourd’hui depuis New Delhi où il suit les célébrations du Jour des forces armées qui se déroulent chaque année le 15 janvier.
Si la fermeté du discours est unanime, une petite porte reste ouverte. Mais c’est l’Inde qui en a la charge et déjà le pays agite les clés de cette porte au nez du Pakistan. Ce Pakistan qui dément depuis le début l’incident en affirmant que l’Inde a commencé cette escalade après la mort d’un soldat pakistanais le 6 janvier dernier sous le feu indien. C’est le ministre des affaires étrangères indiennes qui tente de désamorcer la crise en cherchant à conserver le fruit des efforts diplomatiques des 2 pays entrepris depuis plus d’un an. « Lorsque vous investissez avec force dans le processus de paix, vous ne le faite pas simplement parce que cela sonne bien. Vous le faite car il existe un besoin objectif et pragmatique de paix, car le coût de cette situation est bien plus élevé que le coût de l’investissement dans la paix » indique le ministre Salman Khurshid en référence à l’année qui vient de s’écouler.
Du côté de la presse, de nombreux titres indiens ont fait de cette crise la une de leur publication. On ne compte plus les longs articles sur les faits comme les analyses des forces en présence à la frontière ou encore sur la guerre du Kargil de 1999 ou la confrontation de 2001-2002. Le ton est donné, les médias indiens se focalisent sur une Inde qui est forte et qui doit le faire comprendre. « Répondez au feu pakistanais par le feu » titre The Times of India en reprenant l’ordre de Bikram Singh à ses commandants en poste au Cachemire : « Lorsqu’il y a provocation, j’attends de mes commandants une riposte ». En comparaison, la presse pakistanaise s’est faite discrète sur le sujet et peu d’articles ont été publiés cette semaine sur cet incident majeur pour la normalisation des liens entre les 2 pays, si ce n’est ceux reprenant le discours musclé du général indien.
La situation reste donc compliquée et dans l’expectative de voir des incidents se multiplier en grand nombre entre les troupes indiennes et pakistanaises. A ce paramètre s’ajoute la crainte d’opérations par des groupes parallèles originaires des milieux djihadistes. Si la situation parvient à se stabiliser par les efforts volontaristes des dirigeants des 2 pays, l’incident aura néanmoins mit en lumière la nécessité pour l’Inde et le Pakistan de résoudre au plus vite la question du Cachemire qui demeure la pierre angulaire de la normalisation de leurs liens.
Sources :
BBC (Grande-Bretagne) en VO.
Deccan Herald (Inde) en VO.
The Express Tribune – International Herlad Tribune (Pakistan) en VO.
Julien Lathus.