Au lendemain de la mort de 5 soldats indiens à la frontière indo-pakistanaise dans le Cachemire, les regards se portent vers les responsabilités de chacun et vers les attitudes gouvernementales. Au-delà, les interrogations sur le processus de paix resurgissent alors que l’opposition indienne stigmatise le gouvernement pour son manque de réaction et qu’une partie de la presse s’affiche ouvertement pour une action directe face aux provocations.
C’est un épisode de plus sur la longue route de la normalisation des liens entre l’Inde et le Pakistan, ou plutôt un obstacle de plus. Mardi, l’Inde a déclaré qu’un groupe de militants avait tué 5 soldats indiens au cours d’une embuscade le long de la frontière qui délimite les 2 pays dans la région controversée du Cachemire. Si le Pakistan rejette en bloc toute implication en affirmant qu’aucun coups de feu n’avait été tiré, cette accusation remet en cause les derniers efforts pour remettre sur rails les négociations de paix entre les 2 frères ennemis.
Le gouvernement indien en équilibriste face aux critiques.
Quitte à passer sous le feu de l’opposition nationaliste, le gouvernement indien s’est efforcé de calmer le jeu pour ne pas mettre en péril une reprise des négociations de paix avec le Pakistan. « Nous ne voulons pas créer une situation qui soit nuisible et destructrice pour la sécurité et la paix de l’Inde » a déclaré le ministre indien des affaires étrangères, Salmna Khurshid. Une position qui n’a pas échappé à l’opposition pour qui le « laxisme du gouvernement est intolérable ».
Selon les sources militaires indiennes, l’incident s’est produit aux premières heures de la journée de mardi et à 450 mètres à l’intérieur du territoire indien dans la zone de Poonch au Cachemire. Un scénario précisé par le ministre indien de la défense. « L’embuscade a été conduite par une vingtaine de terroristes lourdement armés accompagnée par des personnes portant l’uniforme de l’armée pakistanaise » explique AK Antony devant le Parlement indien. Plus tôt, ce dernier avait directement accusé l’armée pakistanaise d’avoir lancé cette attaque avec l’aide de militants, avant de se rétracter en raison de l’escalade que cette accusation aurait pu mener entre l’Inde et le Pakistan.
Ses mots n’ont pas calmé l’Assemblée, où l’opposition du parti hindouiste du BJP demande une réponse musclée. « Ces incidents ne sont pas isolés. Nous avons eu des soldats décapités, nous avons Sarabjit (prisonnier indien tués dans une prison pakistanaise) et toute une série d’accrochages sur la frontière. L’Inde doit moduler sa politique étrangère avec le Pakistan. Il est temps de donner une réponse musclée » déclare le député de l’opposition du BJP, Arun Jaitley.
Le parti cherche à ce que l’Inde adopte une position plus dure envers le Pakistan. « Nous avons été très tendre avec le Pakistan. Ils deviennent agressifs et notre gouvernement reste silencieux. Nous devrions cesser immédiatement tous pourparlers avec le Pakistan. Les relations de voisinage ne peuvent se maintenir que d’un côté » reprend l’opposition.
Les réactions de la presse indienne, entre bellicisme et dépit.
Ces derniers événements font couler des flots d’encre dans la presse indienne où toute une série d’éditorialistes et de journalistes commentent avec zèle ce qu’ils considèrent presque comme un acte de guerre. « Une acte hostile » titre The Deccan Herald pour qui ses incidents marquent un franc retour en arrière dans la reprise des pourparlers entre l’Inde et le Pakistan et qui « montrent à nouveau les doutes face à la sincérité et à l’habilité du Pakistan à poursuivre le processus de paix ».
Si le site ZeeNews cherche à faire pleurer les chaumières en égrainant les noms des « 5 braves soldats » tout en planifiant une croisade journalistique à l’attention de l’opinion publique comme des politiques en titrant « La Nation est outragée. Trop c’est trop, l’Inde devrait riposter », le Times of India lance un grand dossier sur la question. Sans trop de preuves et à chaud, le journal parle d’une attaques menée conjointement par les troupes frontalières pakistanaises, épaulées par des « éléments djihadistes ». « Le Pakistan teste la patience de l’Inde » reprend le journal dans un article qui ne laisse aucune chance au processus de paix qu’il décrit alors « comme irrémédiablement recouvert d’une ombre foncée et qui sera alors marqué pour toujours par cette tuerie ».
A l’attention de ces lecteurs, le Times of India a ouvert une page de commentaires sur une simple question, révélatrice et presque à sens unique : « Est-ce que l’Inde devrait mettre un terme aux pourparlers de paix avec le Pakistan ? ». Avec une telle rhétorique et des positions conservatrices renommées ; sur près de 150 commentaires, 81 % se positionnent pour un arrêt des négociations. Les messages des internautes rappellent le plus souvent que « la paix n’est pas possible avec les terroristes du Pakistan ». Le gouvernement du Congrès au pouvoir en Inde est également la cible de critiques pour son « inaction » et son « incompréhension ». Quelques-uns n’y vont pas par 4 chemins comme P.B., un Indien de Doha qui affirme que « nous devrions laisser carte blanche à notre armée. Ce n’est pas le temps pour parler mais pour combattre ».
Aux antipodes, le quotidien The Hindu regrette que « ces attaques interviennent au moment où les espoirs de reprise du dialogue scintillaient alors qu’un nouveau gouvernement venait de prendre le pouvoir au Pakistan ».
De son côté, Islamabad rappelle « qu’il est important que les 2 parties fassent de sérieux efforts pour maintenir un atmosphère positif en évitant une propagande négative ». Une parole qui fait sens, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, il n’est pas vraiment possible de démêler la vérité sur ces incidents, si ce n’est la mort de 5 soldats indiens dans une zone particulièrement sensible qui viennent désormais hanter le processus de paix calamiteux.
Julien Lathus