L’ampleur de l’assaut de samedi par des combattants du mouvement maoïste des Naxalites signe-t-il le retour de l’insurrection après des mois de calme ? En tout cas, avec ses 27 morts, c’est l’action la plus spectaculaire depuis des années.
Samedi, des centaines de guérilleros maoïstes ont attaqué le convoi transportant des leaders politiques du parti du Congrès dans l’état de Chhattisgarh (est de l’Inde). Il s’agit de l’une des plus audacieuses actions entreprises par la rébellion communiste depuis des années. On dénombre au moins 27 morts, dont 3 cadres du parti au pouvoir en Inde.
Les assaillants ont bloqué la route avec des troncs d’arbres, forçant le convoi à faire une halte. Une fois arrêté, une mine a soufflé l’un des véhicules et les guérilleros ont ouvert le feu sur ceux restants. Des responsables estiment que 200 à 300 combattants sont impliqués dans l’attaque.
Le premier ministre Manmohan Singh a condamné l’attaque qu’il a qualifié « d’acte lâche et anti-démocratique ». Sonia Gandhi, présidente du parti du Congrès précise que cette meurtrière embuscade était « une attaque contre les valeurs démocratiques ». « Nous sommes sous le choc, étourdis et attristés par l’attaque contre nos collègues du Chhattisgarh » reprend-t-elle. Son fils et également vice président du parti, Rahul Gandhi s’est rendu dimanche sur les lieux de l’attaque.
Nand Kumar Patel, président de la branche du Congrès pour le Chhattisgarh, son fils récemment marié et Mahendra Karma, responsable politique du parti ont tous été tués dans l’attaque indique un policier. « Les victimes ont été transportées à Jagalpur puisque l’attaque s’est déroulée dans un secteur à la végétation particulièrement dense, entre deux vallées, autour de 17h » rajoute-t-il sur les détails de l’opération. Les Maoïstes ont ensuite pris les armes des policiers morts et se sont évanouis dans la forêt.
L’attaque semble avoir été bien préparée au vue des 27 morts alors que le convoi bénéficiait d’une protection renforcée pour traverser ce territoire historique du mouvement Naxalite. Les cadres politiques étaient accompagnés de gardes du corps dont beaucoup sont morts dans l’attaque. Mahendra Karma bénéficiait même d’un véhicule blindé mais il n’était pas à l’intérieur au moment de l’assaut. De plus, Nand Kumar Patel était entouré d’une importante escorte policière.
Mahendra Kumar était depuis longtemps dans le viseur des Maoïstes en raison de son association avec la Salwa Judum, une milice locale qu’il a fondé pour combattre les militants communistes et qui est accusée d’atrocités envers les populations tribales qui habitent dans la région. Les membres de ces tribus sont parmi les plus marginalisés de la société indienne et constituent le noyau dur de insurrection maoïste en Inde qui s’étend dans la grande partie de l’Est indien.
L’attaque de samedi se distingue par son envergure et son impact. Si en 2009 et en 2010, le nombre d’actions et de morts attribués à leur compte était en hausse, il s’est écroulé ces deux dernières années, depuis que le gouvernement central tente de couper le soutien à la guérilla en augmentant son aide par des programmes alimentaires et des opportunités d’emplois. Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement indien commentait même sur le déclin des attaques liées à insurrection maoïste.
Ce lundi, on entend parler de l’implication possible d’un grand chef du mouvement Naxalite selon des sources proches des services de renseignements mais pour le moment, rien de sûr, ni aucune revendication. Depuis la fin des années 1960, le mouvement Naxalite, né de la fusion de plusieurs groupes révolutionnaires communistes cherche à mettre en place un « gouvernement révolutionnaire » en Inde sur le modèle de la Chine de Mao, y compris par la force. L’insurrection a trouvé le soutien chez les exclus et les marginaux de la société indienne : les paysans sans terre, les castes inférieures et les populations tribales.
« L’Inde Rouge » où la rébellion est implantée s’étend du nord du Bengale-Occidental au Kerala sur plus d’un quart de la surface du pays. L’état de Chhattisgarh est au centre de cette Inde et le gouvernement fait de cette insurrection son principal souci de sécurité intérieure. Près de 30 000 combattants trouveraient refuge dans les forêts et les ravines de cette région.
Julien Lathus