Le 1er avril dernier, le Jammu et Cachemire a été le théâtre d’une des journées les plus violentes de ces dernières années. Suite à une opération des forces de sécurité contre des militants séparatistes supposés et à un rassemblement populaire anti-Inde, 20 personnes ont perdu la vie et des centaines d’autres ont été blessé. Ce « bloody sunday » comme il est dorénavant appelé met en lumière la spirale de violence qui s’est emparée du Cachemire depuis le début de l’année et qui touche autant les militants armés, les forces de sécurité et les civils.
Et au-delà du séparatisme armée qui touche la partie du Cachemire contrôlée par l’Inde depuis 1989, l’Inde et le Pakistan entretiennent des relations plus que tendues, ponctuées par de fréquentes escarmouches le long de la frontière qui divise la région entre les deux pays.
Avec 51 morts, le nombre de militants séparatistes tués au Jammu et Cachemire entre le 1er janvier et le 1er avril dépasse déjà le total de celui de l’année 2017 (33). Au moins 32 membres des forces de sécurité et 25 civils ont également perdu la vie au cours des 3 premiers mois de 2018. Le constat est lourd, d’autant plus que ces chiffres ne prennent pas en compte le total de 29 victimes tombées au cours des nombreuses violations du cessez-le-feu censé prévaloir entre l’Inde et le Pakistan.
Le nombre de victimes au Jammu et Cachemire atteint donc les 138 tués depuis le 1er janvier, ce qui signifie, en faisant une moyenne, qu’il ne s’est pas passé un jour depuis le début de l’année sans qu’une personne ne soit tuée, que ce soit au cours du conflit larvé entre l’Inde et le Pakistan ou dans le cadre de l’insurrection armée séparatiste cachemirie. Cet important nombre de tués le fruit d’une violence polyforme qui s’insère dans un contexte régional et historique enclin à de fréquentes poussées de fièvre.
Depuis ces dernières années, le Cachemire est le théâtre d’une nouvelle stratégie visant à perturber et empêcher les opérations de contre-terrorisme engagées par l’Inde. Depuis, les fusillades qui opposent les militants séparatistes aux forces de sécurités indiennes coûtent également la vie à de plus en plus de civils qui désormais se rapprochent de plus en plus des opérations pour caillasser les forces de sécurité qui répondent systématiquement par des tirs de plombs à air comprimé et parfois par des tirs à balles réelles.
Fin janvier, des soldats indiens avaient ouvert le feu contre une foule qui leur jetait des pierres au cours d’une opération à Ganowpora, dans le district de Shopian faisant 4 morts dont un mineur. Au moins 5 autres personnes ont été tué dans des circonstances similaires depuis le début de l’année dans cette même zone. Pour éviter les harcèlements de la part des civils durant leurs opérations, les forces de l’ordre ont mis en place une nouvelle stratégie basée sur des opérations nocturnes se finissant aux premières lueurs du jour.
Il y a aussi les attaques coordonnées de militants séparatistes contre les forces de sécurité indiennes. On en dénombre 3 majeures depuis le début d’année et pour la plupart, à l’origine du groupe Jaish-e-Mohammad, basé au Pakistan : en janvier dans le district de Pulwama (5 soldats et 3 militants tués), en févier contre un poste militaire de Sunjuwan ( 6 militaires, 1 civil et 3 militants tués). Le groupe Lashkar-e-Taiba, lui aussi basé au Pakistan est quant à lui, responsable de la spectaculaire attaque visant à libérer un militant lors de son transfert à l’hôpital le 6 février dernier qui a coûté la vie à 2 policiers.
En parallèle, le gonflement du conflit indo-pakistanais le long de la Ligne de Contrôle (LoC) accroît les échanges de tirs d’armes à feu et de mortiers. Selon le gouvernement indien, il y a eu 633 violations du cessez-le-feu au cours des 2 premiers mois de l’année. Elles ont entrainé la mort de 12 civils et 10 soldats indiens. Des milliers d’habitants le long de la frontière se sont résignés à quitter leurs maisons pour éviter de subir le sort de cette famille du district de Poonch qui fut décimée après qu’un mortier se soit abattu sur leur toit le mois dernier.
Enfin, depuis l’année dernière le Cachemire est le théâtre d’un renouveau des assassinats et enlèvements visant des civils et perpétrés par des « assaillants non identifiés », comme dans les années 1990, au moment du pic de fièvre du militantisme cachemirie. Cette année, une vague d’enlèvement frappe la vallée de Srinagar et plus particulièrement Hajin au nord. Selon la police, ces enlèvements sont le fruit des militants séparatistes. Entre le 11 mars et le 6 avril, 4 corps de jeunes hommes ont été retrouvé dans la zone. Tous portant des marques de sévices, 2 ont été décapités.
Julien Lathus