Les flingues et les hommes saints d’Ayodhya (1/3)

Février 1992. En plein chaos politique engendré par le mouvement du Ram Mandir (Temple de Ram), Mahant Lal Das, prêtre en chef du temple de Ram Janmabhoomi qui se place au sein du complexe de la mosquée Babri est assassiné. La recherche pour un nouveau …

Février 1992. En plein chaos politique engendré par le mouvement du Ram Mandir (Temple de Ram), Mahant Lal Das, prêtre en chef du temple de Ram Janmabhoomi qui se place au sein du complexe de la mosquée Babri est assassiné. La recherche pour un nouveau chef qui suivit se fit selon des critères spécifiques : avoir une réputation irréprochable, être libre de toutes charges criminelles ou de dessins politiques. Après de nombreuses difficultés, Satyendra Das fut nommé à ce poste.

21 février 2013. Face à une crise territoriale, les supporteurs de deux chefs, ceux de Bhavnath Das, président national du Samajwadi Party Sant Sabha et ceux d’Hari Shankar Das Pehelwan, soutien du parti nationaliste hindou BJP, ont ouvert le feu les uns sur les autres. Un homme fut tué et une douzaine d’autres blessés.

Le pionnier?  Mahant Tribhuvan Das passe pour être le premier à avoir introduit le crime dans les milieux de la sainteté hindoue à Ayodhya.

Le pionnier? Mahant Tribhuvan Das passe pour être le premier à avoir introduit le crime dans les milieux de la sainteté hindoue à Ayodhya.

Ces deux incidents, éloignés de deux décennies, montrent la sinistre réalité d’Ayodhya, une des principale ville sainte pour les Hindous. Avec des affrontements sanglants pour des histoires de territoires, le meurtre de chefs religieux ou le viol de mineurs, le quotidien de la cité sainte est devenu un enfer. Selon R.K.S. Rathore, un ancien des forces paramilitaires d’Ayodhya, de nombreux hommes saints (saddhus) sont impliqués dans des activités criminelles.

La plupart des 7000 temples et monastères d’Ayodhya sont devenus des centres du crime. Ces dernières années, plus de 250 saddhus sont tombés pour des crimes, dont des meurtres et d’autres ont été tués dans des affrontements avec la police. L’un d’eux, Mahant Harinarayan Das, tué par les policiers dans une fusillade avait plusieurs charges contre lui, dont une affaire de meurtre.

Selon les sources de police, plus de 200 saddhus ont été tués à Ayodhya au cours de la dernière décennie. Il y a quelques jours, Hari Shankar Das, le prêtre en chef du fameux temple Hanuman Garhi, a reçu six balles de la part d’un de ses disciples. L’année dernière, ils étaient plusieurs, dont d’autres prêtres, à vouloir attenter à sa vie.

Les plus hautes autorités de certains temples sont accusée de vouloir prendre illégalement les propriétés d’autres temples, tuant leurs chefs ou les expulsant de force. De nombreux hommes saints occupent leurs journée à accumuler des titres de propriétés, à se battre ou à servir comme hommes du corps.

« Tribhuvan Das, ancien chef du temple de Hanuman Garhi, fut le premier à se lancer dans les activités criminelles à Ayodhya pour établir sa suprématie sur la zone » explique Vairagi Sadhu Ramanand. « Das a établi son propre monastère après qu’il eut été évincé du temple d’Hanuman Garhi pour ses activités criminelles » ajoute un autre saddhu. Il serait derrière le meurtre d’une centaine de saddhus pour d’autres.

Arjun Das, le prêtre en chef du temple de Ramchanritmanas Bhavan soutient que les disciples de Tribhuvan ont tous un casier judiciaire. « Il s’est entouré de nombreux disciples alors qu’il était en prison. Ils se sont alors rendus à Ayodhya pour le retrouver quand il sortit de prison. Son temple est devenu le repaire de nombreux criminelles originaires du Bihar » affirme-t-il. En dépit des accusations le trempant dans de nombreuses affaires criminelles, Tribhuvan prospère toujours à Ayodhya.

