Pour ce neuvième épisode consacré aux élections pakistanaises du 11 mai, parlons un peu de questions diplomatiques et internationales. Parmi elles, la relation avec l’Inde apparaît au premier plan en raison de l’antagonisme qui demeure entre les 2 pays, ces 2 frères ennemis qui se sont opposés militairement 4 fois en un peu plus de 60 ans. Dans les programmes politiques que les partis pakistanais ont publié à destination des électeurs, l’Inde tient le haut des sections dédiées à la politique étrangère du Pakistan.
Sur ce point, la majorité des grands partis sont unanimes. Tous souhaitent travailler pour de meilleures relations avec l’Inde et à résoudre les contentieux en suspend, comme l’épineuse question du Cachemire par le dialogue, tout en renforçant leurs liens économiques. Une politique nécessaire au regard de la relation troublée que les 2 pays entretiennent depuis le début d’année et les incidents du Cachemire. Petit tour sur les positions des partis sur l’Inde.
La Ligue Musulmane du Pakistan (PML-N).
Le parti de Nawaz Sharif, qui tient le haut des sondages pour les élections générales a promis dans son programme de conduire une profonde reconsidération de sa politique concernant la sécurité du Pakistan et de sa politique étrangère alors que le pays est « en guerre avec lui-même et isolé sur le plan internationale ». Le parti voit la normalisation des relations avec ses voisins, dont l’Inde, comme un élément-clé de sa nouvelle stratégie.
« Nous poursuivrons une politique de normalisation avec les pays avec qui nous avons le plus de problème relationnels. Ainsi, nous chercherons à résoudre nos différents de manière pacifique avec l’objectif d’établir des liens coopératifs et cordiaux avec tous les pays, et principalement avec ceux de notre entourage » lit-t-on dans le manifeste du parti. Le PML-N précise qu’il fera des efforts « spéciaux » pour résoudre la question du Cachemire en accord avec les résolutions de l’ONU et l’Accord de Lahore de 1999, et surtout, en coopération avec les aspirations du peuple cachemirie, « pour leur droit fondamental à l’auto-détermination ».
Tacitement, le manifeste reconnaît les inquiétudes indiennes face au terrorisme en indiquant que « des acteurs non-étatiques utilisent le Pakistan comme un sanctuaire pour poursuivre leur propre agenda ».
Le PML-N est le seul parti à évoquer la question du partage des eaux avec l’Inde. Pour le parti, un accord sur l’usage des rivières est « urgent et important ». Ces dernières années, cette question empoisonne les relations entre les 2 pays. Islamabad s’est opposé à plusieurs reprises aux projets de barrages indiens dans le Jammu et Cachemire, qui pourraient affecter le débit des rivières pakistanaises et mettre en péril tout le secteur agricole du Pakistan.
Le Parti du Peuple Pakistanais (PPP).
Le parti sortant du PPP et ses alliés coalisés du Parti National Awami (ANP) et du Mouvement Muttahida Qaumi (MQM) ont promis de poursuivre le travail qu’ils ont engagé ces dernières années pour construire une meilleure relation avec l’Inde.
Dans la section de son programme nommée « S’engager avec le Monde », le PPP fait de la normalisation des liens commerciaux avec l’Inde l’une des plus grandes réussites de son mandat. « La poursuite d’un dialogue honnête et sincère avec l’Inde sur tous les dossiers en suspend, comme la question brûlante du Cachemire ou les facilité de circulation est un engagement du parti pour la paix régionale » indique le manifeste. Le PPP indique également supporter les revendications des Cachemiris. « Nous ne négligerons pas ce point au détriment d’un autre ». « Sans nous opposer aux résolutions de l’ONU, nous soutenons le projet d’ouvrir et de sécuriser la frontière des 2 côtés du Cachemire pour unifier socialement les Cachemiris. Nous notons également que l’Inde et la Chine ont des relations sans trop de soucis alors qu’un différent territorial existent entre eux ».
Le PPP cherche donc à établir une relation de confiance avec l’Inde par un dialogue ininterrompu et pacifique pour réduire les tensions et avancer sur tous les dossiers, sources de conflits et de mésentente.
Le Parti National Awami (ANP) et le Mouvement Muttahida Qaumi (MQM).
Le manifeste du parti ANP qui représente les Pashtouns reconnaît que l’Inde joue maintenant un grand rôle sur la scène internationale et que cette situation pourrait tourner à l’avantage du Pakistan. Dans ce sens, « l’établissement de relations de bon voisinage avec l’Inde, basées sur la coopération et la paix est une priorité » explique le programme du parti.
Même son de cloche chez le MQM qui représente les Indiens ourdouphones immigrés au Pakistan après la partition du sous-continent et qui a sa base électorale à Karachi. Le parti appelle à une politique étrangère indépendante pour des relations « honorables, amicales et proches avec l’Inde ». Le MQM cherche à établir une solution pour la question du Cachemire par le dialogue et encourage à la formation de Mesures de Confiance (CBM) avec l’Inde, en parallèle aux négociations.
Le Mouvement du Pakistan pour la Justice (PTI).
Le parti de l’ancienne star du cricket, Imran Khan affirme que la résolution de la question du Cachemire fait partie de l’un des dossiers les plus importants pour le Pakistan, « une question d’intérêt national ».
Dans son manifeste, le PTI assure « qu’il établira un paradigme nationaliste concernant sa politique étrangère avec des relations internationales basées sur le respect de la souveraineté nationale, sur les intérêts mutuels et la paix régionale ».
Concernant ses buts à long-terme, le parti déclare vouloir travailler à la « détente progressive avec l’Inde pour le bénéfice des 2 pays, si cela est basé sur la résolution de conflits et la coopération en matière énergétique ».
Julien Lathus