L’Inde manque-t-elle de soft power pour être un acteur global de ce monde ?

Dans un monde où les révolutions sont façonnées par les média sociaux, le soft power est l’effet qui donne à une nation son heure de gloire. « Certains pays comme l’Italie ou les USA l’ont, tout simplement. D’autres le cultivent et le construisent ». Raymond Aron disait : …

Dans un monde où les révolutions sont façonnées par les média sociaux, le soft power est l’effet qui donne à une nation son heure de gloire. « Certains pays comme l’Italie ou les USA l’ont, tout simplement. D’autres le cultivent et le construisent ». Raymond Aron disait : « dans le monde actuel, toutes les grandes puissances s’identifient par une grande idée ». Alors, une « grande idée indienne » définit-t-elle le pays en lui donnant une image clairement identifiable à travers le monde ?

Selon le site indien d’information Live Mint qui pose lui-même la question, aucune. La cause de cette réponse ? La revue britannique Monocle vient juste de publier sa 3ème enquête annuelle sur le soft power et souhaite provoquer le débat sur les origines du soft power et sur la manière de l’exploiter. Le classement issu de l’enquête met en tête le Royaume-Uni. L’Inde ne fait pas partie du top 20.

Il y a des leçons qui sont à apprendre des autres nations qui ont exploité le peu de « soft-ressource » pour se forger une identité qui la distingue des autres pays. Il suffit de voir la manière dont Londres a conduit les Jeux Olympiques en mettant en scène sa diversité et comment l’Inde n’a pas pu en faire autant avec les Jeux du Commonwealth.

Bollywood, un symbole du soft power indien ?

L’enquête met en avant le Brésil pour son multiculturalisme, l’Italie pour son mouvement de Slow Food(cuisine douce) en réaction à la restauration rapide, la Finlande pour sa position de « nation résolvant les problèmes » ou la Corée du Sud pour ses valeurs technologiques et la chanson Gangnam de Psy(!). En fait, la culture, la cuisine, la littérature et la générosité sont parmi les thèmes communs qui fondent le degré de soft power d’une nation.

Jospeh Nye, qui a créé le terme de soft power à la fin des années 1980, le définit comme la capacité à attirer par la persuasion en opposition à la contrainte qui est la capacité de coercition. Le soft power, explique Joseph Nye, entre en action parallèlement à l’attractivité de la culture et des idées politiques d’une nation.

Alors, comment une nation construit-t-elle son soft power et le laisse émaner d’elle ? Peut-t-on le faire fleurir tout en construisant une force de contrainte ? En 2005, l’Inde a rejoint le Fond Démocratique de l’ONU en apportant une contribution de 25 millions de $, la seconde plus grosse donation après celle américaine de 38 millions de $. Cet organe de l’ONU propose une assistance aux principes électoraux et des programmes de renforcement du droit et de lutte contre la corruption. « Et pourtant, est-ce-que le monde associe l’Inde à un système électoral propre ? » s’interroge Live Mint.

La politique basée sur les principes moraux de Nehru et sa pratique de non-alignement étaient bien trop pacifiques et dédiés à un objectif plus profond en étayant ses principes pieux. Le soft power est bien inutile s’il ne permet pas de résoudre des conflits. « Dans chaque pays, nous devrions mesurer le coefficient de la manière dont le monde comprend l’Inde par ses valeurs et sa culture » propose l’article.

Pour Live Mint, l’Inde est devenu marginale en informatique, sa tradition culinaire est dévorée par le fast-food et le plastique est devenu le nouveau matériel de l’art. « Tout cela est arrivé car nous ne nous sommes jamais interrogés pour découvrir « l’esprit du temps » de la nouvelle Inde et le rendre séduisant. Il doit se trouver quelque part entre son passé et sa vision pour le futur. Le découvrir est le premier pas vers la fondation d’un soft power qui nous fait cruellement défaut » conclut le journal.

En mai dernier, Foreign Policy s’était intéressé au soft power indien, exploité depuis des décennies avec la philosophie indienne qui a captivé l’Occident dans les années 1960, Bollywood qui est une référence cinématographique populaire en Afrique et au Moyen-Orient et avec le yoga. Il n’y a pas que cela. « Même les intellectuels indiens n’ont pas souvent pensé à la générosité de l’Inde comme une source de soft power, particulièrement dans le domaine de l’aide internationale » y lit-t-on.

Hillary Clinton avait visité l’Inde au début du mois de mai 2012. Elle avait demandé au pays son aide dans la coopération sur les questions internationales. Ce moment avait permis à l’Inde d’apparaitre non plus comme un pays bénéficiaire de la charité mondiale mais comme un contributeur majeur. En 2011, l‘Inde a déboursé plus 1,5 milliards de $ au tire d’aide internationale. Cette aide a triplé au tournant du siècle.

La création identitaire de l’Inde comme donatrice internationale est un phénomène relativement nouveau. Entre 1951 et 1992, l’Inde a été le pays qui a été le plus approvisionné par l’aide internationale, en recevant près de 55 milliards de $.

Soft power indien en Afrique représenté par un prêt généreux.

Aujourd’hui, l’Inde est une puissance majeure en Asie et au-delà comme le prouve sa relation énergétique à l’Iran, son aide à l’Afghanistan ou son assistance à certains pays africains. En raison de son statut d’économie émergente, de démocratie solide et d’un pays libéré de son influence coloniale, l’assistance internationale indienne possède une forte légitimité aux yeux des autres pays émergents, une légitimité qui contraste avec celle chinoise. Pour Foreign Policy, c’est cette légitimité qui différencie d’aide indienne au développement et qui peut ainsi augmenter son capital soft power.

Sources :

Foreign Policy (USA) en VO.

Live Mint – The Wall Street Journal (Inde) en VO.

Monocle (Grande-Bretagne) en VO.

Julien Lathus

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