Prévention face aux conflits en Asie du Sud

Il y a une quinzaine de jours, plusieurs journaux indiens et pakistanais ont publié un long article rédigé par le général Jehangir Karamat, ancien chef de l’armée pakistanaise et ancien ambassadeur de son pays aux USA et Shashi Tyagi, ancien maréchal de l’armée de l’air indienne. Après plusieurs rencontres, les deux anciens militaires ont souhaité faire part de leurs opinions sur le règlement de la crise latente qui empoisonne les relations entre l’Inde et le Pakistan. Après l’indépendance en 1947, les deux pays se sont lancés dans trois guerres (1947-1948, 1965, 1971) et ont connu de nombreuses crises comme celle du Kargil en 1999 ou en raison d’attentats (2001 contre le Parlement à New Delhi ou en 2008 à Bombay). Le Cachemire cristallise également les tensions entre les deux pays. La publication de ces deux anciens militaires semble apporter un nouveau regard sur la résolution du conflit entre ces deux pays. En voici quelques extraits.

Cérémonie quotidienne de fermeture de la frontière indo-pakistanaise au Punjab, par joshuahsong, flickr

« Alors que les relations indo-pakistanaises connaissent une phase de calme, les choses peuvent rapidement changer. Nous devons alors profiter de ce climat pour établir un comportement positif. »

« Nous pensons qu’une progression sur les questions de confiance et de sécurité militaire (Confidence and security-Building Measures – CBM) peut être construite. L’idée de ces mesures est bien établie pour empêcher les actions pouvant mener à un conflit non-souhaité. Mais elles ne sont pas un remède universel : si certains veulent un conflit, ces mesures ne peuvent le prévenir. Néanmoins, elles introduisent un processus dans lequel les états qui souhaitent prévenir une mauvaise interprétation à pouvoir développer des moyens pour les contenir. »

« L’Inde et le Pakistan ont développé de telles mesures au cours de ces dernières décennies en réponse à des problèmes spécifiques. Il n’y a rien de mal à cela mais nous pensons qu’il est temps de développer une armature plus solide à ces mesures en les intégrant à une approche plus globale. »

« C’est pourquoi nous nous sommes retrouvés en plusieurs occasions comme lors des processus organisés par l’Université d’Ottawa ou par le think tank Atlantic Council. Et nous nous sommes revus à Dubaï et à Bangkok. A l’occasion de ces rencontres, nous étions d’accord pour affirmer que la plupart des CBM existants sont inutiles et dépassés en raison des nouvelles technologies et doctrines, les faisant alors devenir d’interminables conversations. Nous pensons donc que ces CBM doivent être rénovées et nous avons établi une liste de suggestions à destination des gouvernements indiens et pakistanais. »

« Tout d’abord, il y a un besoin urgent de reconceptualiser la manière dont les deux partis abordent le sujet. La clé est la stabilisation de la crise. Le déploiement des armes indiennes et pakistanaises a largement réduit le temps nécessaire à la diplomatie, en particulier pour ce qui concerne les armes nucléaires à proximité de la frontière. »

« Les doctrines évoluent dans un sens qui réduit le temps nécessaire à la diplomatie et qui voient certains  médias du sous-continent pousser les deux pays à un recours à la force rapide dans le cas d’une future crise. »

« Il s’agit d’une situation particulièrement dangereuse. Après la rencontre de Bangkok, nous nous sommes mit d’accord pour penser qu’une armature efficace pour les CBM repose sur une gestion de crise de la part des deux pays et sur des principes à respecter pour éviter un enlisement de crise. »

« Cela requière un engagement politique dans lequel les diplomates et les officiels des deux pays doivent, ensemble, discuter au début de la crise sur la manière de la résoudre. Cela permettra de trancher avec la tradition du sous-continent qui consiste à suspendre tout contact diplomatique à l’irruption d’une crise. Il faut également qu’en cas de crise, les deux partis s’engagent à ne pas prendre d’initiatives militaires mais  privilégier le dialogue. »

« Au-delà des manières de résoudre la crise, nous avons convenus à Bangkok qu’un CBM doit être convenu par les deux pays, y compris par leurs hiérarchies militaires. Les deux partis doivent régulièrement se rencontrer et discuter de leurs concepts et de leurs doctrines. »

« A Bangkok, nous avons également évoqué les tensions sur le glacier de Siachen et sur la bordure de Sir Creek. Nous en discuterons plus en détail lors d’une prochaine rencontre. »

« Nous avons également évoqué la question du terrorisme et de son impact sur la stabilité de la région. Nous pensons que la lutte contre ce phénomène passe par l’échange des renseignements et la coopération des enquêtes. Nos autres suggestions impliquent l’établissement d’une hotline entre les deux ministres de l’intérieur, la constitution d’une base de données commune au sous-continent ou encore une plus forte coopération sur la question du terrorisme maritime. »

« Toutes ces propositions ne vont certainement pas faire disparaitre la situation qui prévaut entre l’Inde et le Pakistan. De plus importantes questions doivent encore être abordées mais ces propositions, si elles sont prises avec bonne volonté peuvent aider à transformer les relations entre nos deux pays mais également prévenir de futures crises. »

Sources :

– Dawn (Pakistan)

– The Hindustan Times (Inde)

Julien Lathus