Le tribunal international des Crimes au Bangladesh a rendu lundi son premier verdict. Abul Kalam Azad, leader religieux de 90 ans est condamné à mort des crimes contre l’humanité perpétrés durant la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971. Ancien chef du parti politique islamique Jamaat-e-Islami jusqu’en 2000, il s’était opposé à l’indépendance du Pakistan-oriental, devenu le Bangladesh.
Abul Kalam Azad a été reconnu coupable de 8 charges pour le crime de 6 Hindous et le viol d’une femme hindoue durant la guerre. A cela s’ajoute des crimes de génocide et d’enlèvement. Il est également reconnu pour avoir fondé et dirigé des milices pro-pakistanaises impliquées dans de nombreux meurtres et viols au cours des 9 mois de guerre d’indépendance.
Institué en 2010, ce tribunal cherche à juger ceux qui sont soupçonnés de crimes de guerre alors que le Bangladesh luttait pour son indépendance. Durant cette guerre où l’Inde a soutenu les indépendantistes et à combattu de front le Pakistan, entre 500 000 et 3 millions de Bangladais ont été tués en 9 mois de lutte et plus de 200 000 femmes auraient été violées. Profondément opposé à l’indépendance du Bangladesh vis-à-vis du Pakistan, Azad affirmait que cela diviserait la communauté musulmane. Il mettait également en garde face au risque de voir le Bangladesh indépendant tomber sous la coupe économique et politique de l’Inde.
En 1973, le gouvernement l’avait déchu de sa nationalité pour avoir coopérer et pactiser avec les forces pakistanaises. Vivant en exil au Pakistan et au Royaume-Uni, il était rentré au Bangladesh en 1978 lors que le pays était dirigé par le général Ziaur Rahman. La Cour Suprême lui avait redonné la nationalité bangladaise en 1994 et l’avait arrêté au début de l’année 2012.
Ce premier verdict est un triomphe pour le premier ministre, Madame Sheikh Hasina qui a fait des poursuites judiciaires pour les crimes de guerre de 1971 un objectif-clé de son gouvernement. Pourtant, depuis sa mise en place, ce tribunal a dû faire face à des crises internes et fait l’objet d’inquiétudes internationales, exprimées par des organisations comme Human Right Watch ou l’Union Européenne.
« L’Union Européenne suit de près le processus judiciaire au Bangladesh visant à juger les crimes commis durant la guerre d’indépendance de 1971… L’Union Européenne est opposé à la peine de mort dans tous les cas et toutes les circonstances. La Haut Représentante (Catherine Ashton) demande aux autorités du Bangladesh de commuer cette sentence et d’introduire un moratoire sur les exécutions pour mener le pays à l’abolition de la peine de mort » déclare Catherine Ashton dans un communiqué de presse.
En fin d’année 2012, le tribunal fut secoué par les révélations d’un journal qui a mené à la démission d’un des juges. Des heures de conversations sur Skype entre le juge et un juriste basé à Bruxelles révélaient les doutes du juge sur un procès en bonne et due forme pour les accusés. Mais le gouvernement a spontanément répondu à la crise en nommant un nouveau juge et le tribunal fut enjoint de procéder rapidement aux jugements des criminels de guerre.
Néanmoins, au Bangladesh, la presse parle d’un tournant dans l’histoire du pays qui cherche à faire table rase d’un passé violent. Depuis 2011, ce sont 6 chefs du Jamaat-e-Islami qui sont en attente de jugement pour crimes contre l’humanité. Si la plupart des Bangladais soutiennent ce tribunal, le terreau politique du pays fracturé et divisé risque de subir les conséquences de ces procès.
Sources :
BBC (Royaume-Uni) en VO.
The Daily Star (Bangladesh) en VO.
Europa.eu (Europe) en VO.
Julien Lathus