Le projet gouvernemental d’instaurer des cours de justice spéciales pour traiter des affaires des médias à déclencher la colère des journalistes, éditeurs et juristes qui crient à une manœuvre pour réduire la liberté d’expression.
Mardi soir, la porte-parole du gouvernement pakistanais, Firdous Ashiq Awan a laissé entendre que les affaires judiciaires portant sur les médias pourraient être traitées par un tribunal spécial. L’association All Pakistan Newspapers Society (ANPS) a déclaré que « ce jour était un jour sombre pour les médias pakistanais et qu’ils allaient combattre cette mesure sur le plan législatif et judiciaire ».
« Ces tribunaux spéciaux qui n’ont pour but que d’intimider et étouffer les médias et la liberté d’expression ne sont pas seulement anticonstitutionnel mais ils sont également contraire à l’esprit démocratique » a déclaré Hameed Haroon et Sarmad Ali, respectivement président et secrétaire-général de l’APNS dans un communiqué.
Les journalistes et les défenseurs des droits craignent l’introduction de ces tribunaux alors qu’ils déclarent être de plus en plus sous pression et pratiquent l’auto-censure pour éviter de couvrir de manière négative les actions de l’administration du premier ministre Imran Khan.
En juillet dernier, l’opposition avait accusé Imran Khan d’avoir intimidé des chaînes de télévision qui se faisaient critiques envers lui en les suspendant de diffusion momentanément, coupant ainsi court à la couverture des protestations de l’opposition. Le premier ministre a nié la censure des médias et a qualifié ces accusations de « blague ».
Pour défendre le projet du gouvernement, Firdous Ashiq Awan explique dans un tweet que l’instauration de ces cours permettraient de traiter les cas plus rapidement dans les limites des standards judiciaires en vigueur dans le pays. «Tout le processus sera un pur reflet de la loi et des valeurs démocratiques » reprend-t-elle en ajoutant que les journalistes pourront également y déposer leurs plaintes envers le gouvernement.
Ces propos n’ont pas suffit à apaiser les peurs de nombreux défenseurs du droit d’expression, dont l’ONG lanceuse d’alerte Human Right Commission of Pakistan (HRCP) qui s’est dite alarmée par le projet. « Comment ces tribunaux espèrent-ils maintenir l’indépendance des médias ? Étant donné les dramatiques précédents sur la liberté de la presse, l’HRCP appelle le gouvernement à refréner la pression qui repose sur les médias » déclare l’ONG sur Twitter.
The All Pakistan Newspapers Society said that the decision marked a "black day" for the Pakistani media, while the Human Rights Commission of Pakistan (HRCP) urged the government to "refrain from pressurizing the media further."
https://t.co/rIhNc7CX0Q via @GandharaRFE— AbuSid (@sid_abu) September 18, 2019
En se positionnant à la 139ème place sur 180 pays du classement de la liberté de la presse établie en 2018 par Reporters Sans Frontières, le Pakistan a enregistré un gain de vingt places depuis 2013, en raison du dynamisme du secteur qui reste néanmoins sous la menace croisée des groupes extrémistes et des services de renseignements du pays. En conséquence, l’auto-censure gagne du terrain et les prédateurs de la liberté de la presse cherchent à s’infiltrer dans la moindre brèche pour pour réduire la diversité de l’opinion et de l’expression pakistanaise.
Julien Lathus