Après des années marquées par un inexorable déclin, de nouveaux espoirs naissent pour les tigres indiens. Ces 4 dernières années, leur population a connu une croissance de plus de 30 % passant de 2226 spécimens en 2015 à 2967, comptabilisés cette année après une vaste enquête menée dans les forêts indiennes. En 2006, le nombre de tigres indiens avaient atteint le nombre inquiétant de 1411 individus ce qui avait poussé l’Inde et les 13 autres pays qui comportent des populations de tigres à prendre la décision de faire doubler la population mondiale des tigres d’ici à 2022.
Mené tous les 4 ans, le recensement des tiges se base sur la collecte d’informations rapportées du terrain par les gardes-forestiers sur une zone de près de 400 000 km². Ils sont également aidés par la prise de quelques 350 000 clichés pris par 26 000 appareils photos à déclenchement automatique placés dans les zones où le tigre a ses quartiers.
Si le premier ministre indien Narendra Modi évoque une « réussite historique », certains spécialistes de la conservation animal appellent à utiliser ces chiffres avec précaution car si la hausse du nombre des tigres est porteuse d’espoirs, elle pourrait en fait être le reflet d’un meilleur procédé de dénombrement de ces grands félins.
Pour la conservatrice Neha Sinha, ce recensement pourrait suggérer que plus de tigres se reproduisent au sein des zones protégées. Cette interprétation, positive à première vue cache en fait un facteur inquiétant : les tigres ne peuvent plus se disperser et trouver leur propre territoire. « Chaque tigre adulte a besoin de trouver son propre territoire et ce dernier peut parfois atteindre le 200 km². Ils ont donc besoin de plus d’espace… Si on veut que leur nombre reste stable, ils ont besoin de se disperser » explique-t-elle.
Cette dispersion, nécessaire à la croissance de la population des tigres rencontre une autre croissance : celle de la présence humaine. Le développement des infrastructures routières ou ferrées tout comme les interactions entre les tigres et les hommes demeurent un source de menace permanente pour les tigres.
En milieu rural, l’expansion des habitations et des champs met les tigres et les hommes en concurrence pour l’exploitation de l’espace. Il en résulte une véritable animosité des communautés villageoises envers le tigre pour ses attaques contre le bétail et les humains, ce qui les poussent à faire du tigre leur ennemi numéro un, à le chasser, le traquer ou l’empoisonner. Depuis 1972, année où le tigre est devenu une espèce protégée en Inde, le pays a créé plus de 20 réserves pour les tigres qui sont toutes entourées par des villages.
Le 26 juillet dernier, une tigresse s’est aventurée hors de la réserve de Pilibhit dans le nord de l’état d’Uttar Pradesh et s’est mise à attaquer des villageois, faisant 9 blessés et 1 mort. Apeurées, des dizaines de personnes ont alors pris le félin en chasse et l’ont frappé à coup de bâtons et de lances jusqu’à sa mort. L’incident, filmé et mis sur les réseaux sociaux est rapidement devenu viral. Dans cette affaire, la police a procédé à l’arrestation de 4 personnes en lien avec la mort de la tigresse et a annoncé que 33 autres étaient recherchées.
Entre 2016 et 2018, une tigresse des collines de l’Inde centrale, baptisée T-1 a été accusée de la mort d’au moins 13 personnes. A l’automne dernier, des centaines de gardes-forestiers avaient organisé une battue pour la localiser et l’endormir mais après l’échec des tirs de tranquillisants, la tigresse a finalement été tuée au grand dam des activistes mais à la grande satisfaction des villageois.
Ces affaires ne sont pas isolées en Inde et apparaissent comme un réel problème en milieu rural et un défi pour les pouvoirs engagés dans la protection internationale des tigres. Les interactions humain/animaux feraient un victime par jour en Inde. Dans un rapport publié à l’été 2017, le ministère de l’environnement indiquait qu’entre avril 2014 et mai 2017, 1144 personnes avaient été tuées par des animaux sauvages, principalement des éléphants, responsables de 1052 de ces morts.
Julien Lathus