De fortes tensions entre Hindous et Musulmans ont coûté la vie à plus de 30 personnes ce week-end dans une zone rurale du nord de l’Inde, à une centaine de kilomètres de New Delhi. Plusieurs villages de l’Uttar Pradesh sont touchés par des violences, avec la ville de Muzaffarnagar comme épicentre. Face à une situation qui peut dégénérer à tout moment, les autorités ont demandé à l’armée indienne de se déployer sur la zone et les politiques entrent en jeu en se renvoyant les responsabilités et les faiblesses.
A l’origine de ces affrontements : la mort de trois hommes samedi, trois paysans hindous qui avaient dénoncé des harcèlements contre une femme. Attaqués à leur retour chez eux, des milliers d’Hindous étaient alors venus demander justice, déclenchant des affrontements. Si cet épisode a fourni un prétexte pour les émeutes, la tension couvait la zone depuis plusieurs jours après quelques assassinats, une fausse vidéo postée sur Youtube et une marche suivie de discours incendiaires.
Ce lundi, les autorités font état de 31 morts dans ce week-end de violence. Parmi eux, un journaliste indien de la chaîne de télévision IBN7, pris entre les 2 groupes qui se sont lancés dans une bataille à coup de couteaux, d’épées et de pistolets.
Les violences se sont rapidement étendues aux villages alentours durant la nuit de samedi. Face à la situation, les autorités ont imposé un couvre-feu dans 3 districts touchés par ses émeutes interreligieuses et un contingent militaire de 800 hommes a été déployé pour contenir les groupes armés des 2 confessions. Les soldats ont pour mission de maintenir le calme dans les rues et se sont lancés dans des perquisitions à la recherche d’armes. Ce lundi, la police indique que 200 personnes ont été arrêtées.
« Nous ne ferons preuve d’aucune indulgence envers les fauteurs de troubles. Les forces de l’ordre ont carte blanche pour rétablir l’ordre » a annoncé le chef du gouvernement de l’Uttar Pradesh, Akhilesh Yadav.
Une situation explosive mais contenue… pour le moment.
Les forces de sécurité ont également reçu l’ordre de tirer à vue sur les émeutiers, alors que les effets du couvre-feu semble pour le moment modérés et que les violences s’étendent peu à peu dans les districts voisins de Meerut et de Shamli. Déjà, des centaines de personnes, en position minoritaire dans leur village ont fui les violences et ont fait des bourgades où leur communauté est majoritaire des camps de réfugiés. Des flux de déplacés y arrivent toutes les heures depuis dimanche.
Une alerte a été lancée dans l’ensemble de l’état d’Uttar Pradesh qui est composé de 200 millions d’habitants qui se déclarent à 70 % comme dévots hindous et à 30 % comme Musulmans. Cette mixité religieuse est souvent à l’origine de tensions et les heurts meurtriers sont fréquents dans cet état. En 1992, la destruction de la mosquée d’Ayodhya, par des fanatiques hindous avait causé la mort de plus de 2000 personnes dans des affrontements intercommunautaires.
Si les incidents de ce week-end sont marquants par leur nombre de victimes, les tensions entre Hindous et Musulmans atteignent des sommets cette année, puisqu’il y aurait eu près de 3000 cas d’émeutes de ce type depuis le début de l’année 2013. La situation devient un véritable problème dans cet état crucial alors que les élections législatives de 2014 approchent à grands pas.
L’heure de la récupération politique.
L’affaire de Muzaffarnagar prend également une dimension politique. Le premier ministre indien, Manmohan Singh a exprimé ses condoléances et son choc après ces tragiques événements, mais les politiciens de tous bords se sont accusés les uns les autres d’incitation à la violence. Preuve qu’au delà, la campagne pour les élections de 2014 est en route.
Le parti au pouvoir en Uttar Pradesh, le SP (socialiste) s’oppose farouchement à celui du BJP (nationaliste hindou) qui cherche à lui ravir sa place en 2014.La zone de Muzaffarnagar a été interdite à tous les politiciens pour éviter une récupération politique ainsi qu’un jeu sur les images de politiciens au chevet des blessés. Ce lundi matin, une délégation du BJP a été arrêtée à Ghaziabad alors qu’elle faisait route vers Muzaffarnagar. Dans la foulée, le parti du BSP a demandé au président indien de s’interposer dans ce jeu en accusant le SP et le BJP de faire de la « politique dégueulasse » sur le sujet de ses émeutes en tentant de récupérer les bénéfices politiques des tensions communautaires.
En attendant, un calme précaire prévaut et les plus hautes autorités indiennes ont demandé à l’ensemble des états de l’Union de se tenir attentif en cas de débordement de ces troubles. Ce matin, la presse indienne revient longuement sur les enlèvements. The Indian Express met en garde le pays face à des violences « qui pourraient troubler la campagne législative de 2014 ». De son côté, The Deccan Herald souligne que « ces violences religieuses ont été pensées, planifiées et orchestrées, mais que si elles sont inévitables, il est possible de les prévenir ».
Julien Lathus