Alors qu’Edward Snowden brouille les pistes entre Moscou et une probable destination en Amérique du Sud ou dans les Caraïbes, le scandale de la révélation des écoutes sur les téléphones portables par les services de renseignements américains comme les interceptions d’emails ou de messages sur les réseaux sociaux n’en fini plus de gonfler. L’affaire révèle que les USA ne sont pas les seuls à faire usage intempestif de l’espionnage numérique chez ses propres citoyens.
Selon plusieurs sources, l’Inde aurait lancé un vaste programme de surveillance qui permet aux agences de sécurité et même aux fonctionnaires du trésor public de pouvoir regarder directement les emails et d’écouter les conversations téléphoniques des citoyens indiens, sans même passer par une injonction judiciaire ou parlementaire.
Cette surveillance accrue qui semble prédominer dans la plus grande démocratie du monde, au nom de la sécurité nationale, a alarmé de nombreux avocats au moment où les accusations massives d’un tel programme aux USA ont émergé sous les révélations d’un jeune ancien employé de la NSA.
« Si l’Inde ne veut pas passer pour un régime autoritaire, elle a besoin de prouver sa transparence pour savoir qui peut avoir accès à ce type de données, sur quelles données récoltées, sur la manière dont elles sont utilisées et sur la manière dont le droit à la vie privée doit être protéger » explique Cynthia Wong, chargée de recherche à New York pour Human Right Watch.
Annoncé en 2011, le Système de Surveillance Centrale (CMS) n’a pas fait l’objet d’un débat public et le gouvernement n’a pas tellement communiqué sur le sujet, sur la manière dont il allait fonctionner ou comment s’assurer qu’il n’entraînerait pas d’abus. Mis en place en avril de cette même année, état par état, il acquière la possibilité de pouvoir cibler plus de 900 millions de consommateurs téléphonique et près de 120 millions d’internautes. Malgré ces chiffres, aucune information ne filtre de la part du ministre de l’intérieur ou du ministère des télécommunications. Pour des responsables indiens, une trop forte communication sur le projet aurait limiter son efficacité en tant qu’outil clandestin de renseignements.
« La sécurité d’un pays est une chose très importante. Tous les pays ont des programmes de surveillance » souligne un ancien responsable du département des télécommunications qui défend l’idée d’un système de surveillance à grande échelle comme le CMS. « Vous pouvez ainsi voir des terroristes se faire attraper et leurs crimes s’arrêter. Vous avez besoin de surveillance. C’est pour vous protéger vous et votre pays » dit-t-il en souhaitant garder l’anonymat en rasion de son implication dans le projet.
Ce système permet au gouvernement d’écouter et d’enregistrer des conversations téléphoniques, de lire des email et des SMS ainsi que d’observer les messages postés sur Facebook, Twitter, Linkedin, mais également de pister les recherches effectuées sur Google. En 2012, l’Inde aurait envoyer 4750 requêtes auprès de Google pour pister des utilisateurs. L’Inde se place alors à la seconde place derrière les USA pour ce type de demandes.
Maintenant, les agences de sécurité et de renseignements n’auront plus besoin de passer par une autorisation judiciaire pour s’adonner à la surveillance sur internet ou sur téléphone. Le gouvernement passera alors directement par les compagnies privées de télécommunication. Elles autoriseront le gouvernement à enregistrer des communications sans même qu’elles ne soient au courant.
L’ancien employé du ministère des télécommunications rejette les idées qui indiquent que ce système pourrait mener à des abus. « Le ministère de l’intérieur a une certaine intelligence pour approuver les enregistrements ou les traques de conversations. Il ne fera pas cela au hasard. De toute façon, si le gouvernement lit vos emails ou enregistre vos conversations, il le fera pour une bonne raison. Ce n’est pas pour violer votre intimité, c’est pour vous protéger vous et votre pays » rappelle-t-il. Pourtant, dans le passé, le gouvernement indien avait arrêté des personnes pour des messages critiques via des réseaux sociaux, bien qu’il n’y ait eu par la suite de poursuites.
En 2010, le magazine Outlook avait accusé des responsables des services de renseignements d’enregistrement de conversations de plusieurs politiciens dont certains ministres du gouvernement. Ces accusations n’avaient pas pu être prouvées mais elles avaient déclenché un véritable tumulte politique. Milind Deora, le jeune ministre de la communication et de l’information technologique a déclaré que le nouveau système de collecte de données allait améliorer la vie privée des citoyens dans le sens où les compagnies de télécommunication ne seront plus impliquées dans le processus de surveillance qui sera désormais l’apanage exclusif de l’état. « Les compagnies de téléphonie mobile ne sauront pas quelles conversations seront interceptées expliquait-t-il le mois dernier.
Julien Lathus