Islamabad a demandé à l’Inde de lui fournir une copie du discours historique du fondateur du Pakistan, Mohammed Ali Jinnah dans lequel il promettait la liberté religieuse et un état séculier moderne.
Le discours prononcé à Karachi en 1947 mettait en avant la vision de Jinnah pour un état démocratique, tolérant et sous bonne gouvernance. Son appel fut largement ignoré par ses successeurs, en particulier par l’ancien dictateur, le général Zia ul Haq qui a islamisé le pays à la fin des années 1970.
L’enregistrement du discours avait été produit et conservé par la Corporation de Diffusion du Pakistan (PBC) mais il fut plus tard détruit. Le directeur de la PBC, Murtaza Solangi a contacté son homologue indien de la All-India Radio (AIR) pour obtenir une copie de l’unique exemplaire enregistré de ce discours.
En formulant sa demande à la AIR, il explique que le Pakistan n’a plus l’enregistrement du discours dont le regard libéral pour le pays pourrait constituer une source d’espoir pour le futur. « Ce discours est très important pour les personnes qui souhaitent amener le Pakistan vers la modernité, le pluralisme et la démocratie » affirme-t-il à un groupe de presse indien.
L.D. Mandloi, de la AIR a confirmé la demande de la PBC et a déclaré que ses collègues essayaient de localiser l’enregistrement. Il a affirmé au quotidien anglais, The Daily Telegraph qu’il aurait besoin de l’aval du gouvernement indien avant de donner une copie au Pakistan.
Dans son discours, Jinnah rassurait les minorités du Pakistan en leur disant « vous êtes libre d’aller aux temples, libre d’aller dans les mosquées ou tout autre place de dévotion dans ce Pakistan, vous pouvez être de toute religion, caste ou croyance, cela n’a rien à voir avec les affaires de l’état ».
Quelques années après sa mort en 1948, le pays s’est détourné de ces idéaux. Le Pakistan fut déclaré république islamique en 1956 et sous la dictature militaire du général Zia ul Haq, la sharia fut introduite dans la constitution. Chrétiens, Hindous, Parsis, Sikhs, Chiites et Ahmadiyas ont eu à faire face aux persécutions et à la violence.
De nos jours, cette situation se poursuit au Pakistan. Le ministre des minorités, Shabbaz Bhatti, un Chrétien fut assassiné l’année dernière en raison de son combat envers la loi contre le blasphème, utilisée pour intimider les non-Musulmans dans le pays.
Le commentateur vedette du Pakistan, Najam Sethi déclare que les efforts de Solangi pour restaurer un moment pivot de l’histoire du Pakistan n’ont qu’un soutien limité, provenant principalement de l’élite séculaire et des libéraux anglophones du pays.
« Ce discours est important pour les progressistes et les libéraux, principalement anglophones, mais majoritairement ignoré par les courants politiques populaires et par l’establishment militaire. Ils veulent créer un état idéologique, devenant un état islamique, ils ont apporté les lois islamiques et ont détruit la vision de Jinnah » affirme-t-il.
Extrait du film Jinnah (1987) où le fondateur du Pakistan parle de la liberté religieuse et de sa vision pour le pays sur youtube.
Sources :
The Daily Telegraph (Royaume-Uni) en VO.
The Hindu (Inde) en VO.
Julien Lathus