Disparition de la chanteuse classique Kishori Amonkar

Le monde de la musique classique indienne est en deuil après l’annonce lundi de la mort de Kishori Amonkar à l’âge de 84 ans.Considérée comme l’une des plus fines représentantes de la tradition musicale indienne hindoustanie mais également personnage iconoclaste, elle s’est éteinte dans quiétude, …

Le monde de la musique classique indienne est en deuil après l’annonce lundi de la mort de Kishori Amonkar à l’âge de 84 ans.Considérée comme l’une des plus fines représentantes de la tradition musicale indienne hindoustanie mais également personnage iconoclaste, elle s’est éteinte dans quiétude, peu après son dîner dans son appartement de Mumbai.

Kishori Amonkar 1932-2017

Kishori Amonkar aura baigné toute sa vie dans une atmosphère musicale puisque sa mère, Mogubai Kuridikar était elle aussi une chanteuse renommée, associé à la Jaipur gharana (école stylistique). C’est d’ailleurs sous l’enseignement maternel que Kishori Amonkar débute sa formation musicale qui lui permet rapidement de maîtriser toutes les techniques vocales de sa gharana. Mais elle a également su s’affranchir de cette filiation en développant son propre style et s’imposant d’importantes études de textes anciens de musicologie afin de parfaire son art.

Elle s’est d’abord fait connaître par sa dextérité à interpréter des pièces classiques de style khayal (musique classique) dans la plus pure tradition de la musique du nord du sous-continent indien avant de s’essayer également à des styles plus légers comme des chansons dévotionelles ou de films. Quelque soit le répertoire, tous sont unanimes pour souligner la grâce et la vitalité de ces performances. Tout au long de sa carrière, Kishori Amonkar aura été à la fois loué et la cible de critiques pour ses prises de liberté envers la Jaipur Gharana du fait qu’elle prenait le partie de l’expression des émotions dans sa musique, faisant fi, parfois, des conventions de son école.

A l’âge de 25 ans, alors qu’elle commençait à jouer pour un public de plus en plus large et que ses interprétations étaient diffusées sur cassettes et disques, Kishori Amonkar perdit sa voix de manière inexplicable. Des exercices de rééducation en passant par des traitements, rien ne permettait de lui rendre sa voix. Cela, jusqu’à sa rencontre avec un homme saint, Sardeshmukh Maharaj, originaire de Pune qui lui promit le retour de sa voix par le biais de la médecine ayurvédique. Deux années plus tard, sa voix fit son retour.

La solitude de cette expérience lui permit de s’offrir à la contemplation profonde de sa musique qui lui permit, après ce hiatus d’abattre les barrières de sa gharana et de développer son propre style. Dans cette expérience mutique, elle découvrit qu’entre les notes de musique se cachait le shruti (conception hindoue de connaissance révélée via l’audition) qui permet de jouer sur toute une gamme d’émotions, faisant ainsi éclater les règles de sa gharana.

En dépit de critiques, Kishori Amonkar est devenue l’une des plus fameuses chanteuses hindoustanie, tant sur un plan artistique que sur le plan honorifique. Pour sa contribution aux arts, elle reçue en 1987 le Padma Bhushan et en 2002, le Padma Vibhushan, deux distinctions nationales parmi les plus importantes.

Elle fut incinérée mardi à Mumbai sous l’œil recueilli de plusieurs musiciens classiques indiens. Le joueur de santour, Pandit Shivkumar Sharma qui l’a surnommait « le don de Dieu aux amoureux de la musique » explique « qu’en elle, spiritualité et musique en faisait qu’un. Elle vivait selon ses propres règles et n’a jamais compromis ses croyances. Une autre Kihori Amonkar est impossible ».

Kishori Amonkar interprétant le raga Miyan Ki Todi, une pièce pour la saison des pluies

Julien Lathus

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