Le mois dernier, l’auteur Amish Tripathi s’est vu offrir 1 million de $ pour écrire une nouvelle série littéraire. Tout le petit monde de l’édition indienne d’expression anglaise a été stupéfait par l’annonce. Il est en effet rare que les auteurs touchent une avance de plus de 25 000 $ et il semblerait qu’Amish Tripathi ne soit toujours pas sûr des thèmes qu’il abordera dans son nouveau roman. Ce contrat est le résultat du succès de sa trilogie publiée en 2010 et mettant en scène le dieu hindou, Shiva. Au delà de cette information littéro-commerciale brassant des sommes d’argent jamais vues dans le milieu, on comprend que la mythologie hindoue est devenue le marché le plus rentable de l’industrie du livre indien en anglais.
Cette tendance s’est établie en 2003 avec la sortie du premier volume de l’épopée classique du Ramayana par Ashok Banker. En 8 volumes, l’histoire se focalisait sur la victoire du roi vertueux Rama sur l’infâme Ravana. La combinaison de fiction historique, de mythologie hindoue et de fantaisie atteint maintenant de nombreux styles comme les nouvelles graphiques ou les livres de commerce. La popularité croissante de ce genre est déjà une autre histoire sur l’adaptation des traditions indiennes dans le développement actuel de l’Inde.
Durant de nombreuses années, les éditeurs indiens n’ont pas considéré la mythologie indienne comme un matériel prometteur. Tous ces contes sont particulièrement connus en Inde, à la manière des Évangiles dans la chrétienté. Mais en Inde, ils sont toujours racontés dans les villages ou joués dans les festivals religieux comme celui dédié à Rama, la Ram Lila. Néanmoins, avec l’urbanisation croissante, la tradition perd son poids, ce qui entraîne une rupture des liens avec les coutumes rurales et la transmission orale. Et avec les lois empêchant dans les écoles l’apprentissage associé avec des aspects d’une communauté religieuse, il y a une brèche dans laquelle la fiction mythologique tente de s’introduire.
Le « Prince d’Ayodhya » d’Ashok Banker a permit à toute une nouvelle génération de lecteurs de revisiter le Ramayana en injectant de l’humanité à des personnages que la plupart des Indiens considèrent comme sacrés. Cet apport de fraîcheur dans les vieilles histoires a permit une ouverture à une audience élevée par Hollywood et Bollywood.
L’épopée de Banker intègre également dans l’image de la bataille entre Rama et Ravana de nombreux concepts du combat manichéen entre les forces du bien et celles du mal, qui ne fait pourtant pas partie de la tradition indienne. Dans les version les plus anciennes du Ramayana, Ravana est un roi lettré, aimé de ses sujets et qui est mené à la destruction pour son amour pour une femme mariée. Son Ramayana ne s’éloigne pas trop du chemin mais l’adoption du personnage de Ravana par les forces obscures est une déviation significative. La métaphysique complexe a été laissée.
Les fictions mythologiques modernes échouent fréquemment à faire exploser les liens sociaux hiérarchiques. Dans les versions précédentes du Ramayana et du Mahabharata, le conflit et le chaos apparaissent comme des conséquences directes du mélange des castes et du manque de respect envers les Brahmanes, la plus haute caste hindoue.
Julien Lathus