Dimanche, le principal parti politique tamoul sri-lankais a largement dominé les élections provinciales dans la région du nord de l’île, fief de cette minorité. Cette victoire pourrait néanmoins rouvrir les tensions ethniques, 4 ans après la fin d’une sanglante guerre civile, longue de plusieurs décennies.
Les habitants du nord du Sri Lanka se rendaient aux urnes pour la première fois en 25 ans. Le scrutin mis en place ce dimanche fut le résultat de l’importante pression internationale sur le président Mahinda Rajapaksa pour contribuer aux efforts sur la réconciliation entre les diverses communautés du pays dans le cadre de l’après-guerre. De nombreux chefs d’états, attendaient ces élections et certains comme le premier ministre britannique, David Cameron laissait planer la menace d’un boycott du sommet du Commonwealth qui doit se dérouler en novembre à Colombo. Le choix de la capitale sri-lankaise pour accueillir cet événement avait laissé place au scepticisme en raison des allégations de violations des droits de l’homme par le gouvernement sri-lankais.
Sur le plan politique, bien qu’attendus, ces résultats sont un sérieux revers pour le président Rajapaksa, au pouvoir depuis 8 ans. Les vainqueurs sont l’Alliance Nationale Tamoule (TNA), branche politique de l’Armée de Libération des Tigres Tamouls qui ont combattu durant 25 ans les forces gouvernementales dans l’espoir d’obtenir un état séparé qui couvrirait la plus grande partie du nord de l’île ainsi que la côte est. Les Tamouls représentent 10 à 15 % des 21 millions d’habitants que compte le Sri Lanka.
Selon les responsables, le TNA aurait engrangé 30 des 38 sièges à pourvoir et les chefs du parti revendiquent une large victoire offertes par les électeurs. La coalition au pouvoir obtient 7 sièges et le dernier échoit au parti musulman.
Dans le nord du pays, nombreux sont ceux qui espèrent une plus large autonomie en dépit du développement économique et des investissements dans les infrastructures mis en place depuis la fin de la guerre, même si ils restent modestes.
« La victoire d’aujourd’hui est un message en direction du gouvernement, pour leur dire que les ponts, les immeubles et les trains ne sont pas la principale préoccupation, mais qu’il s’agit bien de notre volonté de vivre librement » lance Thayaparan Sundarmoothy, un responsable local, autrefois dan l’administration des Tigres Tamouls. Pour M A Sumanthiran, un parlementaire national du TNA, « les résultats sont un message politique fort de la part d’un peuple qui reste debout face à la violence et aux intimidations ».
A l’annonce des résultats, le gouvernement a accusé le TNA de renouer avec les appels pour un état indépendant en jouant sur la faiblesse des institutions locales. Pour Angajan Ramanathan, le coordinateur du parti au pouvoir pour Jaffna, dans le nord du pays, « le gouvernement a mis fin à la guerre et a ramener la paix en agissant sur le développement de la région, et qu’il ne peut en être autrement. La carte de l’ethnicité est continuellement jouée comme une carte malfaisante ». Pour les électeurs, le principal problème de la région est la présence massive depuis la fin de la guerre des militaires qui sont issus de la majorité cinghalaise.
A Mullaitivu, où en mai 2009, dans les dernières semaines de la guerre, des dizaines de milliers de civils furent tués, le TNA a obtenu près de 80 % des suffrages. Dans cette ville, devenue depuis célèbre pour son dénouement de la guerre, l’armée a été accusé d’avoir bombardé des camps de réfugiés sans discernement alors que le LTTE a été en proie avec des accusations d’utilisations de boucliers humains, sélectionnes parmi les civils. Des allégations contestées par les 2 camps.
Les responsables de l’élection ont indiqué avoir enregistré plusieurs plaintes concernant des intimidations d’électeurs durant le vote où la participation s’élève à près de 68 %. Le Centre d’Observation des Violences Électorales, une ONG reconnue comme observatrice des élections indique que « la période électorale comme le jour du vote ont été marqués par une série de manipulations et de violations qui entachent sérieusement la nature libre et impartiale du processus électorale ».
Les militaires ont catégoriquement rejeté toutes idées d’implications des forces de sécurité dans les violences électorales. Néanmoins, Samuel Chandrahasan, un activiste qui travaille dans les camps de réfugiés tamouls en Inde a déclaré « qu’il n’avait jamais pu rêver à des élections pacifiques dans le nord du Sri Lanka ».
En attendant, le président Rajapaksa s’est envolé le jour même des élections pour New York où il doit s’adresser en fin de semaine à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations-Unis. Confiant, il possède les 2/3 du Parlement et le reste des autres provinces du pays. Il conserve également une forte popularité au sein de la majorité cinghalaise en dépit de la hausse des prix et du mécontentement généralisé face à la corruption.
Julien Lathus