Chaque jour, nous utilisons les métaux issus des terres rares dans nos objets technologiques. Ils servent aussi aux industries militaires et nucléaires. Pour ces deux raisons, les terres rares sont l’objet d’une géopolitique active. Sur le marché mondial, la Chine impose son hégémonie avec ses importantes réserves en Mongolie-Intérieure. Pour contrer ce monopole commercial et cette puissance stratégique, l’Inde et le Japon ont décidé un partenariat sur les terres rares. Cela sera-t-il suffisant ? Visiblement, non.
Le premier ministre indien a été forcé d’annuler son séjour au Japon après la dissolution du parlement japonais et l’annonce de la tenue prochaine d’élections. Un important partenariat économique sur les terres rares devait être ratifié à l’occasion de cette visite. Pourtant, rien ne viendra remettre en cause la future signature de cet accord. Le 16 novembre dernier, le Japon et l’Inde avaient signé un accord portant sur l’exportation de 4100 tonnes de terres rares indiennes vers le Japon, ce qui correspond à près de 15% de sa demande annuelle.
Les terres rares sont un groupe de 17 métaux possédant des propriétés chimiques et électromagnétiques utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie et de haute stratégie. Leur extraction et leur raffinage entraînent le rejet de nombreux éléments toxiques comme des métaux lourds, des acides et des éléments radioactifs. Les métaux extraits des terres rares servent dans les batteries, les lampes à LED, les lasers ou encore à la production de missiles.
La Chine contrôle 97% du marché mondial des terres rares. De son côté, le Japon en est le principal importateur pour soutenir ses industries électroniques. Concernant l’importation et l’exportation des terres rares, les pays sont généralement protectionnistes en raison de l’utilisation de ces métaux dans des secteurs stratégiques comme la production de missiles. Un argument que le Chine peut utiliser en raison de la « guerre froide » que les deux pays se livre en mer de Chine pour quelques îlots. Le Japon a donc saisi l’opportunité de s’allier à l’Inde pour de combler cette dépendance, du moins partiellement.
L’Inde est connue pour être le deuxième producteur de terres rares. Selon une estimation de 2010, la Chine produit 130 000 tonnes de terres rares alors que l’Inde en déterre 2700 tonnes.
L’accord indo-japonais se place dans la continuité de leur relation existante sur les terres rares. Le Japon a déjà investi en Inde dans ce sens. Parmi ces investissements, celui de Toyotsu, filiale du constructeur Toyota à Vishakapatnam en Andhra Pradesh extrait du sable de la monazite depuis de nombreuses années.
L’un des aspects les plus intéressants de cette relation indo-japonaise réside dans le fait que les deux pays s’engagent dans l’excavation des terres rares dans d’autres pays. L’Inde et le Japon ont ainsi développé un programme commun dans certains pays moins développés comme en Afghanistan ou au Kazakhstan. Les ressources en terres rares sont estimées à près d’un million de tonnes en Afghanistan, principalement dans la province d’Helmand. L’engagement indien dans la reconstruction de ce pays n’est pas dénué d’un certain intérêt stratégique pour ces terres.
Le moteur de cette expansion partenariale est également l’intérêt japonais pour les réserves indiennes de l’Etat d’Orissa. Dernièrement, l’Inde a permis une concession de 2500 hectares pour l’exploitation des sables de la côte à proximité de la ville de Puri. Le Japon pourrait y investir à hauteur de 1,5 milliards de $.
L’Inde comme le Japon ont compris les avantages des terres rares en matière de commerce, de stratégie et de diplomatie. Pourtant, ce processus va prendre du temps avant d’arriver au but ultime de contrecarrer l’hégémonie chinoise dans ce secteur. Les investissements en cours ne pourront assurer qu’un triplement des extractions dans les 5 années à venir. Dans le futur, de nombreux pays pourraient cesser d’investir dans la prospection en raison d’un coût financier trop important face aux prix pratiqués par la Chine dans le commerce des terres rares. Ce principe devrait laisser à la Chine son monopole dans ce secteur.
Sources :
Institute for Defence Studies and Analyses (Inde) en VO.
The Times of India (Inde) en VO.
US Geological Survey (USA) en VO.
Julien Lathus.