Les élections historiques qui se déroulent actuellement au Pakistan sont également les plus sécurisées du monde. Entre véhicules blindés, gilets pare-balles et gardes armés, elles coûtent particulièrement chères aux partis en course face aux menaces et à l’instabilité chronique du pays. De nombreuses attaques ont déjà touchées des candidats de part et autre du Pakistan. Aujourd’hui même, un attentat a décimé 5 membres du parti MQM à Karachi.
Le 24 mars dernier, peu après avoir foulé le sol pakistanais pour la première fois depuis 4 ans, l’ancien président Pervez Musharraf a rapidement déchanté lorsqu’il a apprit de la part des policiers qu’il devait annuler son meeting de retour en raison des risques sécuritaires importants. Les Talibans, comme les insurgés du Baloutchistan avaient publiquement menacé de s’en prendre à l’ancien dictateur.
Ces élections qui célèbrent la première transition démocratique du Pakistan sont dangereuses pour la plupart des candidats. Les plus importants, comme Bilawal Zardari Bhutto, Nawaz Sharif ou Pervez Musharraf sont constamment ceinturés de gardes armés de Kalachnikovs qui les tiennent à distance de la foule. Les candidats se déplacent désormais en véhicule blindé et la plupart des bureaux des partis en course sont devenus de véritables forteresses équipées de check-points et entourées de fils barbelés. Les discours se font de plus en plus souvent derrière des vitres blindées.
De nombreux rapports issus des services de renseignements font état des nombreux groupes qui cherchent à saboter les élections en cours. Au début du mois, le ministère de l’intérieur a averti la Commission Electorale que des groupes comme Jandullah, le Lashkar-e-Jhangvi (LeJ) ou le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) avaient planifié des attaques de grande ampleur, principalement dans la province du Baloutchistan dans le but de compromettre les élections.
Du coup, la plupart des électeurs ne peuvent pas approcher les candidats. « Il ne nous a même pas serré la main » se plaint Anjam Khan, un commerçant de 42 ans et grand supporteur de Nawaz Sharif après avoir été poussé par l’important service d’ordre qui encadre la star du PML-N au cours d’un meeting dans la province de Khyber Pakhtunkhwa.
Imran Khan, chef du Parti PTI est l’un des seuls leaders qui ne se soucie pas des problèmes de sécurité. En bon élève du populisme, il se mélange à la foule de ses supporteurs durant ses meetings où il n’apparaît pas derrière une vitre blindée. Son service de sécurité se résume à une trentaine de volontaires désarmés qui l’escortent dans les réunions. « Imran Khan est bien conscient des menaces qui pèsent sur lui mais il n’a pas d’autre choix que de se mêler à la foule » explique le porte-parole du PTI.
Il y a un peu moins de 6 ans, l’ancienne première ministre, Benazir Bhutto n’avait pas pris au sérieux les avertissements sécuritaires alors qu’elle revenait au Pakistan après un exil de plusieurs années. Le 27 décembre 2007, elle fut abattue alors qu’elle s’était risquée à sortir par la toit-ouvrant de son 4 x 4 blindé pour saluer la foule après un meeting. Les élection de 2008 avaient été les plus sanglantes de l’histoire du pays. Nawaz Sharif avait survécu à une attaque le jour même où sa rivale tombait mais 4 cadres de son parti avaient été mortellement atteints par des rafles de Kalachnikovs, modèle AK-47.
Depuis ces dernières élections, plus de 40 000 personnes ont trouvé la mort dans des attaques terroristes à travers le pays et la sécurité pour les politiciens s’est largement détériorée. En réponse, ces derniers ont investi massivement pour leur protection. La Commission Électorale avaient autorisé les dépenses des partis jusqu’à 11 715 € pour assurer leur campagne mais les candidats dépensent en moyenne entre 39 000 et 54 000 €. Avec les problèmes de sécurité, la note explose.
Cette situation n’est pas mauvaise pour tout puisqu’elle permet le boom des sociétés de sécurité privée. Au Pakistan, 4 sociétés équipent les véhicules de protection pare-balles. A Karachi, le directeur de Toyota Central Motors, Shahzad Godil explique qu’il reçoit chaque mois une commande de 40 véhicules pour un prix unitaire moyen compris entre 30 740 et 38 426 €. Importé, le même modèle peut grimper jusqu’à 130 000 €.
Près de 400 agences de sécurité privée ont embauché 30 000 personnes ces dernières années au Pakistan. Chacun est payé 80 € par mois en moyenne. Les plus spécialisés, bien équipés et entraînés à contrer les opérations suicides coûtent 3 fois plus. Qasim Mahmood, ancien militaire et formateur à l’agence Phoenix de Karachi ne peut parler en détail des coûts engendrés par cette recherche de sécurité mais il indique que « les meilleurs gardes sont embauchés par les politiciens ».
Julien Lathus