Depuis près de deux mois maintenant, le Cachemire indien vit au rythme du couvre-feu imposé par les forces de sécurité indiennes. Lundi 29 août, il fut partiellement levé avant d’être réimposé avec plus de vigueur après l’explosion de nouvelles violences dans différentes parties de la capitale régionale Srinagar.
Pour beaucoup de résidents, cet assouplissement du couvre-feu avait été la première occasion en 52 jours de pouvoir se déplacer librement hors de leurs maisons. Depuis le 8 juillet dernier et l’élimination par l’armée d’un jeune militant séparatiste très populaire, l’ancien royaume himalayen connaît une vague de protestations dont l’importance n’avait pas été atteint depuis plusieurs années. Au moins 68 personnes ont été tuées et plus de 10 000 autres blessés dans les affrontements.
Les autorités indiennes avaient annoncé une levée partielle du couvre-feu après avoir enregistrées une amélioration des conditions de sécurité mais de nombreux habitants en ont profité pour relancer les affrontements avec les forces de l’ordre à coup de pierres, tout en scandant des slogans appelant à l’indépendance vis à vis de l’Inde.
Des semaines de blocage téléphonique et de restrictions de mouvements ont particulièrement affecté les plus pauvres qui doivent déjouer les checks-points pour se ravitailler auprès d’associations établies en dehors de Srinagar.
Les commerçants sont également inquiets au fur et à mesure que les factures s’accumulent et que les rues sont désertes de toute clientèle. Cette situation est amplifiée par la grève générale décrété par le All Parties Hurriyat Conference (APHC), une organisation politique qui regroupe différents groupes indépendantistes, dont les leaders ont été arrêtés ces dernières semaines.
Selon Hamida Nayeem, universitaire à l’Université du Cachemire et activiste de la cause, « les Cachemiris ne vont pas retourner au travail tant que New Delhi n’ouvrira pas un véritable dialogue avec les chefs de la résistance et le Pakistan ». Depuis la création de l’Inde et du Pakistan en 1947, les deux pays se sont affrontés à trois reprises sur le sujet du Cachemire, ancien royaume indépendant, aujourd’hui divisé entre l’Inde et le Pakistan.
Le 15 aout dernier, le Pakistan a officiellement invité l’Inde à lancer les pourparlers sur la question du Cachemire. Une invitation refusée par l’Inde qui préférerait aborder le sujet du terrorisme transfrontalier, pour lequel elle accuse le Pakistan de soutien « dissimulé ».
En attendant, l’Inde continue d’envoyer des troupes au Cachemire qui est déjà la base pour plus de 500 000 d’entre eux. Nombre de ces renforts ont pris possession des écoles pour installer leurs camps de base.
Le gouvernement du premier ministre Narendra Modi, qui d’ordinaire minimise la crise au Cachemire fait aujourd’hui face à une pression grandissante pour ouvrir un dialogue avec les séparatistes, et même au sein de la direction militaire. Dimanche, à la radio, le premier ministre a exprimé sa tristesse pour les vies perdues au Cachemire tout en critiquant ceux qui « essayent de mettre en péril la paix dans la région en envoyant des enfants sur le front et en se cachant derrière ».
Toujours en fin de semaine dernière, le premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif a annoncé la constitution d’une équipe de 22 parlementaires, 22 « envoyés spéciaux », qui doivent porter, à nouveau, le dossier du Cachemire sur le plan international en espérant que les gouvernements étrangers puissent faire pression sur l’Inde.
Ces dernières violences au Cachemire sapent les espoirs de Sharif de voir une amélioration des relations avec l’Inde alors que les doutes d’une rencontre entre les deux premiers ministres semblent s’éloigner en dépit de l’organisation de la réunion des premiers ministres d’Asie du Sud (SAARC) prévue à Islamabad le 9 novembre prochain.
Julien Lathus