Il est l’heure pour l’Inde et le Pakistan de relancer leur processus de normalisation de leurs liens après une parenthèse de près de 6 mois. Alors que le dialogue avait repris en 2010 après une pause de 2 ans consécutive aux attentats de Bombay de 2008, les volontés indiennes et pakistanaises avaient laissé entrevoir une période de détente nécessaire à la régularisation d’une situation vieille de plus de 60 ans qui a engendré le sang et la méfiance. Pourtant, le calendrier électoral du sous-continent pourrait retarder le processus de pacification de la région.
Les incidents frontaliers du Cachemire de janvier 2013 ont sapé cette dynamique et avec les élections de mai au Pakistan, l’Inde a attendu d’avoir un nouvel interlocuteur pour relancer la machine diplomatique. Demain, le 5 juin, Nawaz Sharif, vainqueur des élections générales pakistanaises sera intronisé comme premier ministre. L’Inde aurait enfin un nouveau partenaire et ne pourra pas faire marche arrière face aux volontés de dialogue offertes par le Pakistan. Mais dans un an, des élections auront lieu en Inde et il est probable que le pouvoir change de main.
En ce début de semaine, Mani Shankar Aiyar, un juriste et cadre du parti indien au pouvoir du Congrès a souligné que l’animosité historique du Pakistan envers New Delhi s’était estompée. Face à cette situation, il appelle son pays à changer sa propre attitude. « L’anti-indianisme viscéral de l’ancienne génération n’est presque plus d’actualité maintenant et il sera probablement passé à l’histoire quand je serai porté en tombe » déclare à Washington le juriste âgé de 72 ans.
« Il y a, en Inde, une sorte de croyance qui perçoit les Pakistanais comme hostiles. Si ils l’ont été dans le passé, ils le sont sûrement encore maintenant. Et depuis, les Indiens agissent comme ses femmes au foyer qui entendent à la radio qu’un détenu s’est échappé d’une prison à proximité et qui commencent alors à construire des barricades pour se protéger » explique-t-il.
Si ce juriste fait preuve d’un optimisme sans faille, malgré les inquiétudes indiennes et américaines sur la marge de manœuvre de groupes extrémistes pakistanais comme Lashkar-e-Toiba, que les enquêteurs accusent pour les attentats de Bombay, il souligne la nécessité d’un dialogue ininterrompu sans que le passé ne vienne prendre en otage le futur de toute une région.
Si des dossiers comme les différents frontaliers du Cachemire et de l’estuaire de Sir Creek ou ceux judiciaires comme dans l’affaire des attentats de Bombay risquent encore de prendre du temps, l’une des voies de la restauration de la confiance entre les 2 pays et les 2 peuples passera par l’augmentation du commerce et des contacts entre les personnes, comme dans le cadre de la diplomatie du soufisme ou du cricket, ou encore de simples réunions de familles, séparées par une frontière devenue de plus en plus étouffante.
Le point économique n’est pas à sous-estimer dans cette dynamique. L’Histoire montre bien que ce critères a permis de ramener la paix en Europe après la seconde guerre mondiale. Pourquoi pas dans le sous-continent indien ? Les élections de mai vont apporter un gouvernement enclin à de telles opportunités puisque si le PLM-N se déclare relativement conservateur sur les questions de société, il prône un important libéralisme économique. Durant la campagne, le parti reconnaissait l’importance de bonnes relations économiques avec l’Inde dans l’intérêt du Pakistan qui pourrait voir son économie décoller si certains problèmes structurels comme l’énergie et la production devenaient les objectifs du nouveau gouvernement. Sur le plan géostratégique et géoéconomique, le Pakistan partage ses frontières avec la Chine, devenue en 2010 la seconde économie mondiale et l’Inde, souvent perçue comme pouvant atteindre des sommets. Le Pakistan a donc tout intérêt à conclure des accords solides avec ses 2 pays.
Le printemps prochain, des élections auront lieu en Inde. Il est alors probable que le pouvoir actuel ne fasse de très grandes avancées pour régler certaines grandes problématiques comme la question de la diplomatie avec le Pakistan. C’est donc peut-être en 2014 que les 2 pays pourront faire avancer leurs relations de manière plus pragmatique. Cela laisse le temps au Pakistan pour développer sa politique envers l’Inde qui aidera peut être cette dernière à voir le Pakistan sous un autre angle. Cette période de transition peut permettre aux 2 pays d’établir une base de dialogue solide tout en s’assurant qu’aucun incident majeur ne tienne d’ici là mettre à bas cette dynamique.
Julien Lathus