« Trois jours suffisent pour mobiliser notre milice » : RSS

Le mouvement nationaliste indien paramilitaire du RSS (pour Rashtriya Swayamsevak Sangh, soit Organisation Nationale Patriotique) a annoncé par la voie de son chef être en mesure de rassembler ses milices en 3 jours, fustigeant au passage l’armée indienne. « Le RSS peut rassembler son personnel militaire …

Le mouvement nationaliste indien paramilitaire du RSS (pour Rashtriya Swayamsevak Sangh, soit Organisation Nationale Patriotique) a annoncé par la voie de son chef être en mesure de rassembler ses milices en 3 jours, fustigeant au passage l’armée indienne. « Le RSS peut rassembler son personnel militaire en 3 jours alors que ça prendrait 6 à 7 mois pour l’armée. C’est en notre pouvoir. Le RSS est prêt à monter au front si la situation est nécessaire et si la constitution le permet » a lancé Mohan Bhagwat, le chef du RSS dimanche 11 février devant des ouvriers à Muzaffarpur dans l’état du Bihar.

Ces propos ont déclenché un véritable coup de tonnerre et les politiciens de l’opposition crient à l’insulte envers l’institution militaire. Mayawati, la chef du BSP, troisième force politique du pays, d’orientation centre-gauche a déclaré depuis Lucknow que « la comparaison entre l’armée et les volontaires du RSS était troublante et insultante »avant de rajouter, avec ironie que « si Bhagwat avait tant confiance envers ses volontaires, pourquoi des commandos spéciaux sont engagés pour sa propre sécurité aux frais du gouvernement ».

Pour sa défense, le RSS a indiqué que les propos de Mohan Bhagwat avaient été mal interprétés. Le bureau de communication de l’organisation d’extrême-droite cherche à souligner que la comparaison ne se basait pas sur l’armée indienne mais sur les civils. « Bhagwat a déclaré que si la situation empirait et que la Constitution le permettait, l’armée indienne mettrai 6 mois à préparer la société quand les volontaires du RSS peuvent être prêt en 3 jours, du fait qu’ils s’entraînent quotidiennement. Ce n’était en aucun cas une comparaison entre l’armée et les volontaires… » peut-on lire dans un communiqué sur le site du RSS.

Toutefois, ces commentaires ne semblent pas suffisant à rassurer une partie de la population indienne. Cette semaine, plusieurs journaux indiens se sont interrogés sur les capacités du RSS et sur les dangers que de tels propos peuvent porter sur la démocratie indienne.

Dans The Indian Express, Nitin Pai, directeur du think-tank Takshashila Institution pose la question. « Pourquoi le gouvernement de Modi devrait s’inquiéter de la capacité du RSS à mobiliser ? ». Pour lui, il ne s’agit pas de retenir une forme d’insulte envers l’armée mais plus à s’interroger sur les capacités de survie d’un État qui perd le contrôle du monopole de la violence légitime à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. L’auteur de l’article rappelle que l’Inde peut, avec ses plusieurs millions de soldats et réservistes, tout à fait répondre à n’importe quelle menace, d’où qu’elle provienne et qu’un bon nombre d’entre eux peuvent être mobilisés en quelques jours. Ne doutant pas de la sincérité des sentiments nationalistes et patriotiques des activistes du RSS, il déplore toutefois que ces derniers aient un rôle à jouer dans la défense de l’Inde et que son pays puisse déléguer certaines responsabilités fondamentales à des organisations politiques.

Pour Shoaib Daniyal, journaliste indépendant, ici à la plume pour le site Scroll.in, cette déclaration de Mohan Bhagwat est « un coup de froid » pour tous ceux qui sont concernés par la santé de la démocratie indienne. Lui aussi s’inquiète qu’une organisation comme le RSS puisse mobiliser des troupes. « Dans une démocratie, une organisation culturelle comme prétend l’être le RSS ne peut pas imaginer voir ces troupes en ordre de bataille. L’exercice de la guerre est l’apanage des forces armées, qui opèrent sous le commandement d’un gouvernement élu démocratiquement » explique-t-il. Et au delà des RSS, il remarque que le discours belliqueux de Mohan Bhagwat s’insémine sur le sol indien. « Des groupes de volontaires armés sont maintenant devenus communs dans de nombreuses zones du nord et de l’est du pays. Ils ne se font pas discrets quand il s’agit de revendiquer leur accpetation de la violence et se parent souvent du terme d’armée, comme le Shiv Sena (armée de Shiva) qui détient une forte base au Maharashtra ou comme le Hindu Yuva Vahini (L’armée des jeunes hindous), dont le fondateur, Adityanath est maintenant ministre en chef de l’état d’Uttar Pradesh.

L’organisation RSS a été fondée en 1925 par Keshav Baliram Hedgewar. Orienté extrême-droite et nationaliste, le RSS fait la promotion de l’idéal de la culture indienne et fait son possible pour propager l’idéologie de l’Hindutva pour renforcer la cohésion de la communauté hindoue. Inspiré par les mouvements radicaux d’extrême-droite européens des années de la seconde guerre mondiale, le RSS a été interdit à 4 reprises : sous le règne britannique, en 1948 quand un jeune du RSS assassina le Mahatma Gandhi, durant la période d’état d’urgence de 1975 à 1977 et au moment de la destruction de la mosquée Babri Masjid en 1992. Depuis 2009, le groupe est dirigé par Mohan Bhagwat, aspirant vétérinaire qui a abandonné la fin de ses études pour se consacrer à plein temps au mouvement RSS en 1975.

Mohan Bhagwat n’en est pas à sa première controverse. Cet habitué des phrases chocs cible principalement les Musulmans, les femmes et la perversion de l’Inde par l’Occident. En février de l’année dernière, au cours d’un meeting au Madhya Pradesh, il avait annoncé que « quiconque était né en Inde était hindou. Même les Musulmans sont hindous de nationalité, ils sont Musulmans seulement par la foi. Tout comme les Anglais vivent en Angleterre …, les Hindous vivent dans l’Hindoustan ». En décembre de l’année dernière, il renfonce le clou en rappelant que « les Musulmans en Inde étaient aussi des Hindous ». En début d’année 2013 alors qu’éclate l’affaire de la jeune étudiante tuée après un viol collectif dans un bus de New Delhi et que l’Inde prend conscience de la question des femmes dans le pays, il déclare, en citant le mariage, que « l’homme et la femme sont engagés dans par un contrat… et que tant que la femme respecte sa part, l’homme peut rester avec elle, sinon, il peut la renier ». Quelques jours plus tard, il déclare que « de tels crimes (viol) ne se produisent pas au Bharat (nom sanskrit de l’Inde mystique) mais ce déroule constamment en Inde. Cela n’existe pas en milieu rural… et l’éthique indienne envers les femmes devraient être revu au prisme des valeurs de l’Inde ancienne ».

Julien Lathus

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