Le Sri Lanka a été le théâtre d’une guerre civile de 25 ans qui s’est achevée en 2009 quand les forces gouvernementales ont défait le mouvement rebelles des Tigres Tamoules (LTTE) dans le nord de l’île. Bien que le gouvernement contrôle maintenant le pays, les causes profondes du conflit ne sont toujours pas réglées. Le pays a un réel besoin de trouver une solution nationale qui doit être soutenue par la société civile. Au premier rang des problématiques que le Sri Lanka doit étudier apparaît la notion de réconciliation nationale.
Différentes conceptions du terme « réconciliation » ont émergé dans le débat visant à trouver la meilleure approche de cette question. Si le gouvernement sri-lankais se focalise sur la problématique de la réconciliation de l’Etat avec la Société, un nombre d’organisations souhaitent avant tout une réconciliation intercommunautaire. Une occasion d’analyser les différences de ces 2 approches.
La question de la réconciliation est entrée de manière forte dans le discours public du Sri Lanka de l’après-guerre avec un débat visant dans un premier temps à comprendre les dualités du terme de « réconciliation ». Deux versions du terme peuvent alors être identifiées. D’abord dans le sens qui fait de la réconciliation un concept qui se place dans un conflit entre l’Etat et la société et lié aux idées de réformes politiques et judiciaires en analysant les erreurs du passé. Mais le terme est également associé à l’idée d’un cadre de réconciliation dans les relations sociales : le retour de l’amitié entre différents groupes opposés.
La politique gouvernementale s’inscrit dans la première définition en niant la légitimité des revendications sociales et politiques des minorités communautaires et en s’interrogeant sur le droit de ces minorités à exister en tant que groupes politiques. Dans un discours diffusé à grande échelle après la défaite des Tigres Tamoules en 2009, le président a déclaré :
« Nous avons retiré le terme de « minorités » de notre vocabulaire il y a 3 ans. Il n’y a plus de Tamouls, de Musulmans, de Burghers, de Malais ou d’autres communautés. Il n’y a que 2 types de personnes dans ce pays. Ceux qui aiment le Sri Lanka et les autres, regroupés dans de petits groupes qui n’ont aucun amour pour la terre qui les a vus naitre ».
Le président Rajapaksa a cadré les objectifs de la réconciliation et du développement dans un soutien mutuel en indiquant dans son récent discours sur le budget que « l’élimination des différences sur la manière de vivre entre les différentes provinces était l’arme principale par laquelle la réconciliation nationale devait être promue ». Cette phrase reflète la vision du mouvement de la jeunesse Tharunyata Hetak, sui est dirigé par le fils ainé du président, Namal Rajapaksa, 26 ans. Le mouvement s’efforce de créer des ponts entre les jeunes du Sri Lanka sur la base de la compréhension réciproque, du patriotisme national et du développement selon des valeurs volontaristes, amicales et harmonieuses.
Au Sri Lanka, l’environnement post-guerre est particulièrement contraignant pour les actions de la société civile. Alors que ces groupes ne peuvent pas défier le discours gouvernemental, l’après-guerre a vu l’émergence d’un certain nombre de nouvelles organisations et de réseaux. Parmi elles, des groupes internationaux (Sri Lanka Campaign) ou des organisations issues de la diaspora (Sri Lankans without Borders). Les jeunes jouent un rôle de plus en plus important dans l’activisme issu de la société civile, au Sri Lanka comme au sein de la diaspora. Cette jeune seconde génération d’activistes aident à mobiliser d’importantes foules pour le soutien d’une intervention internationale dans le processus de réconciliation.
Réconciliation intercommunautaire.
Un des groupes les plus en vue dans le processus de réconciliation est le Sri Lanka Unites (SLU), constitué d’un réseau de jeunes professionnels qui cherchent à promouvoir la réconciliation dans les écoles et au sein des leaders communautaires. Le groupe prône une approche multisectorielle de promotion de la réconciliation qui implique les jeunes décisionnaires motivés à « comprendre le besoin de réconciliation » et à s’engager dans des actions intercommunautaires depuis leurs régions de résidence. Le SLU soutient une définition plus souple qui se base sur l’atténuation des barrières qui séparent les différentes communautés en encourageant l’acceptation mutuelle et la construction de la paix au Sri Lanka, ce qui sous-entend des questions de réformes politiques et institutionnelles.
Le groupe ne fait pas la promotion particulière d’une version spécifique de la réconciliation mais il insiste sur l’adoption d’une position particulière dans laquelle chacun puisse exprimer sa propre interprétation. Cela peut se traduire au sein du SLU par « le processus de réconciliation commence par moi, personne d’autre ». Cette approche représente une réponse rationnelle face à l’environnement politique restrictif dans lequel le SLU opère. En maintenant un degré similaire au discours de la majorité et en évitant l’association directe avec des agences internationales, le SLU se détache par son utilité dans un contexte où les ONG sont régulièrement harcelées par l’Etat et attaquées pour leurs liens avec des donateurs étrangers.
Le débat public sur l’approche du SLU reflète des débats plus larges sur la définition et la fonction de la réconciliation de l’après-guerre au Sri Lanka. La démarche du groupe sur la réconciliation a été critiquée sur le terrain pour son manque en termes de réparation des relations entre l’Etat et la société. En outre, la promotion d’une « identité sri-lankaise » peut être perçue comme problématique dans un contexte où la branche dominante de l’identité sri-lankaise a échoué à reconnaitre les besoins des communautés minoritaires.
La plus grande force des mouvements de la jeunesse repose sur leurs capacités à rompre avec les anciennes divisions et à introduire un souffle nouveau dans les débats politiques. Dans le contexte où l’Etat a été reconnu coupable de crimes et d’abus contre tout un pan de la société, l’efficacité d’une approche de réconciliation qui cherche à rompre avec le passé en se focalisant sur la promotion du « retour de l’amitié » reste ouvert à toutes questions.
Sources :
Insight on Conflict (Grande-Bretagne) en VO.
Sri LankaUnites (Sri Lanka) en VO.
Julien Lathus