Dans le passé, plusieurs dirigeants du temple d’Hanuman Gahri ont été la cible d’attaques violentes. En 1984, Hari Bhajan Das a été abattu par ses propres disciples. Huit ans plus tard, Deen Bandhu Das a subit plusieurs attaques et a été forcé à renoncer à son poste et une vie de reclus à Ayodhya lui a été imposée. En 1995, Sadhu Naveen Sans et quatre de ses compagnons ont assassiné le chef Ramagya Das, au sein même du temple. En 2005, deux saddhus affiliés au temple se sont affrontés à la bombe. En 2010, les saddhus Bajrang Das et Harbhajan Das ont été tués par des assaillants inconnus. L’année qui suivit, le chef Prahlad Das a été tué par un gang de saddhus. Connu sous le surnom de « goonda baba » (Père Brigand), Prahlad Das était inculpé dans plusieurs affaires criminelles, incluant des charges pour meurtres. L’administration du district voisin de Faizabad fit même passer une loi sur le crime nommée Goonda Act.

Le chef du temple de Ramjanmabhoomi Nyas, Nritya Gopal Das est aussi accusé pour des activités criminelles. « Cet homme n’est pas un saint, mais un accapareur de terre et un brigand » déclare un prêtre sous couvert d’anonymat. « Si il veut une partie de votre territoire, vous n’avez que deux options : lui céder ou mourir ».

Dans son livre « Portraits d’Ayodhya », Scharada Dubey évoque un incident à glacer le sang. « Un ancien fonctionnaire gouvernemental possédait une maison dans le quartier de Pramod Van à Ayodhya. Nritya Gopal Das vit la maison. Elle lui plu. Il envoya ses émissaires plusierus fois pour faire une offre pour l’acquérir. Le propriétaire refusa autant de fois. Au final, il fut poignardé dans la rue par des inconnus et sa famille, endeuillée se résigna à quitter la ville pour la province voisine »

Dubey narre un autre incident qui eut pour théâtre le temple de Bindu Sarovar. « Triveni Das, un chef, eut une altercation avec Nritya Gopal Das sur quelques questions internes. Alors qu’il prenait un bain dans la rivière Sarayu à 4 heure du matin, il fut renversé par un camion et succomba à ses blessures.

Nritya Gopal Das mit au point sa stratégie récupération de territoires en 1990 quand il prit illégalement le monastère Marwadi Dharamhala à Ayodhya. Le saddhu Prem Shankar Das, témoin de l’incident se rappelle : « Le monastère était le refuge de 70 à 80 étudiants originaires des villages aux alentours. Un jour, alors qu’ils étaient en cours, une foule de saddhus armés fit irruption et ils occupèrent les lieux. Ils ont rassemblé les étudiants dans une pièce et les immolèrent ». Une action en justice envers Nritya Gopal Das fut lancée.

Malgré ce pedigree de « dur », Gopal Das est lui même victime de violences. En mai 2001, il fut sérieusement blessé par une bombe qui lui était destinée à lui ainsi qu’à ses disciples. Alors que le pays sombrait dans le chaos de violences intercommunautaires, il accusa dans un premier temps l’ISI, les services secrets pakistanais, mais il fit rapidement le lien entre cette attaque et une dispute territoriale. Il usa de son influence pour découvrir l’auteur de l’attentat : le chef du temple de Rama Vallabh, Devram Das Vedanti, détrôné et cherchant vengeance en l’attaquant.

Le casier de Vendanti n’est pas plus glorieux que celui de sa cible. En 1995, la police l’avait arrêté en présence d’une adolescente dans un hôtel de Bhagalpur au Bihar. Il fut accusé d’enlèvement et un pistolet espagnol fut retrouvé sur lui.

à suivre

Traduction par Julien Lathus via Tehelka.

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