En déplacement à Karachi à l’occasion d’un séminaire, l’ancien premier ministre Nawaz Sharif, destitué en juillet dernier par la Cour Suprême pour évasion fiscale dans l’affaire des Panama Papers a émis ses inquiétudes quant au futur démocratique du Pakistan. Ces incertitudes s’expliquent selon lui par la persistance de séminaires sur le sujet de la démocratie dans son pays et ce, 70 ans après l’indépendance.
« A chaque fois que la démocratie essaie de se tenir debout, elle est mise à sac. C’est ce mal, qui durant 70 ans a empêché notre système démocratique d’atteindre sa maturité. De nos jours, il perdure encore » déclare-t-il en soulignant le nombre important d’attaques contre la démocratie.
Il rappelle comment en 1953, le premier ministre Khawaja Nazimuddin fût forcé de quitter son poste avant d’être remplacé par Muhammad Ali Borga. «A partir de ce moment, les premiers ministres ont été considérés comme des pantins » se plaint-il en ajoutant que dans les pires moments, la Constitution et le système démocratique avaient soutenu les dictateurs plutôt que de s’allier au peuple. « Le système judiciaire a mis en avant les notions de doctrine nécessaire en donnant légitimité aux épisodes de loi martiale » complète-t-il.
L’ancien premier ministre prend pour exemple la signature de la Constitution de 1956 qui prévoyait des élections pour 1958. Quand la loi martiale est passée la même année, tout le processus a connu un coup d’arrêt brutal. Puis il se rappelle de son propre sort. « En 1999, quand notre gouvernement a été décapité et que la loi martiale a été imposée, un juge a dit qu’il s’agissait de la meilleure chose qui avait été faite. Le pouvoir judiciaire a dit à Musharraf qu’il lui donnait les pleins pouvoirs pour 3 ans et qu’il pouvait faire ce qu’il voulait avec la Constitution. « C’était une compétence que les juges et les cours n’avaient même pas. Comment auraient-ils pu alors étendre cette juridiction à quelqu’un d’autre ? » s’interroge l’ancien premier ministre.
En guise d’avertissement, Nawaz Sharif rappelle que plusieurs premiers ministres avaient été renvoyés avant la fin de leur mandature. « Les Pakistanais savent ce qu’il m’est arrivé, savent ce qu’il s’est passé au Baloutchistan et comment le ministre en chef de cette province a été évincé » évoque-t-il en référence à Nawab Sanaullah Zehri, le ministre du Baloutchistan renvoyé en janvier dernier.
Julien Lathus