Nouveau revers pour l’ancien premier ministre du Pakistan, Nawaz Sharif qui voit la Cour Suprême pakistanaise l’interdire de diriger son parti, le Pakistan Muslim League-Nawaz (PML-N). Après avoir été renvoyé de son poste à la tête de l’état en juillet dernier pour des affaires de corruption et de compte bancaire non déclaré, cette dernière décision pourrait sonner le glas politique pour celui qui exerça le plus longtemps la charge de premier ministre au Pakistan et ouvrir une période d’incertitude politique dans le pays alors que les élections générales sont prévues pour cet été.
La Cour Suprême pakistanaise a renvoyé Nawaz Sharif de son poste de président du parti du PML-N. Ce mercredi 21 février, la plus haute institution judiciaire du pays a également ordonné que toutes les décisions prises par le chef du parti actuellement au pouvoir soient annulées. Jusqu’à cette décision, Nawaz Sharif était couvert par une loi qui autorisait les politiciens renvoyés à poursuivre une activités de leadership au sein d’un parti politique. « En conséquence, tous les ordres et tous les accords passés par Nawaz Sharif sont déclarés comme s’ils n’avaient jamais été donnés ou signés » explique Saqib Nisar, le plus haut magistrat du système judiciaire pakistanais. Vendredi, un comité de 4 cadres du PML-N s’est réunis en vue de trouver un nouveau chef au parti. Selon toute vraisemblance, Shahbaz Sharif devrait prendre la direction du parti.
C’est un nouveau coup dur pour l’ancien premier ministre qui n’en sort plus des nombreuses affaires dans lesquelles courent son nom. Face à son sort, Nawaz Sharif parle plus d’une sombre conspiration antidémocratique piloté par le pouvoir judiciaire en sous main des forces armées. Il attendais les élections sénatoriales de mars et générales de juillet pour revenir sur le devant de la scène politique. « Lors des élections de 2018, prendrez-vous revanche contre ceux qui m’ont illégalement destitué ? » lançait-il à ses soutiens pas plus tard que dimanche dernier lors d’un meeting à Sheikhupura.
Il n’était pas inattendu que la Cour Suprême puisse démettre Nawaz Sharif de ses fonctions de chef de parti. Cette affaire a été menées par 5 mêmes juges qui l’avaient en juillet dernier fait tomber du poste de chef de l’état pakistanais invoquant une vague nécessité de la constitution demandant à ce que les politiciens soient « honnêtes » et « droits ». La non-déclaration par celui qui était alors premier ministre d’un compte bancaire à l’étranger, révélé par les Panama Papers avait été un argument suffisant pour le destituer.
Coup de froid sur la tenue des sénatoriales du 3 mars
L’annulation de tous les accords passés par Nawaz Sharif en tant que chef du PML-N inclus toutes ses nominations de candidats en vue des élections sénatoriales devant se dérouler le 3 mars prochain. « La Commission Électorale Pakistanaise (ECP) a pour ordre de retirer le nom de Nawaz Sharif de tous les documents officiels qu’il a signé » reprends Saqib Nisar.
Face à la situation, cette même commission électorale a indiqué que les élections sénatoriales du 3 mars était annulées en raison de la décision de la Cour Suprême sur le cas Nawaz Sharif. Cela devrait permettre au nouveau chef du PML-N de faire revalider ses candidats. Pourtant, l’ECP a décidé jeudi que les candidats du PML-N désignés par Nawaz Sharif pourraient concourir mais à titre d’indépendants, ce qui permet de maintenir la tenue des élections au 3 mars prochain.
Trois fois premier ministre sans pouvoir finir le moindre de ses mandats
Nawaz Sharif est l’un des rares politiciens pakistanais à avoir atteint les sommets sans venir d’une grande famille. Né à Lahore au Punjab, il a fait de cette province son tremplin politique après des études d’économie et de droit. En poste de 1985 à 1988 en tant que ministre en chef du Punjab, il mène par la suite une alliance conservatrice qui le porte au pouvoir en 1990. Comme d’ordinaire au Pakistan, depuis son indépendance en 1947, il ne terminera pas son mandat à la tête de l’état, étant poussé vers la sortie par l’armée en 1993. A cette date, il passe dans l’opposition alors que le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) prend le pouvoir sous l’impulsion de Benazir Bhutto.
En 1996, il reprend le pouvoir après les élections parlementaires qui voient la déconfiture du PPP embourbé dans des affaires de corruption et de mauvais choix de personnes pour redresser l’économie du pays. Son second mandat sera marqué par la course vers l’arme nucléaire que le Pakistan obtient en 1998. En dépit de la notoriété que lui offre dans son pays les essais nucléaires, une énième confrontation avec la puissante armée pakistanaise sur fond de guerre avec l’Inde dans le Kargil le pousse à nouveau vers la sortie. Le 12 octobre 1999, le bras de fer qui l’oppose avec le général Pervez Musharraf tourne à l’avantage de ce dernier qui évince le premier ministre et prend sa place à la tête de l’état.
Après l’intervention de l’Arabie Saoudite et des USA pour lui éviter une peine de prison à vie pour de multiples affaires, voire la peine de mort, un accord est trouvé entre les militaires pakistanais et Nawaz Sharif. Ce dernier reprend la route de l’exil, direction Jaddah en Arabie Saoudite où il lance une aciérie.
En 2007, il rentre au Pakistan, tout comme sa rivale historique, Benazir Bhutto en vue des élections de 2008 qui doivent mettre un terme à la mandature du général Pervez Musharraf. Le 25 novembre 2007, il atterrit à Lahore où des milliers de ses supporteurs l’attendent dans la ferveur. Rapidement, il appelle au boycott des élections de janvier 2008 qu’ils pensent non-indépendantes du fait de l’état d’urgence imposé par Musharraf. L’assassinat de Benazir Bhutto repousse les élections qui sont gagnées par le parti de Bhutto. Nawaz Sharif se place alors 5 ans dans l’opposition avant que les élections de 2013 ne le portent pour la troisième fois au pouvoir.
Le PPP décrédibilisé, Nawaz Sharif découvre un nouvel adversaire politique en la personne d’Imran Khan, ex-star du cricket et ancien de la jet-set londonienne qui devient avec son parti du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) son principal opposant. Face aux accusations de corruption et de comptes cachés révélées par les Panama Papers, le chef du PTI dépose une pétition en août 2016 à la Cour Suprême du Pakistan pour faire renvoyer le premier ministre. Après plusieurs imbroglios, la Cour Suprême l’a démis de son poste de premier ministre en juillet 2017.
Julien Lathus