Ce mercredi, le Conseil Britannique au Pakistan a publié une vaste analyse nommée « La prochaine génération s’en va aux urnes ». Cette recherche se focalise sur la participation (ou l’abstention) des jeunes Pakistanais aux prochaines élections qui se tiendront le 11 mai prochain. Alors que le Pakistan est à l’aube de grands changements, une chose est sûre : les voix de la jeune génération ne peuvent plus être écartées. Avec près de 63% de la population pakistanaise sous la barre des 25 ans, cette force démographique compte faire entendre sa voix et les politiques devront s’adapter. Un premier rapport avait été édité en 2009. Avec celui publié ce 3 mars 2013, c’est l’occasion de mettre en parallèle les résultats pour déterminer la vision du pays chez les jeunes pakistanais. Cette analyse se base sur les opinions de 5271 sondés dans les 7 provinces du Pakistan.
Pour les prochaines élections, les jeunes pakistanais donneront le ton.
En dépit du fait qu’une large majorité des jeunes pakistanais ont perdu l’espoir dans le processus démocratique, 25 millions d’entre eux vont voter pour la première fois. Ils sont près de 60% à affirmer vouloir voter alors que 25% ne pensent pas se rendre aux urnes. La majorité voteront pour assurer leur droit de vote, sans penser que cela changera quelque chose pour eux ou pour le pays.
Intention de se rendre aux urnes
Lorsqu’en 2009, le rapport « La prochaine génération » avait été édité, un fort pourcentage de jeunes laissaient paraître un pessimisme ambiant important face à l’avenir de leur pays. A un point tel que cette génération avait été surnommée la génération P. P pour pessimiste. Le nouveau rapport montre un désenchantement encore plus important . Si 50% des sondés en 2007 pensaient que le Pakistan allait dans la mauvaise direction, ils sont aujourd’hui 94% à penser cela. Ce pessimisme est aujourd’hui le ciment de toute une génération de jeunes pakistanais et cet état d’esprit transcende plusieurs aspects sociologique puisqu’on le retrouve tant chez les ruraux que chez les urbains et chez les femmes comme chez les hommes.
Où va le pays?
En 5 ans, les préoccupations des jeunes ont également changé. Si en 2007 la plus grande source d’anxiété résidait dans un mélange de justice et d’emplois sur fond d’insécurité, en 2013, la plus grande crainte des jeunes est de voir la hausse des prix qui sclérosent la consommation et ne permet plus à ces jeunes et leurs familles de s’assurer un quotidien convenable. L’emploi reste également un important facteur d’inquiétude puisque seulement 10% des jeunes pensent que le Pakistan peut leur fournir suffisamment d’emploi. Parmi les jeunes, 10% affirment avoir un emploi stable à plein temps.
Les plus grands problèmes du Pakistan
Cette crise économique touche donc les jeunes et leurs familles en plus des larges problèmes que le Pakistan connaît sur le plan structurel. Interrogés sur l’accès de leur famille aux ressources et aux services depuis les dernières élections, la situation semble s’être empirée dans tous ces domaines. Elle traduit un net recul des services primaires fournit par l’état ce qui engendre un sentiment de paupérisation croissant et une forte dégradation des conditions de vie.
Accès aux ressources et services
Face aux manquements croissants de l’état, les jeunes pakistanais semblent avoir perdu la foi envers les aspects démocratiques de leur pays. Les frustrations et le pessimisme semblent les pousser droit vers un état d’esprit conservateur et marqué par la religion. Si les ruraux tendent plus que les urbains vers le conservatisme, ces derniers semblent se rapprocher de plus en plus de leurs voisins des campagnes sur ce plan. Les femmes sont également fortement marquée par cette tendance car 86 % d’entre elles se qualifient de femmes au foyer.
Conservatisme
Cette tendance conservatrice se traduit dans les idées du système politique du Pakistan. Selon ce rapport, la jeunesse pakistanaise ne compte que 29% de ses représentants croyant en un système démocratique pouvant leur assurer la croissance économique et l’accès aux services de base comme l’eau, l’électricité ou l’éducation. Ce chiffre est moindre que ceux se prononçant pour un système politique avec l’armée à sa tête. Ceux qui pensent qu’un régime militaire est mieux pour eux le font au nom d’une meilleure sécurité intérieure et extérieure, pouvant assurer avec plus de compétences la défense du pays face à ses ennemis. Mais les sondages montrent que 38% des jeunes croient qu’un état islamique basé sur la charia permettrait la conservation des valeurs morales et religieuses du pays. Si ils favorisent ce système politique, c’est en grande partie pour une meilleure équité sociale.
Quel système politique pour le Pakistan?
Face aux institutions politiques, la jeune génération pakistanaise émet un avis particulièrement défavorable qui décroit au fur et à mesure que les institutions descendent au plus près d’eux. Face à ces résultats, les aspects démocratiques ne semblent plus l’emporter puisqu’ils ne sont que 11% a penser que les partis politiques ont un rôle positif. Pour leur modèle de société, la politique traditionnelle est supplantée par d’importants contre-pouvoirs, au premier rang desquels les institutions religieuses (74% d’opinions favorables), les médias (63% favorables), mais surtout l’armée qui engendre 77 % d’opinions positives.
Opinions sur les pouvoirs et les contre-pouvoirs.
Cette enquête montre les enjeux des futurs élections qui se dérouleront en mai au Pakistan, mais à plus long terme, c’est également une vision sur un modèle de société. La démocratie ne s’est pas encore installé comme véritable pouvoir politique au Pakistan et les jeunes l’ont bien compris. Face aux nombreux manquements et aux balbutiements démocratiques, la question de la démocratisation reste pleine pour le futur du pays. Les jeunes veulent pourtant croire en la démocratie mais ils pointent du doigt l’attitude des politiques. Pour de nombre d’entre eux, la pire forme de démocratie est toujours meilleure que la dictature mais la démocratie ne doit pas être que des élections. Elle doit se transformer et s’infiltrer dans tous les plans de la société.
Julien Lathus