A New York, rencontre au sommet entre l’Inde et le Pakistan

Nawaz Sharif et Manmohan Singh, respectivement premier ministre du Pakistan et de l’Inde se sont rencontrés dimanche dans un hôtel new-yorkais pour des discutions en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU. Depuis l’élection pakistanaise de mai dernier, cette première rencontre était attendue mais elle intervient …

Nawaz Sharif et Manmohan Singh, respectivement premier ministre du Pakistan et de l’Inde se sont rencontrés dimanche dans un hôtel new-yorkais pour des discutions en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU. Depuis l’élection pakistanaise de mai dernier, cette première rencontre était attendue mais elle intervient dans un climat de vive tension entre les 2 pays, créée par des incidents au Cachemire et à une droite indienne dure.

Nawaz Sharif (à gauche) rencontre Manmohan Singh à New York.

Nawaz Sharif (à gauche) rencontre Manmohan Singh à New York.

Une tension toujours vivace et entretenue par de nombreuses violations du cessez-le-feu que l’Inde et le Pakistan tentent de maintenir dans la région convoitée du Cachemire. Pas plus tard que jeudi, une importante attaque a été mise en place par des militants qui déguisés en soldats de l’armée indienne ont pris d’assaut une base militaire et un poste de police, tuant une douzaine de personnes.

Après l’attaque, de nombreux regards se sont tournés vers le Pakistan. L’opposition politique en Inde a appelé le premier ministre indien a annulé sa rencontre avec son homologue pakistanais à New York. « Poursuivre une diplomatie insensé a ce moment présentera l’Inde comme un pays faible » lançait le président du BJP, le principal parti d’opposition de tendance hindou nationaliste.

Si Manmohan Singh a qualifié cette tragédie « de pièce de plus dans une série de provocation et d’actions barbares, menée par les ennemis de la paix », il a néanmoins choisi de ne pas faire dérailler le processus de dialogue que l’Inde et le Pakistan cherchent à maintenir, quitte à prendre d’importants risques politiques au regard du jingosime lancé par la droite indienne et reprise par d’importantes personnalités des médias.

Dimanche, devant de nombreuses caméras présentent pour l’occasion au Plaza Hotel, Manmohan Singh et Nawaz Sharif se sont pour la première fois serrés la main. La dernière rencontre à ce niveau remontait à avril 2012 quand Asif Ali Zardari alors premier ministre pakistanais s’était rendu en Inde. Derrière les sourires de façade, la rencontre est restée marquée par les affaires de violences qui empoisonnent leurs pays.

Après une heure de discutions, le conseiller de la sécurité nationale indienne, Shivshankar Menon a annoncé que la rencontre avait été utile et constructive et qu’elle avait eu pour sujet la réduction des tensions au Cachemire, pour lequel l’Inde et le Pakistan se sont affrontés à trois reprises depuis 1947. « Ils ont promis de faire le maximum pour que les officiers en poste dans cette région trouvent un moyen efficace pour rétablir le cessez-le-feu en vigueur depuis 2003 » explique-t-il.

Manmohan Singh et Nawaz Sharif se sont personnellement prononcés en faveur de la normalisation des liens entre l’Inde et le Pakistan mais les 2 hommes sont chacun tenus par des critères internes, notamment représentés par les institutions politiques et militaires, qui limitent leur marge de manœuvre.

Manmohan Singh et son parti font face au défi électoral de 2014 alors que les partis hindous appellent à une plus grande fermeté. C’est dans ce sens et sous le feu de l’opinion publique indienne pour sa rencontre avec son homologue pakistanais que le Dr. Singh a qualifié le Pakistan, samedi aux Nations Unis « d’épicentre du terrorisme en Asie du Sud ».

Afin que tout progrès ne soit systématiquement mis à mal, il rappelle que le Pakistan doit dans un premier temps s’assurer que la « machine terroriste » opérant depuis son territoire soit éteinte. Dans cette déclaration, il faut y voir une référence directe au Lashkar-e-Toiba, un groupe islamiste tenu pour responsable dans les attentats de 2008 à Bombay.

Du côté pakistanais, le ton se veut plus optimiste. Vendredi, à la tribune des Nations-Unis, Nawaz Sharif a appelé à un « nouveau départ avec l’Inde » tout en déplorant les sommes astronomiques dépensées pour la course aux armes nucléaires. Cette nouvelle initiative pour la paix s’inscrit dans la continuité du précédent pouvoir qui cherche a reprendre le processus de paix. « Nous nous tenons prêt à nous réengager avec l’Inde pour un dialogue profond et engagé » a t-il lancé face aux nations du monde, réunis à New York.

Si pour de nombreux analystes, la rencontre de dimanche ne devrait pas aboutir sur de grands résultats, elle peut néanmoins permettre à stabiliser la relation le temps que le contexte politique de ces 2 pays s’améliore. « Elle peut éviter une escalade en cas d’incidents frontaliers, au moins jusqu’aux élections indiennes et le commerce peut se poursuivre entre les 2 pays » remarque l’ancien ambassadeur pakistanais aux USA.

Même avec les meilleures intentions, les leaders indiens comme pakistanais ont toujours vu leurs efforts diplomatiques échoués en raison du jeu des partisans d’une ligne dure. Déjà en 1999, le premier ministre Nawaz Sharif avait impressionné son homologue indien avec ses initiatives pacifiques. Quelques mois plus tard, les militaires pakistanais ont entrepris une action secrète au Cachemire qui a failli déboucher sur une guerre nucléaire. Peu après, Nawaz Sharif fut victime d’un coup d’état. En novembre 2008, le président pakistanais a vu ses efforts de désarmement nucléaire et de rapprochement économique avec l’Inde abattus par les attentats de Bombay.

Dans le contexte actuel, il semble que la diplomatie va laisser la place à une période électorale indienne où le nationalisme risque de tenir le haut de la relation avec le Pakistan. Même si les 2 premiers ministres se sont accordés, sans donner de date à passer la frontière pour une visite officielle, peu d’avancés réelles sur le plan de la normalisation de leurs liens sont à prévoir d’ici mai 2014.

Julien Lathus.

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