La guerre des « violations de cessez-le-feu »

Pas une semaine ne se passe à la frontière indo-pakistanaise sans que des annonces d’intrusions et d’échanges de coups de feu ne soient relatées par la presse. Le dernier en date remonte à la matinée du 1 juin dernier. Dix minutes de coups de feu …

Pas une semaine ne se passe à la frontière indo-pakistanaise sans que des annonces d’intrusions et d’échanges de coups de feu ne soient relatées par la presse. Le dernier en date remonte à la matinée du 1 juin dernier. Dix minutes de coups de feu semblent-t-ils provoquées par les forces pakistanaises dans le sud du Cachemire. Cette énième escarmouche s’inscrit dans une série plus vaste d’incidents frontaliers qui perdurent depuis près d’un an, et même un peu plus.

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Face à ces incidents à répétition, le parti d’extrême droite Shiv Sena préconise que l’Inde devrait « elle aussi violer le cessez-le-feu pour donner une bonne leçon au Pakistan. ». Dans un édito publié le 1er juin dans le journal rattaché au parti, Saamana, l’auteur évoque une forte hausse des violations pakistanaises depuis 2013, année qui a vu selon l’auteur, 347 violations. Pour 2014, il fait état de 562 atteintes au cessez-le-feu de la part des forces pakistanaises.

« C’est seulement quand l’armée indienne riposte et tue des Pakistanais que les tirs provenant du voisin cessent. Si un petit pays comme le Pakistan peut violer le cessez-le-feu aussi souvent, il ne serait pas injuste pour l’Inde de violer à son tour le cessez-le-feu pour les faire rentrer dans le droit chemin » souligne l’éditorialiste. Le ton est donné et il revêt une teneur inquiétante au regard des tensions qui agitent la frontière depuis plus de deux ans.

Plus de deux ans de tensions et de violations à la frontière

Depuis janvier 2013, les escarmouches entre les soldats des deux pays connaissent en effet une dangereuse recrudescence. Dans les premiers jours de janvier 2013, deux soldats indiens avaient été tués par des soldats pakistanais puis décapités et mutilés. La tension était alors à son comble et le gouvernement indien avait convoqué l’ambassadeur pakistanais.

Si à l’époque, le gouvernement de Manmohan Singh a gardé la tête froide, les milieux nationalistes, avec le Shiv Sena en tête, avaient trouvé dans cet incident une opportunité pour lancer un message guerrier à l’encontre du Pakistan et du gouvernement indien, jugé trop mou. « Si deux de nos soldats ont été décapités, nous devrions en décapiter quarante des leurs » déclarait alors Sanjay Raut, le porte-parole du parti.

L’Inde exposait ses muscles et l’opinion publique boostée par une presse « va t’en guerre » s’est mise à ne plus croire en la paix avec un Pakistan jugé anti-indien et ne vivant que dans l’espoir de détruire son voisin. Le ton est également fort à l’encontre du gouvernement de Manmohan Singh qui selon ses détracteurs ne prend pas en considération tout le danger que représente le Pakistan.

Alors que le processus de paix se relançait péniblement entre les deux pays suite aux attentats de Bombay de 2008, ce début d’année 2013 allait donner l’impulsion d’un nouveau gel alors que les deux pays allaient changer de gouvernement dans les mois à venir. Durant l’année 2013, douze soldats indiens seront tués avec un pic en août. Les pertes militaires pakistanaises s’élèvent à quatorze morts.

Cette série d’escarmouches prend fin aux alentours de la fin octobre 2013. Le gouvernement de Manmohan Singh est décrié pour son laxisme et l’opposition, conduite à l’époque par le BJP appelle à une réponse musclée. Dans la presse indienne, les incidents du mois d’août sont commentés avec zèle. « Acte hostile », Trop c’est trop, l’Inde devrait riposter » ou « Le Pakistan teste la patience de l’Inde » sont quelques-uns des gros titres dans la presse indienne.

Un an après, des incidents reprennent le long de la frontière au Cachemire avec deux soldats indiens tués au mois de juillet 2014. Du côté pakistanais, les premiers morts, trois, sont mentionnés en octobre et les violations de cessez-le-feu parcourent toute la fin d’année. Depuis le retour des coups de feu échangés par les deux camps, une cinquantaine de civils, indiens et pakistanais ont été tués. L’aventurisme pakistanais est mis souligné par le ministre indien de la défense qui promet une réponse dure alors que le Pakistan répond qu’il ne souhaite pas transformer les tensions frontalières en une confrontation nucléaire.

Un cessez-le-feu pourtant en vigueur depuis 2004

Sur le terrain, la situation apparaît comme dangereuse même si l’intensité faible des escarmouches permet de maintenir une certaine retenue. Les deux pays ne sont toutefois pas à l’abri d’une déstabilisation majeure pouvant provenir d’éléments étatiques comme non-étatiques.

Alors qu’un cessez-le-feu est en vigueur le long de la Ligne de Contrôle depuis 2003, les deux pays n’ont cessé de déroger à cette règle. L’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires se sont déjà affrontées à trois reprises pour le Cachemire, aujourd’hui divisé en deux.

Face à ces violations à répétition, le 12 octobre dernier, un haut dignitaire pakistanais envoie une lettre aux Nations Unis pour demander de l’aide dans la résolution de cette crise. Toutefois, l’organisation refuse d’intervenir dans la question du Cachemire et renvoie dos à dos, Indiens et Pakistanais afin qu’ils trouvent eux-même une solution à ce conflit vieux de plus de soixante ans.

Julien Lathus

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