Du 25 septembre au 1er octobre, le monde s’est donné rendez-vous à New York pour la 67ème assemblée générale des Nations-Unis. Chaque pays a pu intervenir à la tribune de l’organisation pour faire entendre son point de vue au cours des débats généraux. Cette année, le Serbe Vuk Jeremich est le président de la session de l’ONU. Ministre des affaires étrangères de son pays depuis 2007, il a choisi comme thème de travail « La résolution des problèmes internationaux par des moyens pacifiques ».
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon a prévenu les participants à cette session. « Cette année, le débat général sera l’un des plus chargés que nous avons connu. Il reflète les temps tumultueux qui sont les nôtres, des temps faits de désarrois et de transition » explique-t-il.
Les nations du sous-continent indien étaient toutes présentes et chacune a pu donner son opinion sur la situation du monde. Voici la teneur de ces discours, pays par pays, dans l’ordre d’intervention.
Pakistan : « Le Cachemire reste le symbole de l’échec des Nations-Unies ».
Le premier à intervenir fut le Pakistan par l’intermédiaire de son président, Ali Asif Zaradri dans l’après-midi du 25 septembre. La veille de son intervention, il avait rencontré la secrétaire d’état américaine Hillary Clinton en vue de réparer les liens entre les deux pays.
Dès le début de son discours, Ali Asif Zaradri a rappelé aux nations réunies que le Pakistan avait largement remplit ses obligations au regard de ses responsabilités internationales. Que ce soit par les plus de 10 000 soldats pakistanais qui sont actuellement des casques-bleus déployés aux 4 coins du monde ou par l’élection de son pays au conseil de Sécurité de l’ONU.
En reconnaissant le rôle de l’ONU dans les aspirations mondiales pour la paix, il indique néanmoins qu’une réforme de l’organisation serait nécessaire pour lui apporter plus de démocratie et de responsabilité. Il pointe dans cette direction le droit des peuples à la souveraineté en rappelant que le Pakistan soutient les Palestiniens à obtenir un état indépendant et à devenir un membre à part entière de l’ONU.
Il a également rappelé le coût humain que le Pakistan paye à l’extrémisme : plus de 7000 soldats, plus de 37 000 civils et sa femme, la défunte Benazir Bhutto. « Le terrorisme et l’extrémisme ont détruits des vies humaines, ont tordu la structure sociale du pays et ont dévasté son économie » déclare-t-il. Il se félicite néanmoins de la démocratisation croissante de son pays où « les médias sont libres et non-censurés et où la société civile fleurit sous ses privilèges ».
Sur le plan international, il souhaite une pleine coopération avec tous les pays de la région en pensant que « ce qui est bon pour l’Afghanistan est bon pour le Pakistan ». Il en appelle à la communauté internationale pour résoudre la situation des 3 millions de réfugiés afghans qui sont actuellement dans des camps au Pakistan.
Asif Ali Zardari se félicite de la nouvelle approche des relations que son pays entretient avec l’Inde. Mais il rappelle devant les nations du monde entier que le Pakistan continuera à soutenir les droits du peuple du Cachemire, en accord avec l’ancienne résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU. Pour lui, le Cachemire reste le symbole de l’échec du système des Nations-Unies.
Maldives : « Notre pays est le plus vulnérable aux changements climatiques ».
Dans l’après-midi du 27 septembre, les Maldives sont montées à la tribune. L’archipel a été représenté par son président Mohamed Waheed. Dès le début, il a loué et soutenu les mouvements démocratiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en félicitant l’Egypte et la Tunisie pour leurs élections. Il appelle toutes les patries qui se font face en Syrie à cesser toutes les hostilités et de mettre fin à ce cycle de violence.
Il rappelle que la tolérance et le respect mutuel devraient prévaloir entre les différentes religions et cultures du monde tout en condamnant la récente vidéo dénigrant le prophète Mahomet comme l’attaque du consulat américain en Libye. « La liberté d’expression ne devrait pas être utilisée comme outil pour insulter les religions ou provoquer la haine » déclare-t-il.
Il termine son chapitre international en espérant l’intronisation rapide de la Palestine comme état-membre à part entière de l’ONU en supportant les aspirations du peuple palestinien à leur auto-détermination.
Mohamed Waheed poursuit ensuite sur le sujet préféré de cet archipel de l’océan indien : les changements climatiques. Il souligne que son pays, comme d’autres sont menacés par la montée du niveau de la mer. « L’érosion des côtes est un sérieux problème, affectant plus de 113 îles de l’archipel des Maldives alors que 120 autres sont sujettes à des problèmes hydrauliques durant la saison sèche…Notre gouvernement dépense plus de 27 % de son budget à la lutte contre ce phénomène… Le Monde ne peut se permettre d’attendre plus longtemps. En tant que petite économie, les Maldives contribuent à 0,003% des émissions de carbone mais notre pays est le plus vulnérable aux changements climatiques entraînés par ces émissions » explique-t-il.
