Depuis 2011, le village de Idinthakarai, sur la côte sud du Tamil Nadu est devenu l’épicentre d’une contestation non-violente face au projet de la centrale nucléaire de Koodankulam. Depuis plus de 650 jours, les villageois, épaulés par des manifestants et des activistes de toute l’Inde se sont lancés dans des sit-in au bord de la mer, bougies à la main. Mais aussi par des manifestations dans les rues et dans l’eau, le corps à moitié immergé durant des jours. Durant cette période, ils ont fait l’objet de violences, à de nombreuses reprises, de la part de la police qui souhaite mettre un terme à ces manifestations. En septembre dernier, un pêcheur avait été tué par balle par les forces de sécurité.
Selon des informations, plus de 27 000 personnes ont été mentionnées dans les rapports de la police du Tamil Nadu pour leur rôle dans les manifestations. En septembre dernier, le ministre de l’intérieur, Sushil Kumar Shinde déclarait que les protestations étaient nourries par des ONG recevant des fonds étrangers, mais en mars dernier, devant le Parlement Indien, le ministre Narayanasamy affirmait qu’aucune preuve de tels financements n’avaient été trouvée.
Le projet de centrale nucléaire de Koodankulam (KKNPP) a une histoire aussi longue que troublée. Les bases du projet remonte à 1979 quand l’Union Soviétique passa un accord avec le gouvernement indien. Il s’est matérialisé avec la signature du contrat en 1988 entre Rajiv Gandhi et Mikhail Gorbachev. Après les rencontres interministérielles, il s’agissait alors de 2 réacteurs nucléaires. Sapé par les critiques internationales, le projet n’avança plus jusqu’en 1997, date à laquelle les 2 gouvernements signèrent un aménagement à l’accord précédent. La construction du réacteur commença en 2001.
L’organisation locale du Mouvement Populaire Contre l’Énergie Nucléaire (PMANE) se forma en 2001 en faisant entendre ses objections au projet et à son impact sur la région. Face aux peurs, l’Union Nationale des Pêcheurs avait déjà appelé à une marche en 1989 à laquelle s’était joint des milliers de participants, enragés par l’idée de la KKNPP de puiser de l’eau dans les réservoirs des villageois. Les communautés de pêcheurs craignaient que le projet de centrale ne change à jamais leur côte. Le riche et fragile écosystème du Golfe de Mannar pourrait subir les graves conséquences des rejets d’eau chaude. En fait, la centrale menace l’ensemble de la vie marine comme celle des pêcheurs implantés sur cette côte.
De plus, les manifestants ont commencé à s’interroger sur des questions soulevées par la KKNPP comme les achats douteux de terrains ou les promesses d’emplois pour les locaux. Rien de ce qui avait été annoncé dans ce sens n’a été honoré.
Au début du projet, personne ne soupçonnait les méfaits de cette centrale qui apparaissait presque comme une opportunité pour résoudre les problèmes énergétiques récurrents du pays. Mais depuis 2011 et la catastrophe de Fukushima au Japon, un vent de panique s’est mis à souffler sur le sud de la côte du Tamil Nadu. Les souvenirs du tsunami de 2004 se sont réveillés et les villageois se sont inquiétés des conséquences de la présence d’une centrale nucléaire, au bord de l’eau dans leur région. Le manque de réponses claires de la part du gouvernement local n’a pas atténué leurs peurs.
En septembre 2012, les tensions sont montées d’un cran alors que 8000 manifestants pacifiques ont été réprimés par les forces de police à coup de matraques et de gaz lacrymogènes sur la plage. En fin d’année, une cour avait désapprouvé le statut légal des actions des locaux, « pouvant déboucher sur des résultats désastreux ». En mai 2013, une autre cour rejette les demandes des villageois pour approuver celles des apprentis-sorciers du nucléaire.
Julien Lathus