Les villageois s’opposent à la présence de l’armée indienne et de son camp dans le secteur en invoquant le fait que 63 personnes ont été tuées depuis 5 décennies au cours des exercices militaires. De nombreux autres ont été blessées par des obus perdus ou des éclats de mortiers. En conséquence, les villageois demandent à l’armée de se retirer.
Les magnifiques prairies du district de Budgam au Jammu et Cachemire sont devenues l’enjeu d’un bras de fer entre les locaux et l’armée indienne. Tosa Maidan est devenu en 1964 un camp d’entraînement de l’armée indienne où cette dernière s’est spécialisé dans l’artillerie. Alors que la concession de 50 ans émise pour l’utilisation du camp doit arriver à son terme en 2014, les locaux montent au créneau contre les possibilités d’extension de ce mandat.
La colère des villageois repose sur le fait que 63 personnes ont été tuées accidentellement dans des tirs d’entraînement et que de nombreux autres ont été blessées dans des incidents impliquant les obus non-explosés retrouvés dans les champs des alentours. Toutes les victimes habitent les villages entourant le camp de Tosa Maidan.
Durant des siècles, les vertes prairies de Tosa Maidan ont été exploitées pour les activités pastorales des villageois. Mais depuis 1964, 6 mois par an, de mai à octobre, les prairies se transforment en champs de guerre pour les exercices de simulations de l’armée indienne. Pendant cette période, les villages sont abasourdis par les explosions et les tirs incessants d’obus, forçant les habitants à rester enfermer la plupart du temps.
Le coût humain de ces exercices est devenu la cause d’un mécontentement affiché, pas seulement dans les villages concernés mais dans toute la vallée du Cachemire. Même Mustafa Kamal, un cadre politique du parti au pouvoir dans la région demande au gouvernement central de « ne pas reconduire le mandat de ce camp militaire ».
En première ligne de la contestation se place le Front Bachao de Tosa Maidan, formé par les chefs de villages entourant le camp. Pour eux, une seule demande : le déplacement du camp. « Nous poursuivrons notre bataille » lance Raja Muzaffar, un membre du Front. Le regroupement a déjà fait parvenir une pétition à la Commission Régionale des Droits de l’Homme. « Nous prévoyons également de rencontrer le ministre de la défense et nous irons jusqu’aux plus hautes cours si il le faut » reprend-t-il. Des associations villageoises, ayant le soutien des imams et des mosquées, font également pression sur le gouvernement.
Cette campagne a forcé le ministre en chef de l’état du Cachemire, Omar Abdullah a admettre face à l’Assemblée Nationale que 63 personnes avaient perdu la vie dans la zone en 48 ans en raison des obus non-explosés.
Ce qui renforce la demande des villageois est une longue histoire de souffrances causée par leur proximité avec les champs de tirs. Le 8 septembre 1992, 3 enfants âgés de 8, 9 et 12 ans faisaient brouter des troupeaux sur les marges du camp de Tosa Maidan quand ils se sont penchés vers un objet abandonné. Lorsqu’ils se sont mis à jouer avec, l’engin à exploser, soufflant leurs corps en morceaux. « Nous avons du les ramasser pièces après pièces pour les enterrer » raconte leur beau-frère, Nazir Ahmad Sheikh, dirigeant de l’organisation Awami Ittihad Forum qui a pris part à la campagne de relocalisation du camp militaire. « L’armée n’a offert aucune compensation à la famille ».
De la même manière, en juillet dernier, Ali Khan, 40 ans et Zeba, 60 ans, ont été blessés lorsqu’un obus incontrôlé s’est écrasé à proximité d’eux. Les villages de Drang, de Shunglipora ou d’Arizal sont remplis de personnes qui ont été mutilées ou blessées par des explosions accidentelles.
Bilal Ahmad Dar, de Drang a perdu sa jambe droite dans une telle explosion. « J’étais allé dans la zone pour ramasser du bois pour le chauffage et pour ramener mes bêtes. J’ai butté sur quelque chose et elle a explosé » se remémore-t-il.
L’armée, qui a déjà demandé une extension de la concession de Tosa Maidan, explique qu’il n’y aura aucun problème si la gouvernement décidait de relocaliser le champ de tir. « Si le gouvernement peut nous trouver un nouvel emplacement pour nos exercices alors nous serons prêt à déménager » déclare le porte-parole de l’armée, le Colonel Naresh Vij, en ajoutant que les victimes civiles ont été impliquées lorsque certaines munitions sont tombées au-delà de la zone de tir. « Nous disposons d’unités dont la tâche est de nettoyer la zone mais il arrive que certains obus et certaines bombes tombent au-delà ou se perdent. C’est cela qui fonde les problèmes. Les gens tombent dessus et se blessent ».
Julien Lathus