Après le lourd bilan d’une nouvelle embuscade tendue par les Talibans contre des commandos d’élite de l’armée afghane le 15 juillet dernier dans la province du nord-ouest de Badghis, des questions s’élèvent quant à la gestion et la coordination de ces troupes d’élite de l’armée afghane.
Au moins 35 commandos ont été tués lundi dernier dans le cadre d’une opération de contre-terrorisme dans le district d’Aab Kamari. L’assaut des Talibans est intervenu au moment où les soldats évacuaient la zone par hélicoptère. Ces dernier ont rapidement revendiqué l’attaque dans un communiqué diffusé sur leur organe de propagande : Voice of Jihad et ont évoqué l’élimination de 39 soldats et la capture de 16 autres. Les Talibans ont également confirmé qu’il s’agissait d’une embuscade planifiée.
Du côté des autorités, l’embarras de voir une nouvelle fois un grand nombre de soldats d’élite tomber dans une embuscade se fait palpable. Le gouverneur de la province de Badghis, Abdul Ghaffar Malikzai pointe du doigt le manque de coordination émanant des centres décisionnels militaires afghans. « Si plus de 25 Talibans ont été tués, nous avons notre lot de martyrs, mais le plus regrettable là dedans, c’est que nous n’avons eu aucune coordination » explique-t-il.
Pour le ministère de la défense, la logique est tout autre et le carnage qui a frappé les commandos afghans lundi dernier résulte de la nature complexe du terrain où s’est produit l’embuscade. Une version qui apparaît comme peu convaincante au regard des problèmes que rencontre l’armée afghane tant sur le terrain qu’en interne sur le plan de la transmission des informations et des ordres et qui ont déjà affectés les troupes d’élite de l’armée afghane.
Dimanche, le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes de cette dernière grande embuscade des Talibans. « De manière générale, toute attaque faisant des morts au sein des forces armées fait l’objet d’une enquête. Celle d’Aab Kamar sera sérieusement conduite afin de définir les problèmes et les manquements dans le but de prévenir de incidents similaires dans le futur » a déclaré le porte-parole du ministère de la défense, Fawad Aman.
Propagande et stratégie des Talibans face aux forces d’élite de l’armée afghane
La veille, le porte-parole du mouvement taliban, Zabitullah Mujahid était revenu sur cette embuscade en publiant sur son compte Twitter une vidéo mettant en scène le butin de guerre pris par les Talibans au commando attaqué à Badghis. On y voit des carabines Colt M4, des fusils de sniper, des mitraillettes, des pistolets par dizaine ainsi que du matériel radio et des équipements de vision nocturne.
Tout ce matériel militaire saisi aux forces d’élites de l’armée afghane devient un élément central de la stratégie des Talibans qui peuvent ainsi se déguiser en soldats des forces afghanes et infiltrer des bases dans le but d’y conduire de vastes opérations à l’impact très négatif pour le moral des commandos, mais également de l’armée régulière qui est loin d’avoir l’entraînement des troupes d’élite. Nombre de ces équipements, made in USA et à la pointe de la technologie militaire sont également utilisés par les unités spéciales des Talibans comme la Red Unit.
Ces dernières années, les unités de commandos afghans sont donc devenues des cibles prioritaires pour les Talibans. Pièce-maîtresse dans la stratégie de lutte contre l’insurrection talibane, les commandos afghans ne regroupent que 20 000 soldats qui sont alors constamment déployés en opérations et qui subissent par conséquent un lourd tribut humain. Les centres décisionnels militaires afghans les envoient souvent défendre des districts reculés quand ils ont été repris aux Talibans, ce qui n’est pas dans les aptitudes de ces commandos, utilisés d’ordinaire pour des opérations de prise de terrain et d’attaque. Il semblerait donc que cette mauvaise affectation soit la cause des lourdes pertes que subissent les unités d’élite ces derniers mois.
En mars 2018, 10 commandos avaient été tués dans une embuscade dans la ville de Farah. Quelques mois plus tard au mois d’août, au cours d’une vaste opération talibane pour prendre le district central d’Ajristan (province de Ghazni), un bataillon complet de commandos afghans avait été attaqué. Au delà des captures, des blessés et des désertions, plus de 100 membres des unités d’élite avaient été tués. En novembre, toujours dans la province de Ghazni, 30 commandos sur un bataillon de 50 avait été tués dans une embuscade des Talibans et plus de 10 autres avaient été blessés.
Julien Lathus