Quand Bollywood flirte avec la pègre locale.

La semaine dernière, l’acteur Sanjay Dutt a été condamné à 5 ans de prison pour possession illégale d’armes qui ont été fournies par les cerveaux des attentats de Bombay de 1993. Jeudi, il annonce accepter cette peine. Il ne fera pas appel. « Laissez-moi en paix …

La semaine dernière, l’acteur Sanjay Dutt a été condamné à 5 ans de prison pour possession illégale d’armes qui ont été fournies par les cerveaux des attentats de Bombay de 1993. Jeudi, il annonce accepter cette peine. Il ne fera pas appel. « Laissez-moi en paix le temps que je me rende » a t-il demandé aux journalistes regroupés devant sa résidence de Mumbai.

Si Bollywood a toujours été friand des films de gangsters, ces 2 mondes sont bien plus proches qu'on ne le pense.

Si Bollywood a toujours été friand des films de gangsters, ces 2 mondes sont bien plus proches qu’on ne le pense.

Le cas de Sanjay Dutt est le dernier exemple de la révélation des liens qu’entretient l’industrie indienne de films de Bollywood avec les milieux du crime organisé à Mumbai. Alors que les chefs de gangs financent les films à grand succès de Bollywood et utilisent le milieux du cinéma comme une immense machine à blanchir de l’argent, les acteurs se plaignent ouvertement de recevoir des menaces émanant de ces milieux obscures.

La rencontre entre Bollywood et les mafias remonte au temps où une régulation gouvernementale a rendu l’industrie cinématographique inéligible aux crédits bancaires ou aux financements commerciaux. «Cela a mené les films à être financés par des investisseurs du secteur immobilier ou industriel qui pratiquaient des taux d’intérêt de 60 à 100 % » explique Jehil Thakkar, directeur des médias et des divertissements pour KPMG.

Dans les années 2000, l’industrie indienne du cinéma a été ajoutée sur la liste des industries reconnues par le gouvernement, ce qui a permit l’ouverture du secteur au crédit bancaire. Un coup visiblement porté pour couper les dépendances de Bollywood. Visiblement, cette action n’a pas permit de séparer ces 2 mondes puisqu’en 2011, une note du consulat américain de Mumbai, publiée par Wikileaks indique clairement les liens qui unissent toujours l’industrie cinématographique au monde du crime organisé. « Cette industrie accueille des fonds émanant de gangsters et de politiciens cherchant à blanchir des gains obscures que l’on nomme en Inde, l’argent noire » indique cette note.

Dawood Ibrahim, le Don de Mumbai, a souvent inspiré Bollywood par son image de parrain.

Dawood Ibrahim, le Don de Mumbai, a souvent inspiré Bollywood par son image de parrain.

Sans surprise, les gangsters apprécient faire étalage de leurs connections avec les stars bollywoodiennes. Dawood Ibrahim, l’un des parrains de Mumbai, exilé à Dubaï, est connu pour avoir invité de nombreux acteurs et actrices à ses fêtes données à Dubaï et à Sharjah. Ces vedettes y ont souvent participé sous pression ou pour des choix qui laisse part à de nombreuses spéculations.

Si il est de notoriété publique que Bollywood et le monde du crime organisé flirtent ensemble, l’ampleur de cette relation se manifeste de temps à autre lorsqu’une star se fait arrêter. En 2001, Nazim Rizvi, producteur du film à grand succès, Chori Chori Chupke Chupke avait été condamné à 6 ans d’emprisonnement avec son assistant pour « participation à une entreprise de crime organisé et extorsion envers des personnalités du cinéma ». Pour le ministre en chef de l’état du Maharashtra, ces arrestations sont le signal que les autorités n’en peuvent plus des liens du monde du cinéma avec les mafias. « Nous voulons envoyer un message fort au peuple et à Bollywood, leur disant que personne ne sera épargnée, star ou pas ».

Dans le magazine Time, Richard Corliss écrivait en 2001 qu’Abu Salem, le patron d’une organisation mafieuse les plus célèbres avait raconté à des journalistes qu’il avait financé le film Devdas, une des productions les plus chères jamais produite par Bollywood. Abu Salem était connu pour son attachement au monde de Bollywood. Marié à une starlette locale, Monica Bedi, il avait donné à ses enfants le nom de ses acteurs préférés.

Lorsque le téléphone de Chhota Shakeel, un gangster notoire fut mis sur écoute par la police, ces derniers furent stupéfaits de découvrir les discutions fréquentes de ce membre de la pègre avec des acteurs, des directeurs et des producteurs de l’industrie de Bollywood. Sur les 71 enregistrements de la police, Sanjay Dutt apparaît plusieurs fois.

Des stars de Bollywood se sont fréquemment plaints d’appels de la pègre visant à leur soutirer de l’argent, en menaçant leurs vies ou celles de leurs proches. L’un des plus célèbres de ces affaires concernent le gang d’Abu Salem et l’acteur Rakesh Roshan. Entre eux, la situation a dégénéré et l’acteur a reçu une balle dans le bras. En 2010, l’acteur et producteur, Sajid Nadiadwala a affirmé qu’un groupe, probablement affilié à Ejaz Lakdawala avait fait irruption dans son bureau pour réclamer de l’argent.

En 2011, le Time of India rapportait que le parrain en fuite, Ravi Pujari avait menacé les acteurs Sohail Khan et Vivek Oberoi, ainsi que le producteur Ritesh Sidhwani. Après avoir enregistré leurs plaintes, la police dû alors assurer la sécurité de ces 3 plaignants. Pourtant, la majorité des acteurs menacés ne demandent pas la protection de la police. Selon des sources du milieu, cinématographique, 6 personnalités ont reçu des demandes d’extorsion en 2011 pour des sommes allant jusqu’à 50 millions de roupies, soit plus de 700 000€, le tout sans porter plainte.

La semaine dernière, la Cour a abandonné les charges d’implication de Sanjay Dutt dans les attentats de Mumbai de 1993 où une série de bombes avait tué 257 personnes et blessés 700 autres. Sanjay Dutt avait été condamné à plus d’un an de prison pour son implication indirecte dans ces mêmes attentats il y a quelques années. Il fut néanmoins reconnu coupable de possession de 2 armes illégales, ce qui lui faudra les 5 prochaines années derrière les barreaux.

Julien Lathus

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