Après une longue phase de méfiance, New Delhi et Dhaka relancent leur relation. L’Inde poursuit sa politique diplomatique basée sur l’économie et cherche à contrer l’influence chinoise dans la région. Les accords que l’Inde et le Bangladesh ont conclu ces derniers jours suivent cette ligne directrice.
Alors qu’à l’ouest, la relation de l’Inde avec le Pakistan bat de l’aile depuis le début de l’année, New Delhi organise un virage diplomatique à 180° pour son voisin de l’est, le Bangladesh. La liaison se charge des espoirs d’une plus forte coopération entre les 2 pays et le ton est à la bonhomie.
La récente conclusion (30 janvier) d’un nouveau traité sur le régime des visas et sur les procédures d’extradition a été signée entre le ministre indien de l’intérieur, Sushil Kumar Shinde et son homologue bangladais, Mohiuddin Khan Alamgir. Ces accords marquent une avancée majeure dans leur relation. Depuis longtemps l’Inde réclamait un traité d’extradition avec le Bangladesh qui n’arrivait pas en raison de la relation délicate que New Delhi entretenait avec le précédent gouvernement. Depuis 2009 et le début du mandat de Sheik Hasina, le climat est à la détente et propice à certaines avancées diplomatiques et politiques.
Avec ce traité, New Delhi se retrouve armé d’un puissant outil judiciaire pour mettre fin au climat insurrectionnel dans le nord-est du pays où des groupes séparatistes ou rebelles agissent souvent depuis le Bangladesh ou les pays voisins. Les autorités indiennes pensent que les chefs du Front Uni de Libération d’Assam (ULFA) et d’autres groupes clandestins se cachent au Bangladesh. Le nouveau traité leur permettra de pouvoir les extrader plus facilement. Le Bangladesh y trouve également son compte pour renforcer la traque des 2 meurtriers, reconnus coupables de l’assassinat du président Sheikh Mujibur Rahman qui seraient actuellement en Inde.
Autrement, le nouvel accord de libéralisation du régime des visas sonne comme une bénédiction pour le Bangladesh. Il introduit la formule de visa touristique à entrées multiples et celui de visa médical avec une validité d’1 an. Les businessmen ne sont pas en reste puisqu’ils bénéficieront de visas d’une durée de 5 ans. Des concessions seront accordées aux séniors et aux enfants. Ces changements marquent un revirement important par rapport à la procédure contraignante qui avait cour.
Alors que les 2 pays profitent largement des avantages de la nouvelle formule, la question de l’immigration illégale reste le point sur lequel l’Inde et le Bangladesh buttent. Avec une frontière poreuse de plus de 4000 km de long, de nombreux Bangladais issus des classes les plus pauvres franchissent dans l’illégalité la frontière pour travailler en Inde. Le nouveau régime des visas aborde cette question dans un certain sens. Pour certains analystes, cette problématique ne peut pas être traitée dans son ensemble sans que New Delhi n’émette des permis de travail pour les migrants bangladais.
Depuis le début du mandat de Sheikh Hasina, la relation entre les 2 pays s’améliore en raison des efforts de la première ministre pour renverser le sentiment anti-indien qui prévalait au Bangladesh. Par le biais d’une plus forte coopération, l’activité économique entre les 2 pays a enregistré une hausse et en 2011, New Delhi a annoncé vouloir investir à hauteur d’1 milliard de $ dans les infrastructures du Bangladesh.
Si ces nouveaux accords et les liens commerciaux sont de bons indicateurs de la santé de la relation entre l’Inde et le Bangladesh, il existe un bon nombre de dossiers qui restent inachevés. Parmi eux, le partage des fleuves. A nouveau, l’Inde a évité de ratifier le traité des eaux de la Teesta, qui permettrait au Bangladesh un accès au fleuve Teesta qui vient d’Inde. De son côté, l’Inde attend du Bangladesh du permis de transit pour accéder aux territoires indiens du nord-est, enclavés dans le Bangladesh.
Selon les analystes, l’Inde, en tant que plus gros pays d’Asie du sud, est devenue enclin à une politique d’engagement avec ses voisins pour neutraliser l’influence chinoise qui ne cesse de prendre de l’importance. Dans ce sens, New Delhi doit accroitre son aide au développement économique du Bangladesh et lui permettre de profiter de son propre essor économique.
Si l’Inde accorde encore plus de concession envers le Bangladesh, le bénéfice pourrait également revenir à la première ministre Sheikh Hasina et cette popularité pourrait contrer les critiques des groupes d’opposition. Les politologues pensent que les nouveaux accords signés avec l’Inde sont destinés à donner au parti de la Ligue Awami un plus fort pouvoir politique avant les élections de 2014.
Ces nouveaux accords restent dans la ligne de la nouvelle vision de politique extérieure de l’Inde qui se base sur une coopération économique croissante avec ses voisins. Il a toujours été délicat pour l’Inde de maintenir de bonnes relations de voisinage. Avec le Pakistan, si on peut noter une certaine impulsion économique, les progrès politiques sont faibles. En contraste, l’essor des relations de l’Inde avec le Bangladesh donne du dynamisme à la Politique de l’Est et pourrait être le départ de bonnes avancées diplomatiques.
Sources :
Asia Times (Hong-Kong) en VO.
The Diplomat (Japon) en VO.
Julien Lathus