Sur le plan écologique, les Maldives annoncent leur intention d’éradiquer les hydrochlorofluorocarbures d’ici 2020 et souhaitent investir dans les énergies renouvelables en équipant 20 îles avec des systèmes solaires ou hybrides. « Si nous sommes capables de prendre de tels mesures alors pourquoi les états plus importants, bénéficiant de plus de ressources ne peuvent-t-ils pas en faire autant ? » s’interroge-t-il.
Il déclare que la transition démocratique de son pays connait un défi important depuis 8 mois et la démission de son premier président élu après 40 ans de dictature. Cette passation de pouvoir peu clair a entraîné certains pays à prendre position dans la crise politiques du pays explique-t-il. « Cela a rendu la situation encore pire ».
« Il est maintenant venu le temps pour les grands états d’aider les plus petits en reconnaissant leurs défis et en étudiant la manière pour eux d’étendre leur coopération avec eux » conclut-t-il.
Bangladesh : l’engagement d’une nation pour les femmes et la paix.
Le Bangladesh est intervenu en clôture de cette troisième journée de débats. Représentée par la première ministre du pays, Sheikh Hasina, le Bangladesh a souligné que les changements complexes auxquels le monde devait faire face nécessitaient des efforts collectifs pour trouver des solutions pacifiques sous les auspices des Nations-Unies.
Elle s’est félicitée de la résolution du conflit avec l’Inde sur le partage des eaux du Gange et sur la dispute maritime de 41 ans que son pays entretenant avec le Myanmar.
Sheikh Hasina a rappelé l’engagement du Bangladesh à la paix dans le monde en évoquant notamment la place de son pays, dans le top des nations fournissant des Casques-Bleus. Elle affirme qu’en quatre décennies de politique, elle avait appris que la paix prévalait quand la justice prévalait. « La justice qui est vital pour le développement n’est possible que sous la démocratie » déclare-t-elle.
Rappelant qu’elle avait introduit en 2011 un débat général dans son pays sur « l’autonomisation de l’homme et le développement », elle indique que cette initiative avait reçu l’aval de 62 pays.
« Des mesures d’autonomisation des sociétés doivent inclure de forts éléments d’égalité des sexes et d’autonomisation pour les femmes » déclare-t-elle en ajoutant que le Bangladesh a fourni une éducation gratuite pour les filles sous le couvert de la nouvelle politique éducative de son pays. « Depuis 4 ans, le pays a fait la promotion de la place des femmes en politique. 13000 ont été élues dans des gouvernances locales et 69 sont membres du Parlement, de plus, 30 % des postes gouvernementaux sont réservés aux femmes » souligne-t-elle.
Elle a réitéré son appel à un accord mondial sur les émissions de gaz basé sur un principe commun mais ayant des responsabilités différenciées. Elle a également rappelé que le terrorisme ne pouvait pas faire dérailler les progrès de son pays sont la pauvreté a reculé de 10%. « Le gouvernement a adopté une politique de tolérance-zéro envers toutes les formes d’extrémisme » conclut-t-elle.
Bhoutan : promotion du bonheur et l’espoir d’un siège au Conseil de Sécurité.
La journée du 28 septembre a été marquée par l’intervention du premier ministre du petit royaume du Bhoutan, Lyonchoen Jigmi Yoezer Thinley. « Comme dans la plupart des sessions de l’assemblée générale de l’ONU, nous partageons des peurs et des frustrations communes dans un monde qui va mal… Les problèmes économiques, sociaux, écologiques et politiques mondiaux sont interconnectés et enracinés dans la folie humaine qui suit une mauvaise route » déclare-t-il.
« Nous avons réalisé qu’il était temps d’accepter que le bien-être humain et le bonheur doivent être considérés comme source du développement humain » affirme-t-il. Le Bhoutan est en effet connu pour son attachement au bonheur dont les politiques ont tenté de quantifier le niveau au même titre que le PIB. Dans ce sens, le pays a présenté aux Nations-Unies une résolution devant mener à une rencontre internationale sur le sujet. L’assemblée générale de l’ONU a même décrété que le 20 mars sera la journée annuelle du bonheur.
Sur le plan de l’écologie, le ministre indique que son pays trouvait très concret l’accord sur les objectifs sur le développement durable voté en juin dernier lors du sommet Rio+20. « Le Bhoutan espère participer activement dans ce sens et voit comme une évidence la convergence des points de vue du monde sur ces questions pour rompre avec les idées du passé et développer une vision collective » déclare-t-il.
