Un an de politique étrangère indienne, façon Modi.

Il y a un an, Narendra Modi devenait le quinzième premier ministre de la République Indienne. Séduisant l’électorat avec ses ambitions économiques et sa stature d’homme fort, le leader du mouvement nationaliste hindou ne semblait pas faire de la politique étrangère une priorité de son …

Il y a un an, Narendra Modi devenait le quinzième premier ministre de la République Indienne. Séduisant l’électorat avec ses ambitions économiques et sa stature d’homme fort, le leader du mouvement nationaliste hindou ne semblait pas faire de la politique étrangère une priorité de son programme. Pourtant, un an après, si le bilan économique est en demi-teinte, la place de l’Inde sur la scène internationale et surtout asiatique se renforce sous l’action du premier ministre, même si le principal dossier stagne. Petit tour d’horizon.

Narendra-Modi-PM-India

Alors qu’en 2014 la campagne électorale battait son plein, le candidat du BJP Narendra Modi, ministre en chef de l’état du Gujarat depuis 2001, n’avait pas réellement évoqué les aspects de politique étrangère. Dans son programme, sa vision du monde semblait se baser davantage sur des aspects économiques que géopolitique. Si la stabilité et la pacification de l’Asie du Sud restait un point d’ancrage pour la politique indienne, il introduit également le concept de para-diplomatie, qui permet aux états de l’Union Indienne une grande liberté de mouvement pour forger une relation spéciale avec les pays ou les villes étrangères selon leurs intérêts.

Face à un manque d’expérience internationale en tant que chef politique du Gujarat, Narendra Modi apparaissait comme un candidat faible sur le plan de la politique étrangère. Un handicap, largement compensé par ses aptitudes de gestion économique. Pourtant, un an après son élection, beaucoup saluent son vigueur à renouer avec une politique étrangère active. Montrant un enthousiasme surprenant pour la diplomatie, il s’est rapidement attiré l’attention internationale, avec l’aide de l’équipe diplomatique emmenée par la ministre des affaires étrangères, Sushma Swaraj.

Tourné vers l’Asie : retour aux fondements de la politique de voisinage

Le choix des invités d’honneur à la cérémonie d’intronisation de Narendra Modi au poste de premier ministre était un premier indice de la direction qu’allait prendre la diplomatie indienne. Cap sur l’Asie. Réunis à New Delhi étaient présents les dirigeants de tous les pays de la SAARC. Dans les 100 premiers jours de son mandat, Narendra Modi a donné une forte impulsion régionale à la politique étrangère de l’Inde.

Le petit royaume du Bhoutan fut l’occasion de sa première visite d’état à la mi-juin 2014. C’est ensuite au tour du Népal et du Japon en août, avant de finir l’année au Myanmar et à nouveau au Népal. En mars 2015, c’est un grand tour dans les îles de l’Océan Indien avant le Sri-Lanka puis Singapour. Et à la veille de son premier anniversaire à la tête de l’Inde, c’est l’Asie Septentrionale qui l’accueille (Chine, Mongolie, Corée du Sud mi-mai 2015). Le Bangladesh, le Turkménistan et la Russie sont programmés dans les mois à venir.

On le voit, Narendra Modi concentre la majorité de ses efforts diplomatiques vers l’Asie, reprenant à son compte la doctrine indienne de « l’est ». Initiée dans les années 1990 sous le gouvernement de Narasimha Rao, cette direction visait à un renforcement de la position de l’Inde dans la régionalisation de l’Asie du Sud-Est, tant sur le plan économique que politique. Si le prédécesseur de Narendra Modi, le Dr. Manmohan Singh avait pris à cœur d’ouvrir l’Inde sur le monde au cours de la dernière décennie, le revirement diplomatique vers un cadre régional vient répondre à l’idée que l’Inde doit assurer sa croissance économique sur un environnement pacifique.

Ces visites régionales ont été l’occasion pour l’Inde de resserrer ces liens et d’investir dans des projets énergétiques ou liés aux infrastructures. Mais c’est aussi l’occasion de montrer une Inde dans un rôle pro-active dans la région. Pourtant, l’Inde conserve ses difficultés dans en Asie, et en premier lieu dans son entourage proche.

Diplomatie sclérosée avec le Pakistan

Si l’Inde de Modi se montre au final plus active à l’international qu’elle ne le laissait penser au début, il reste un dossier diplomatique sur lequel elle bute : son attitude vis-à-vis du Pakistan. Si la teneur forte et nationaliste de Modi avait été atténuée par l’invitation du premier ministre pakistanais aux cérémonies d’intronisation du premier ministre indien, la balance s’est rapidement rééquilibrée pour un retour à des « molles tensions ». Durant cette première année, le gouvernement de Modi est apparu comme indécis et incapable de prendre des risques sur la question pakistanaise.

Si les premiers ministres des deux pays se sont retrouvés à trois reprises pour des sommets (New York, Kathmandu et Shanghai), les deux hommes ne se sont pas encore retrouvés pour établir un dialogue direct. La relation des deux pays restent marquée par une méfiance palpable. Du côté indien, le gouvernement de Modi demeure sur la position par défaut qui a été définie à la suite des attentats de Bombay de 2008, à savoir, un engagement limité sans processus défini.

Pour l’Inde, le Pakistan est encore le défi diplomatique le plus important. Cohérence et consistance seront nécessaire à l’Inde pour établir une relation bilatérale qui n’existe toujours pas un an après l’élection de Modi. Ce dernier, comme ces prédécesseurs, passe d’une certaine forme d’engagement à un désengagement suivant le modèle traditionnel de l’approche indienne qui consiste a répéter constamment les mêmes choses, encore et encore tout en espérant un résultat différent. La ligne directrice de Modi face au Pakistan reste marquée par le principe de l’engagement diplomatique comme récompense pour le bon comportement pakistanais. Il ne va pas sans dire que cette approche n’apporte presque rien.

Julien Lathus

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