La date fatidique se rapproche. Samedi, les Pakistanais ont rendez-vous avec l’histoire de la démocratie de leur pays. Plus de 80 millions de citoyens pourront alors prendre le chemin des urnes. Parmi eux, 40 millions de jeunes qui voteront pour la première fois. En attendant, la campagne électorale suit son chemin malgré les violences, les attentats et les rebondissements en tout genre. La semaine dernière, l’ancien autocrate Pervez Musharraf a été banni de toutes élections au Pakistan à vie. Avec l’assassinat, non revendiqué à l’heure actuelle, d’un procureur qui enquêtait sur l’affaire Benazir Bhutto, son retour risque de lui coûter plus cher que ce qu’il escomptait.
Pour ce huitième épisode de la saga électorale pakistanaise, intéressons nous au phénomène Imran Khan. Chef du parti Pakistan Tehreek-e-Insaf (Mouvement pour la Justice – PTI), Imran Khan, l’ancienne star du cricket reconvertie en politique est à la tête de la troisième force politique du pays. En pleine ascension et concurrençant le bipartisme traditionnel pakistanais représenté par le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) du clan Bhutto et la Ligue Musulmane (PML-N) des frères Sahrif, il pourrait créer la surprise dans un pays miné par les attentats et la pauvreté. Après avoir boycotté les élections de 2008, il est parti en guerre contre les dynasties politiques, la corruption et l’influence américaine au Pakistan, tout en usant du populisme. Une recette qui fait mouche au regard de sa popularité chez les jeunes et sur la toile.
Imran Khan est une icône nationale. De plus en plus populaire, il est devenu la coqueluche des médias pakistanais et internationaux. Sa campagne électorale est l’une des plus couvertes : ses meetings passent en direct, intégralement et en boucle, sur les chaînes de télévision pakistanaise. Tout le monde s’arrache cet ancien jet-setteur qui compte Mick Jagger parmi ses amis. L’ancien capitaine de la dernière sélection nationale de cricket à avoir remporté le championnat mondial, en 1992, est devenu un phénomène. Mais s’il fait salle comble à chaque meeting, Imran Khan le doit plus à sa carrière de sportif qu’à son programme politique, bien qu’Imran Khan soit diplômé du Keble College d’Oxford en philosophie politique et économique.
Cette image de légende du cricket et de playboy mondain qui lui colle à la peau l’handicape dans un pays aux mœurs conservateurs. Imran Khan cherche à s’en débarrasser à tout prix en s’affichant en homme séduisant, bien rasé mais aussi en Musulman pieux et pratiquant qui fait ses 5 prières quotidiennes. Son discours anti-drones américains et sa nouvelle manière de concevoir la politique séduit la classe moyenne émergente et les jeunes en quête d’espoir.
Néanmoins, Imran Khan, en homme providentiel du pays, se pare également de controverses. Si les questions sur son entourage reste en suspend, on parle souvent de liens avec l’armée et les services secrets pakistanais qui demeurent bien souvent le véritable pouvoir au Pakistan. Face aux Talibans et aux extrémistes, Imran Khan se distingue par des positions singulières.
L’hiver dernier, le candidat aux législatives du 11 mai s’est illustré pour la première fois en organisant une immense manifestation contre les drones américains. Une caravane de plusieurs milliers de voitures vers le Waziristan, ces zones tribales frontalières avec l’Afghanistan régulièrement bombardées par la CIA. Son credo : même si les hommes qui sont tués par les Américains sont des Talibans, ils ne doivent pas être assassinés arbitrairement, en dehors de toute procédure légale. Imran Khan est le premier homme politique pakistanais à tenir un tel discours sur l’usage des drones, ces avions sans pilote.
Le PTI soutient la fin de la guerre contre les groupes terroristes en échange d’un accord de paix. Pour Imran Khan, cette guerre est le résultat de la pression internationale et elle a conduit à l’aggravation de la situation au Pakistan qui est régulièrement la cible de insurrection islamiste. Cette dynamique est également pour lui une source de l’accroissement de l’extrémisme dans le pays. Il cherche donc à changer de stratégie et propose que le Pakistan mène la lutte contre le terrorisme selon son propre calendrier et dans le respect de la souveraineté du pays. Une idée qui connaît un véritable enthousiasme à travers le pays alors que cette guerre a ruiné le Pakistan.
Les plus récents sondages, issus de l’institut pakistanais Iris Communications montrent cette percée qui place Imran Khan dans les sommets. Désormais, le PTI joue des coudes avec le PML-N de Nawaz Sharif. Les deux partis sont crédités de 38 % d’intentions de vote, distançant le PPP qui peine à atteindre les 10 %. Quant au choix du premier ministre, les chiffres jouent en faveur d’Imran Khan puisque 36 % des sondés souhaiteraient le voir accéder au plus haut poste de la direction du pays. Nawaz Sharif reste en embuscade avec ses 33 %. Sur le plan des idées politiques, le PTI obtient un taux de satisfaction complète de 31 % et de 32 % de sympathie. Le PML-N se place respectivement à 35 % et 29 %. On le voit, la lutte entre les 2 partis s’annoncent serrée bien que Nawaz Sharif fait figure de favori ailleurs.
Julien Lathus