Pour la première fois de son histoire, le Bhoutan recherche à devenir un membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU pour 2013-2014. L’élection aura lieu le 1er janvier 2013. « Tous les états, quel que soit leur taille, leur population ou leur niveau de développement doivent recevoir l’opportunité de contribuer à apporter de la diversité de pensée à ce Conseil » affirme-t-il.
« L’élection des membres non-permanents au Conseil de Sécurité doit donner à la communauté internationale une opportunité de démontrer ses engagements aux principes fondamentaux de souveraineté égale entre les états comme le garantit la Charte des Nations-Unies sur les principes de démocratie et de rotation » conclut-t-il.
Népal : de la démilitarisation à l’exemple nationale pour la réconciliation.
« Le concept même de sécurité collective, pierre angulaire de la Charte des Nations-Unies, a été souvent sapé par le recours à des principes agressifs au-delà de tous mécanismes multilatéraux. L’unilatéralisme et l’interprétation sélective de la Charte ont engendré plus de conflits et de confrontations que de la coopération et de la compréhension » déclare Narayan Kaji Shrestha Prakash, le premier ministre népalais en ouverture de son discours en cette matinée du 28 septembre.
Rappelant que tous les pays avaient la légitimité de poursuivre leurs intérêts nationaux, il indique que les normes et les valeurs internationales devaient être observées lorsque les actions d’une nation en affectent une autre. « Cela nécessite un profond respect pour les principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’indépendance politique et de non-interférence dans les relations internationales » explique-t-il.
Profitant de sa tribune, le Népal a réitéré son appel à un désarmement nucléaire général et complet. Pour les armes nucléaires, mais également pour les armes de destruction massive. « Il est ironique de voir que l’agenda du développement global et du combat contre la pauvreté est assombrit par les dépenses militaires mondiales qui se chiffres à 1,7 milliers de milliard de $ par an » démontre-t-il.
Mr Prakash rappelle l’engagement de son pays pour la démocratie, les droits de l’homme, la justice de la loi et pour le développement. « Dans notre transition post-guerre, le Népal a établi des mécanismes visant à promouvoir la protection des droits de l’homme… comme la Commission Nationale des Droits de l’Homme » explique-t-il.
Dans ce sens, il affirme que son pays a enfin achevé son processus de transition historique avec la promulgation d’une nouvelle constitution et la fin des opérations de pacification. « Le Népal a fait d’immenses progrès dans les mécanismes de processus de paix, principalement en réintégrant des anciens combattants maoïstes dans la société. Le Népal croit que la démocratie, le développement et la paix sont liés et interdépendants » s’enthousiasme-t-il.
En conclusion de son discours, le premier ministre népalais remercie la communauté internationale pour son soutien à la paix et à l’aide dans le processus de fondation d’une constitution au Népal.
Inde : représentation des nations en voie de développement et questions internationales.
Après un dimanche consacré au repos des diplomates, les Nations se sont réunis lundi pour le dernier jour de débats généraux. L’Inde, représentée par son ministre des affaires étrangères est rentrée en scène dans la matinée du 1eroctobre.
« Les pays en voie de développement sont toujours en train de guérir de la crise économique mondiale tout en luttant pour éradiquer la pauvreté et en agissant pour un développement durable » déclare S.M. Krishna.
Il souligne que les Objectifs de Développement pour le Millénaire doivent être intégrés à un nouveau cadre de travail où la pauvreté, l’emploi, l’alimentation et l’énergie doivent être des points prioritaires. « Une attention particulière doit également être donné pour assurer l’égalité entre les sexes et l’essor des compétences chez les jeunes pour le futur marché du travail » poursuit-t-il.
Le ministre indien souligne la société plurireligieuse, multiethnique et plurilinguistique de son pays, fondée sur des valeurs de coexistence et de tolérance pacifiques, telles que Gandhi les avaient promus. « La violence ne peut mener à une intense compréhension » affirme-t-il en appelant au respect pour la sécurité des personnels diplomatiques et en prônant une tolérance zéro contre le terrorisme.
Sur le plan de la paix mondiale, il rappelle que l’Inde a été engagée dans 43 missions de maintien de la paix depuis les années 1950, en incluant les opérations liées à l’après-guerre et à la construction de la paix. Dans ce sens, il appelle le Soudan et le Soudan du Sud à résoudre leurs litiges par le dialogue. « Nous devons également renouveler le consensus mondial sur la non-prolifération et le désarmement nucléaire tout en maintenant le dialogue entre les puissances nucléaires » ajoute-t-il.
