Skating India !

Par une chaude fin de journée de décembre, l’un des pionniers du skate en Inde donne une leçon privée à une fillette de 7 ans qui doit se lancer, le corps en avant depuis le haut d’une rampe, une action effrayante pour les novices.
Au skatepark …

Par une chaude fin de journée de décembre, l’un des pionniers du skate en Inde donne une leçon privée à une fillette de 7 ans qui doit se lancer, le corps en avant depuis le haut d’une rampe, une action effrayante pour les novices.

Au skatepark Play Arena, Gauthaml Kamath, employé à plein-temps du collectif de skate indien, Holy Stoked, tient les mains de la fillette qui se prépare à faire le grand bond. Les jambes tremblotantes, elle appelle « Maman, maman » en langue kannada pour s’assurer que sa mère la regarde avant de glisser le long de la rampe.Entre temps, Karan Tandon, 34 ans, un assistant manager pour Wrangler India prend une pause de l’autre côté de la rampe pour voir la fillette se lancer. Le collectif Holy Stoked lui a apprit le mouvement quelques mois auparavant.

Le skate commence à investir les rues indiennes.

Le skate commence à investir les rues indiennes.

Depuis la fondation du collectif en 2010, Mr, Kamath, 26 ans, et ses amis de Holy Stoked ont lentement transformé Bangalore comme la capitale du skateboard en Inde. La ville est devenue le refuge de plus de 100 skateurs, provenant des deux couches sociales les plus importantes de la ville : des jeunes professionnels stressés et bien éduqués et des enfants des rues vivant dans des bidonvilles ou sous des tentes sur des chantiers.

En 2008, alors que personne en Inde n’avait réellement vu un skateboard, Somanna Makerira Raghupathy, maintenant âgé de 30 ans et surnommé Soms, devint l’un des premiers à découvrir la discipline. A cette période, Soms travaillait pour EduSport, une compagnie indienne qui organise des programmes sportifs. Il embrassa bien vite la planche à roulette comme alternative au cricket, le sport le plus populaire en Inde.

Au même moment, un autre fondateur du collectif Holy Stoked, Abhishek, 28 ans, travaillait pour Technicolor, une firme française d’animation, 10 heures par jour, le dimanche inclut, et presque sans vacances, un planning que de nombreux professionnels du secteur ont à endurer.

« J’étais sous-utilisé et sous-évalué » raconte-t-il. « C’était comme un atelier de misère » reprend-t-il. Abhishek, connu sous le surnom de Shake, vit Soms skater en 2008 et pris le courage d’essayer en 2010 quand le skatepark de Play Arena fut fondé en 2010 par Nick Smith, un Anglais et ami commun aux deux Indiens. Abhishek avait de bonnes raisons d’être prudent. Il liste les blessures qu’il a subit depuis ses débuts : « Les ecchymoses et éraflures ordinaires, une dent ébréchée, les entorses aux chevilles. « C’est brutal mais beau » déclare-t-il. « J’en suis d’ailleurs toujours effrayé » rajoute-t-il.

En 2010, Soms, Shake et quelques autres ont fondé le collectif Holy Stoked en vendant des planches et du matériel importé des USA, en offrant des cours aux enfants et en conduisant des ateliers tout autour de l’Inde du Sud. Shake quitta son poste en janvier 2011 pour un plein-temps au sein du collectif et Soms suivit cette piste peu de temps après. Monsieur Kamath, anciennement manager dans un magasin de téléphonie prit part à l’aventure en 2012 en tant qu’instructeur à plein-temps.

A Bangalore, alors que le gouvernement stipule que les bars doivent fermer à 23h, les jeunes professionnels sont en recherche constante de nouveaux endroits pour s’éclater. Dans cette optique, les 3 jeunes hommes sont devenus les premiers skateurs professionnels en Inde.

Mohammed Kadhir, 24 ans, travaille dans un centre d’appel pour IBM de nuit. Il a connu ce sport alors qu’il était au lycée mais il s’est mis à sa pratique lorsqu’il a commencé son travail. Avant la fermeture quotidienne du skatepark, il s’y rend pour une ou deux heures avant de rejoindre son travail. Il rêve de temps à autre de quitter son poste pour devenir un skateur professionnel. « Je veux juste apprendre d’autres manœuvres. Le skate, c’est ma vie » déclare-t-il.

Après une rencontre avec quelques membres de la compagnie de skatepark allemande 2er Skateboarding Ev à Bangalore en 2012, Abhishek et Raghupathy ont discuté de la construction d’un skatepark sur un petit terrain que les deux hommes ont acquis dans une zone résidentielle. Les Allemands, associé au projet ont obtenu la participation de Levis pour sa construction et en février 2013, près de 45 skateurs, constructeurs et locaux s’y sont retrouvés pour créer les modules et la zone en seulement 13 jours. Une réussite puisque le magazine Skateboarder l’a qualifié de l’un des meilleurs en Asie.

Une nouvelle passion pour les gamins des rues.

Une nouvelle passion pour les gamins des rues.

Levis et 2er ont également apporté une centaine de planches à destination des jeunes locaux issus des bidonvilles qui travaillent sur les chantiers avec leurs parents quand ils ne sont pas à l’école. Depuis, les enfants passent une bonne partie de leur temps au park de Holy Stoked et font glisser leurs planches dans le quartier. Les instructeurs leur ont appris quelques figures comme sauter depuis le haut des escaliers, ce que les enfants ont rapidement assimilé.

« Ils sont géniaux » lance Raghupathy. « Nous leur avons montré depuis une marche. Et quand ils reviennent, ils t’en montrent quatre ».

Sharan Appa, âgé de 10 ans vit dans une tente à proximité du park. Il s’est mis au skate quand l’équipe de Holy Stoked lui a donné une planche apportée par Levis, et ce bien qu’il ne possède pas de chaussures pour la pratique de ce sport. Alors qu’il ne parle pas anglais, il prononce les mots de « kickflip », de « ollie » ou de « frontside » aussi bien qu’un jeune natif californien.

Ces dernières semaines, le park a malheureusement été fermé sur ordre des autorités locales qui ont indiqué que le park violait les règles d’usage public des espaces résidentiels. Puisque le skate est une pratique nouvelle en Inde – le park de Holy Stoked est seulement le troisième dans le pays – le statut légal de la structure est un peu obscure.

Gautham Nettar, un membre du collectif est également juriste. Actuellement, il travaille sur l’affaire pour que Abhishek et Raghupathy puissent permettre à tout le monde de bénéficier des structures du park.

Abhishek indique être inquiet pour les enfants skateurs qui mettent leurs vies en danger en skatant dans les rues sans la sécurité offerte par le skatepark. « Dans la rue, on ne peut même pas voir le trafic au coin de la rue » explique-t-il.

Et puisque tous les jeunes professionnels qui peuvent se permettre de payer des droits d’entrée au parc – 3€ par jour ou 20€ par mois – la scène des skateurs de Bangalore est en proie au redressement fiscal sur les droits du parc.

Abhishek déclare que ce sont les enfants des rues qui souffrent le plus de la fermeture du park. La communauté leur a apporté un peu de joie dans leurs vies. « Je n’arrive pas à croire que quelqu’un cherche à leur enlever ce bonheur » reprend-t-il.

Traduction par Julien Lathus via India Ink – The New York Times.

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