Au bout d’une allée calme du quartier huppé de Chak Shahzad, dans la banlieue de la capitale pakistanaise trône une belle maison aux couleurs de terre. Une cour de type marocaine y est entourée de jardins. Image bucolique et paisible que vient troubler quelques 300 policiers, paramilitaires, soldats et snipers mis en place pour surveiller le propriétaire des lieux, l’ancien président-autocrate, Pervez Musharraf.
Celui qui fut de 1999 à 2008 l’homme fort du Pakistan suite à son coup d’état est aujourd’hui en résidence surveillée, coulant des jours étranges dans sa prison dorée entre l’écriture de ses mémoires et la dégustation de plats préparés par son chef personnel.
Après des années en exil entre Dubai et Londres, Pervez Musharraf était rentré au Pakistan en avril dernier dans le but de participer aux élections générales de mai et de sauver le Pakistan. Malgré les nombreux risques – les Talibans ont juré de l’éliminer et la justice souhaitait l’entendre dans plusieurs affaires – et des sondages le créditant de moins de 5 % des voix, il rentra au Pakistan, abandonnant une vie lucrative faite de conférence pour se relancer en politique. Dés son arrivé, sa candidature avait été jugé inapte par les plus hautes instances électorales du pays et des charges de meurtre ont été retenues contre lui pour la mort de Benazir Bhutto en 2007.
La maison de Chak Shahzad a été déclarée en avril comme une « prison de substitution » par une Cour et depuis, il y est assigné, en détention alors que les affaires contre lui s’accumulent. Son refuge devenu prison avait été commandé en 2006 alors qu’il était au plus fort de son pouvoir. Il souhaitait un endroit où il pourrait échapper aux menaces des extrémistes qui lui en voulaient à mort pour être devenu un allié de Washington dans le sillage du 11 septembre.
Au moment de son départ en exil en 2007, la maison était toujours en construction. « La maison était terminée à 95 % au moment de son départ, mais la première nuit qu’il y passa fut à son retour au Pakistan en avril dernier » explique Hammad Husain, l’architecte. Mr. Husain affirme qu’à l’intérieur de la villa, les murs racontent la carrière de Pervez Musharraf, ce qui inclut des photos du who’s who mondial, des épées, des pistolets et une relique sacrée de la Mecque offerte par le roi d’Arabie Saoudite.
Son personnel de maison raconte que l’ancien président, âgé de 70 ans fait chaque jour plus d’une heure de sport pour s’entretenir le corps, alors qu’il s’affûte l’esprit avec de la lecture et de l’écriture. « Il écrit actuellement un second livre. J’en ai vu le texte. Il écrit de manière soutenu mais il reste encore à faire » raconte son porte-parole officiel, Raza Bokhari. Ce nouveau volume suivra son premier livre, ses mémoires, « The Line of Fire », parus en 2006. Ce livre contera sa vie à partir de 2007, du pic de sa popularité à sa chute, son exil auto-imposé, la formation de son parti politique et son retour au Pakistan.
Dans sa demeure de 1100 m², il vit avec ses assistants, ses gardes du corps et son personnel avec un régime déterminé par la prison de Rawalpindi. Mais en dépit de ses mesures de sécurité, il craint toujours que ses ennemis s’en prennent à lui. « Sa nourriture n’est pas préparé en prison, mais par son propre cuisinier selon un accord avec les autorités pénitentiaires pour des questions sécuritaires. Il a tellement peur d’être empoisonné » explique une source de la prison. Pour le voir, sa famille et ses amis doivent demander une autorisation de la prison, ce qui peut prendre une semaine.
Sa famille lui a rendu visite à plusieurs reprises mais elle vit à l’étranger. Sa femme Sehba habite un luxueux appartement à Dubai, son fils Bilal bit aux USA et sa fille Ayla a du quitter Karachi en raison de menaces.
Entre temps, il conserve un œil attentif aux affaires qui le poursuivent, que lui et son entourage considèrent comme politiquement motivées, « fausses et fabriquées de toute pièce ». Depuis quelques mois enfle la rumeur d’un possible accord qui laisserait Musharraf rejoindre son exil pour éviter une confrontation entre le gouvernement et la puissante armée, qui affirme pourtant ne vouloir servir que les citoyens.
Son entourage admet que les affaires qui pèsent contre Musharraf pourraient prendre des années, mais il insiste pour dire que l’ancien général est au sommet de sa forme et prêt « à combattre bataille après bataille ». « Il est dans un bon esprit, il est fort bien qu’il soit un peu troublé par le système judiciaire pakistanais » explique un de ses aides.
Julien Lathus