Ce mercredi 11 septembre est synonyme de 65ème anniversaire de la mort de Mohammed Ali Jinnah, le père fondateur du Pakistan. Des décennies après, les citoyens de ce pays sont toujours à la recherche de sa vision pour le pays, ainsi que de certains de ses discours historiques manquants.
Durant la majeure partie de l’existence du pays, les Pakistanais ont été encouragés à penser que Jinnah avait crée le Pakistan au nom de l’Islam et que leur pays se devait d’être un état théocratique. Certains se sont opposés à cette vision et argumentant que le père fondateur souhaitait un état, certes pour la majorité musulmane du sous-continent indien, mais sous la forme d’un état séculier et progressiste.
Le débat entre ses 2 visions contradictoires et en compétition s’est intensifié ces dernières années alors que le pays s’enfonce dans la montée d’un extrémisme religieux et du militantisme taliban. Au cœur de cette recherche pour l’âme du Pakistan se place plusieurs discours de Jinnah, prononcés au moment de la partition du sous-continent, devenu indépendant.
Parmi les enregistrements au son craquant, contenu dans les archive des la radio d’état, Radio Pakistan, l’un d’eux manque : le fameux discours à l’Assemblée Constituante donné à Karachi le 11 août 1947, soit 3 jours avant la création du Pakistan. Pour les libéraux, il s’agit d’un discours crucial, où Jinnah évoquait dans les termes les plus clairs son rêve de voir la création d’un pays tolérant et séculier.
« Vous êtes libres. Libres de vous rendre dans un temple, libres d’aller à la mosquée ou dans tous autres endroits de dévotion dans cet état pakistanais. Vous pouvez appartenir à n’importe quelle religion, caste ou croyance, cela n’a rien à faire avec les affaires de l’état » déclarait-t-il.
Ce document montre de toute évidence que les mots de Jinnah n’allait pas dans le sens des idéologues religieux, ambitieux et puissants qui l’entouraient en ce temps, et qui ont tout fait pour que ce discours n’apparaisse pas à la une des journaux du lendemain. De plus, les successifs gouvernements militaires qui se sont se suivis dans l’histoire du pays ont fait leur possible pour cacher et même détruire cette pierre angulaire de l’idéologie du Pakistan des archives officielles.
Dés lors, on peut se demander quel intérêt les différents leaders du Pakistan avaient-t-ils à vouloir faire disparaître ce texte. Beaucoup pensent que cela répondait avec une curieuse doctrine anti-Indienne et anti-Hindoue où l’idéologie islamique pourrait alors sauver l’état et sa base de pouvoir. C’est à ce moment que le Pakistan s’est embarqué dans un processus d’islamisation et d’introduction de lois contre les minorités dans les années 1970 et 1980, alors que le discours de Jinnah tombait aux oubliettes du temps, et même pire. Le père fondateur a été refaçonné en tant que leader islamique, loin de l’image d’ homme occidentalisé qu’il a été dans sa vraie vie.
A la recherche de l’enregistrement audio.
Alors que les idéaux de Jinnah furent mis à mal par les conducteurs d’une ligne dure, certains se sont lancés à la quête du fameux enregistrement du 11 août 1947. Disparu, détruit, plus aucune trace de lui au Pakistan. « C’est un acte criminel, une destruction délibérée de notre histoire » enrageait Murtaza Solangi, ancien directeur-général de Radio Pakistan, tout en n’étant pas sûr que quelqu’un au Pakistan détienne une copie de l’enregistrement.
Dans sa recherche, Solangi a contacté la BBC à Londres. Ces derniers lui ont avoué qu’ils ne possédaient aucun enregistrement labellisé « les cassettes de Jinnah ». Il se mit alors en lien avec All India Radio, à Delhi. Et là, des responsables indiens lui ont dit qu’ils détenaient le fameux discours. Mais il aura fallut 2 années de procédure légale pour que les autorités indiennes décident de mettre ces enregistrements dans le domaine public.
La semaine dernière, All India Radio a annoncé la transmission de 2 enregistrements de 1947 à Radio Pakistan. Mais l’excitation de Solangi est retombé lorsqu’il a découvert que le discours manquant ne faisait pas parti de ce lot. En fait, il s’agit juste de discours dont le son est de meilleure qualité que ceux que possèdent Radio Pakistan. Imbroglio du côté indien, qui ne sait pas si il l’a ou pas. Néanmoins, il reste le texte. Un texte d’une importance historique pour le Pakistan, qui montre aux plus zélés l’âme que le père de la nation voulait pour son pays. « Il ne s’agit pas de faire pression sur eux » explique Solangi, « juste de rectifier une histoire distordue et de laisser au peuple pakistanais ce qu’il veut faire de son pays ».
Julien Lathus.