Dans le district de Panjwai, dans le sud du pays, il est fini le temps où les Talibans et autres insurgés islamistes pullulaient. Le crédit de cette sécurité retrouvée n’est pas le fruit de l’action des soldats américains et de l’OTAN mais bien le résultat d’hommes armés du cru, à l’instar de Sultan Mohammed, chef de la police locale à la réputation sulfureuse. Lui et ses troupes ont réussi à repousser les Talibans hors de ce district sans aucune aide internationale.
En 2009, Barack Obama avait fait de cette zone, au sud de Kandahar, l’une des pièces maîtresses de sa reprise contre les Talibans. L’envoi de renforts destinés à les défaire dans leur berceau historique avait viré au désastre et les Talibans avaient repris la main. Mais aujourd’hui, le bruit des armes semblent loin et les insurgés ont plié bagages. Dans les champs, les grenadiers et les vignes poussent alors que quelques années auparavant, seules des mines étaient plantées en terre.
« Quand les forces américaines étaient là, les Talibans étaient à 1 km de leurs bases. Aujourd’hui il n’y a plus un seul taliban à 100 km à la ronde » exulte Sultan Mohammed, qui a largement contribué à chasser les insurgés, avec l’aide du redouté général Abdul Raziq, chef de la police de la province de Kandahar.
Cette situation offre un contraste saisissant avec celle qui prédomine dans le reste du pays où les Talibans sont parvenus ces derniers mois à s’emparer des districts entiers et ce même dans le voisinage immédiat du Panjwai. La province voisine du Helmand, pivot national de la culture de pavot pourrait tomber aux mains des Talibans ces prochaines semaines en raison du manque de réactivité des forces afghanes.
Le district de Panjwai vient contredire l’idée répandue que la police afghane et l’armée nationale ne peuvent pas lutter sans l’appui de l’OTAN dont 13 000 hommes sont toujours déployés dans le pays et cantonnés à des missions de conseils et de formations. Mais cela a un prix. Celui du sang, celui de la violence et celui de la terreur contre la terreur. En effet, ces forces anti-Talibans sont connus pour leur brutalité. Abdul Raziq, lui même est accusé de torturer ces ennemis. « L’ordre qu’il donne à ses hommes est simple : Ne ramenez pas de prisonniers vivants » confie un de ses proches collaborateurs à l’AFP.
Face à de telles méthodes le ministère de l’intérieur afghan a ouvert la semaine dernière une enquête suite à la diffusion d’une vidéo où l’on voit des hommes de Sultan Mohammed en train de torturer un homme qui se préparait à commettre un attentat-suicide selon ses tortionnaires. Pour les sympathisants de Razi et de Mohammed, cette brutalité se place comme le meilleur rempart envers les insurgés. « Si j’attrape un Taliban en train de poser une mine, je le fais s’asseoir dessus et j’actionne la charge » explique Serajuddin Afghanmal, un officier proche de Sultan Mohammed.
Le district de Panjwai bénéficie également de sa situation géographique dans le sens où elle ne se trouve pas sur les routes des contrebandiers et des trafiquants. C’est en partie grâce à cette isolement que le calme a pu revenir et que les habitants ont pu reprendre leurs travaux agricoles. Toutefois, la situation demeure précaire. Les rivalités entre les tribus sont importantes et la violence qui règne dans le district voisin de Maiwand menace de s’étendre à tout moment. De plus l’éradication de la culture du pavot a engendré une grave crise économique.
En attendant, le district de Panjwai affiche un tout nouveau visage alors qu’il figurait en 2012 dans la liste des 10 plus dangereux du pays selon les autorités américaines. « Les Américains pensaient qu’ils pouvaient ramener la sécurité en lançant des drones avec des caméras de surveillance » constate Haji Mohammed, un policier de Panjwai. « Les Talibans posaient des bombes autour des leurs bases et eux ne se doutaient de rien. Ils étaient forcés à se retrancher dans leurs bases, parce que dès qu’ils sortaient, leurs véhicules blindés se transformaient en cercueils » reprend-t-il.
De plus, les soldats américains déployés dans la zone se sont rapidement mis à dos les populations locales en raison de leurs intrusion chez les gens et dans les mosquées à toute heure du jour comme de la nuit. Ce sentiment de colère a atteint son pic au cours d’une nuit de mars 2012 quand un soldat de l’armée armée américaine, Robert Bales a tué 16 civils dans les villages de Balandi et d’Alkozai. Il fût condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération l’année suivante.
Sultan Mohammed remarque aussi que la paix est revenue dans le district le jour même où le dernier soldat américain avait plié bagages. « Avec le départ des Américains, les Talibans n’ont plus aucune justification morale de rester dans le district » constate-t-il. « Les étrangers peuvent toujours nous fournir des armes mais ils ne trouvent pas leur place ici. Seuls les Afghans peuvent réellement gagner la guerre en Afghanistan » ajoute-t-il.
Julien Lathus / AFP