Abordant les affaires internationales, S.M. Krishna appelle toutes les parties syriennes à résoudre leur conflit par un processus politique guidé par les Syriens. Il rappelle que l’Inde soutient les aspirations palestiniennes à un état indépendant avec Jérusalem-est comme capitale, vivant en paix avec son voisin israélien.
Pour le sous-continent indien, il souligne la reprise du dialogue avec le Pakistan en indiquant que le processus de normalisation de leurs relations bilatérales avançait pas après pas. « La position de l’Inde sur l’état du Jammu et Cachemire est bien connue : cette région fait partie intégrante de l’Inde et sa population a choisi et réaffirmé son destin au sein de l’Inde et de son processus démocratique fiable » déclare-t-il. Il mentionne également que son gouvernement était prêt à s’investir dans un fort partenariat avec l’Afghanistan pour la reconstruction du pays.
Enfin, il empresse le Conseil de Sécurité de l’ONU de résoudre le manque d’un membre permanent africain en son sein. «L’Inde soutient les pays en développement à une plus grande participation dans les institutions économiques et financières mondiales » affirme-t-il.
En conclusion de l’intervention indienne, la représentation du pays a demandé un droit de réponse aux demandes du Pakistan sur le Cachemire. « Le Jammu et Cachemire est partie intégrante de l’état indien » répond-t-elle en ajoutant que l’occupation pakistanaise de cette région était illégale et représentait une violation de l’intégrité territoriale indienne et du droit international. « L’Inde rejette la revendication du Pakistan qui demande ce territoire dans son intégralité » conclut-t-elle.
Sri Lanka : l’exemple d’un pays qui sort de l’ombre d’une guerre de 30 ans.
Toujours dans la matinée du 1er octobre, le Sri Lanka est le dernier pays du sous-continent indien à être appelé à la tribune de la 67ème assemblée générale de l’ONU. G.L. Peiris, ministre des affaires étrangères du Sri Lanka indique que depuis 67 ans, les conflits entre les états avaient été résolus par l’intervention des Nations-Unies. « Alors que certains conflits restent irrésolus, les résultats globaux ont assuré la longévité de l’organisation. L’ONU fournit une grande palettes d’options à la résolution de conflits » indique-t-il.
« Le Sri Lanka soutient fermement les principes de coexistence pacifique, de respect mutuel et d’intégrité territoriale ainsi que le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des états » précise-t-il.
Il souligne que l’impact du chaos financier mondial avait entravé la réalisation d’accords internationaux sur le développement, y compris dans le cadre des Objectifs de Développement pour le Millénaire. « La finance mondiale doit être restructurée et le pouvoir doit être renversé des pays industrialisés du nord vers le sud » déclare-t-il.
Il empresse les nations développés à assister les pays en voie de développement dans la lutte contre les changements climatiques en soulignant le besoin d’identifier une politique commune pour atteindre les objectifs sociaux et de protection de l’environnement.
Sur le plan intérieur, le ministre sri lankais se félicite de la réduction de la pauvreté dans son pays en indiquant qu’elle était passée de 15,2 % en 2005 à 7,6 en 2011, grâce au travail de son gouvernement qui a assuré le développement économique et une redistribution égalitaire. Il loue également la fin de la guerre civile dans son pays, terminée il y a 3 ans. « Le Sri Lanka est un exemple du défi qui consiste à se relever des ombres d’une guerre de 3 décennies. D’immenses progrès ont été fait depuis 3 ans pour réinstaller les populations exilées et pour réintégrer les ex-combattants » explique-t-il.
Il déclare que le Sri Lanka est prêt à partager son expérience et à étendre son engagement en Afrique, dans les secteurs du commerce et des investissements. « Le Sri Lanka soutient tous les efforts assurant la paix et la sécurité et luttant contre le terrorisme sous toutes ses formes » mentionne-t-il.
« La restauration des droits des Palestiniens est une question qui dure depuis trop longtemps, cela requière toute l’attention du monde et le Sri Lanka soutient la mise en œuvre d’une résolution des Nations-Unies sur la Palestine, pour le bien-être de sa population » conclut-t-il.
Vuk Jeremich, président de cette 67ème session de l’assemblée générale de l’ONU indique en conclusion qu’un intense travail allait commencer au lendemain de cette assemblée. « Engageons-nous avec bonne volonté à renforcer la confiance entre nos états et à faire fructifier l’espoir et les aspirations des 193 membres de l’ONU. Au cours de cette semaine, nous avons entendu de fortes et constructives interventions sur le sujet crucial de la résolution des crises par des moyens pacifiques » déclare-t-il.
Source :
Site de l’Assemblée Générale de l’ONU en VO.
Julien Lathus