Alors que la campagne électorale bat son plein et que les partis entrent en scène, de nombreux politiciens, de tous bords, craignent les possibles attaques durant leurs meetings.
Peu après avoir atterri à l’aéroport de Karachi dimanche dernier, l’excitation du retour de l’ancien autocrate Pervez Musharraf a rapidement fait place à la déception. Dans les salons d’accueil de l’aéroport international, 2 officiers en uniforme lui ont demandé d’annuler son meeting de retour prévu le jour-même, craignant que l’ancien général soit la cible des Talibans qui avaient juré de l’éliminer. Musharraf n’eut pas le choix et il dût abandonner cette idée, laissant ses supporteurs, dont certains avaient traversé le pays pour l’accueillir.
Mais l’ancien général n’est pas le seul à être visé par les Talibans. Tous les politiciens de premier plan, l’ancien premier ministre Nawaz Sharif (PML-N), le président Asif Ali Zardari (PPP), le leader du PTI, Imran Khan ou celui de l’ANP, Asfandyar Wali Khan craignent pour leur vie lorsqu’ils s’adressent dans des meetings publics à l’approche des élections prévues pour le 11 mai prochain. D’autant plus que les efforts du gouvernement pour conclure un cessez-le-feu avec les Talibans durant la campagne électorale n’ont pas aboutit.
Mercredi, des responsables du ministère pakistanais de l’intérieur ont clairement averti la Commission Électorale Pakistanaise, en charge de l’organisation des élections, que des organisations militantes, dont le Jandullah, le LeJ et le TTP prévoyaient des attaques terroristes de grande ampleur, principalement dans le Baloutchistan. Ils soulignent que ces menaces peuvent compromettre la tenue des élections.
Bien que les agences de l’exécutif ont assuré que les leaders politiques bénéficieront d’une protection totale durant leurs meetings, ces derniers ne semblent pas accorder une confiance totale à ses déclarations. Et ils ont de nombreuses raisons de le faire.
Selon des données compilées par l’ONG, Réseau pour des Élections Libres et Impartiales (FAFEN), les craintes de voir des « bains de sang » dans les prochaines semaines sont justifiées. Entre le 16 et le 22 mars, 36 personnes ont été tuées dans 16 incidents liés à des violences politiques. On dénombre également 87 blessés. Cette semaine, à Karachi, 3 militants politiques ont été tués et de nombreux autres blessés dans des violences politiques. Mais ce sont les civils qui subissent le plus ces violences. La région de Khyber Pakhtunkhwa apparaît comme la plus violente avec 21 tués, suit ensuite le Sindh (15 tués) et les Régions Tribales.
A l’aube des élections, la situation sécuritaire du Pakistan apparaît tout aussi troublée que lorsque l’ancien président Musharraf avait démissionné en 2008. Même si le Pakistan a réussi pour la première fois de son histoire montrer un gouvernement élu terminer son mandat, le pays reste considéré comme l’un des plus dangereux du monde. De nombreuses attaques terroristes se concentrent sur les postes gouvernementaux, sur les forces de sécurité, comme contre la minorité chiite.
Alarmés par les risque de sabotage du processus démocratique et électorale, les responsables de l’armée pakistanaise ont récemment décidé de mener des arrangements de sécurité intégrée tout en assistant le gouvernement intérimaire à assurer des élections sans violence. La Commission Électorale Pakistanaise s’est entretenue 2 fois avec les représentants de l’armée pour discuter des modalités des plans sécuritaires. En réponse, l’armée a établi une cartographie des lieux de vote les plus sensibles pour y renforcer sa présence et sa dissuasion.
Les risques sont à la mesure des menaces perpétrées dans les Talibans et nombreux sont ceux qui se rappellent les violences politiques qui avaient émaillé le Pakistan en 2007-2008 au cours des dernières élections. Un attentat avait coûté la vie à la favorite, Benazir Bhutto.
Julien Lathus