Dans la nuit de lundi à mardi, Barack Obama et Mitt Romney se sont affrontés au cours du dernier débat télévisé de la campagne présidentielle américaine. Depuis Boca Raton en Floride, les deux concurrents à la Maison Blanche sont intervenus sur les questions de politique étrangères. Parmi les enjeux planétaires, le cas du Pakistan a occupé une certaine place et le pays apparaît comme un des défis de la nation américaine.
« L’une des questions les plus complexes que le futur président américain aura à faire face est le Pakistan, le pays le plus dangereux du monde » déclare Bruce Riedel, chercheur en politique étrangère à la Brookings Institution et conseiller des quatre derniers présidents américains sur l’Asie du Sud et le Moyen-Orient.
Ce spécialiste qui a également passé 30 ans à la CIA tente de montrer les enjeux représentés par le Pakistan. « L’histoire de Malala (jeune Pakistanaise attaqué par les Talibans) incarne l’histoire de ce pays. Il y a une lutte entre les extrémistes, souvent liés à Al-Qaida, et ceux qui veulent un Pakistan moderne et progressiste. Bientôt le Pakistan sera le pays musulman le plus peuplé. Son arsenal nucléaire ne cesse de se développer et le pays est devenu le sanctuaire pour les leaders d’Al-Qaida » explique-t-il.
Face à la complexité du Pakistan et à la situation actuelle, on comprend que ce pays est pour les deux candidats une question incontournable.
A la surprise de tous, le Pakistan a fait l’objet d’une certaine cohésion dans les propos de Barack Obama et de Mitt Romney. La politique étrangère de Washington envers Islamabad devrait rester sensiblement la même. Romney embrasse les positions d’Obama sur le Pakistan et ne le critique pas pour avoir détérioré les liens entre les deux pays.
« Il n’est pas l’heure de divorcer avec une nation qui possède plus de 100 têtes nucléaires et qui est sur le point de doubler son arsenal » explique néanmoins Romney qui met aussi en avant les sérieuses menaces terroristes de ce pays. « Le Pakistan est un allié sur le papier mais ce pays n’agit pas tellement en tant que tel en ce moment » poursuit-t-il.
Romney ne considère pas le Pakistan comme les autres pays du fait de la faiblesse du pouvoir civil face à la puissance de l’ISI, les services de renseignements qui dépendent de l’armée pakistanaise. Depuis la fin de la dictature militaire de Pervez Musharraf en 2007, le pouvoir pakistanais tente de réduire l’influence de ce service qualifié d’état dans l’état et qui tient parfois des relations ambiguës avec les groupes terroristes.
Mitt Romney soutient également la politique d’usage de drone au Pakistan mise ne place par Obama. « Je soutiens cette pratique et je pense que le président avait raison de faire usage de cette technologie » déclare-t-il.
« Les USA doit poursuivre ceux qui représentent une menace pour les USA et pour ses amis… mais nous devons faire plus que de chasser les chefs et tuer les méchants » rappelle-t-il.
Traditionnellement, les Républicains conservent d’intenses liens avec le Pakistan et leur apportent plus d’aide mais cette stratégie s’est surtout développée quand le Pakistan était sous un régime martial et dictatorial. Pour l’analyste Ejaz Haider, les Républicains n’ont pas une politique précise sur les questions de l’Afghanistan et du Pakistan. Ainsi, Romney approuve Obama sur ces dossiers.
Durant le débat, le président Obama a expliqué que les USA avaient fortifié des partenariats, même dans les régions qui traitent avec les extrémistes : au Pakistan, au Yémen et en Somalie. Il est également revenu sur l’opération qui a tué Oussama Ben Laden en expliquant pourquoi il n’avait pas demandé l’autorisation au Pakistan. « Si nous leur avions demandé, nous ne l’aurons pas eu » déclare-t-il. « C’était la meilleure chose à faire » lui répond Romney.
Barack Obama continue de camper sur une ligne très soupçonneuse à l’égard du Pakistan que de nombreux officiels américains accusent de double langage en matière de lutte anti-terroriste. Face à cela, le Pakistan est le seul pays au monde qui souhaite voir la victoire de Romney à l’élection de novembre.
« J’ai été frappé par le fait que les deux camps montrent un fort engagement à entretenir une bonne relation avec le Pakistan mais surtout du côté de Romney » explique le sénateur pakistanais Mushahid Hussain qui retient pourtant que cette dynamique se place dans l’optique du contexte afghan et du dossier des armes nucléaires. Il ajoute aussi que les deux candidats à la Maison Blanche ont fait passer un message clair : le Pakistan devra réévaluer sa manière de combattre l’extrémisme.
Pour Raza Rumi, chercheur à l’Institut Jinnah de Karachi, aucun des deux ne va offrir quelque chose de nouveau. « Qu’Obama ou Romney gagne, les Pakistanais souhaitent une relation harmonieuse et équitable avec les USA en rejetant celle basée sur la méfiance, l’opinion désastreuse des média sur le pays et sur l’usage des drones qui exaspère le peuple » explique-t-il.
Sources :
The Express Tribune – International Herald Tribune (Pakistan) en VO.
The Nation (Pakistan) en VO.
Voice of America (USA) en VO.
Julien Lathus