Le Népal en pleine crise politique, entre le fédéralisme et le fait ethnique.

A quelques jours de la cinquième échéance pour que l’Assemblée Constituante s’accorde sur une nouvelle constitution, le Népal reste divisé sur la question du fédéralisme.
« Les débats sur le fédéralisme et sur l’identité du pays menacent de polariser la société népalie » déclare Anagha Neelakantan, analyste dans …

A quelques jours de la cinquième échéance pour que l’Assemblée Constituante s’accorde sur une nouvelle constitution, le Népal reste divisé sur la question du fédéralisme.

« Les débats sur le fédéralisme et sur l’identité du pays menacent de polariser la société népalie » déclare Anagha Neelakantan, analyste dans la résolution de conflit pour l’ONG International Crisis Group. « En même temps, le processus politique et de rédaction de la constitution sont dans une impasse. Une crise constitutionnelle est donc envisageable » reprend-t-il.

Du fédéralisme…

Les 600 membres de l’Assemblée Constituante qui assurent l’intérim législatif du pays planchent depuis 2008 à la rédaction d’une nouvelle constitution après une décennie de guerre civile entre les forces maoïstes et celles gouvernementales. Jusqu’en 2006, année de fin du conflit, près de 13 000 personnes sont mortes et depuis, les 30 millions d’habitants vivent sans constitution.

Le 15 mai, quelques chefs de l’Assemblée ont pris dans l’urgence la décision de restructurer le cadre de l’ancienne monarchie hindoue en 11 états fédéraux, basé sur un fédéralisme multiethnique. Cela signifie que tous les groupes ethniques devront vivre dans un seul état non divisible.

Incapable de parvenir à un accord, l’Assemblée a demandé un délai supplémentaire de 3 mois mais il a été rejeté par la Cour Suprême ce jeudi. Le gouvernement doit donc promulguer une nouvelle constitution avant l’échéance du 27 mai.

« La proposition pour 11 provinces fédérales a été émise au hasard, sans aucun nom ni aucun principe » regrette le professeur Krishna Hachhethu, un expert de la question fédérale à l’Université de Tribhuvan.

… au fait ethnique.

Cette situation a fait naitre la colère chez certains groupes ethniques du Népal. Les Janjati ont lancé un mouvement national de protestations et de grèves depuis le milieu du mois de mai pour obliger l’Assemblée et les principaux partis politiques à restructurer le pays sur un fédéralisme basé sur l’identité.

Il y a plus d’une centaine de groupes ethniques au Népal et selon la Fédération Népalaise des Nationalités Indigènes (NEFIN), les Janjatis représentent 37 % de la population du pays. « La plupart des Janjatis ont été exploités et restent des citoyens de seconde zone, négligés par le gouvernement déclare Laxman Tharu, leader du parti politique représentant les Tharu.

Le groupe qu’il représente donne une bonne représentation de la complexité de la situation sur le terrain. Fort d’1,5 millions de personnes, les Tharu habitent les marges occidentales et méridionales du Népal. Ils sont considérés comme la plus pauvre et la plus exploitée ethnie du pays. Depuis 2007, ils demandent l’autodétermination dans le cadre d’une province fédérale nommé Tharuwat, à l’ouest du pays. Les Brahmanes et les Chettris, qui vivent dans la même région ont vivement protesté contre cette demande, craignant une division ethnique et une perte d’influence.

Rassemblement pour un Népal uni en mai 2012 par sambandha, flickr

Jeudi 24 mai, des milliers de personnes de ces hautes castes sont descendus dans la rue pour protester contre un fédéralisme ethnique en demandant une « nation indivisible ». « Pour la première fois, les Brahmanes et les Chettris manifestent contre le fédéralisme ethnique qui est devenu maintenant un question nationale majeure » affirme Mohan Manandhar, expert sur la question du fédéralisme pour le compte de l’ONG Niti Foundation.

Le professeur Krishna Hachhethu reprend en déclarant que « nous savons tous qu’il n’y aura pas de constitution sans un fédéralisme basé sur le fait ethnique ». « Le débat a commencé et il connait un bon début mais nous ne devrions pas trop spéculer sur son issu car la population a peur de voir la division du pays » ajoute-t-il.

Cette question s’est enracinée profondément dans les courants politiques et sociaux du Népal. Elle a donné lieu ces derniers jours à d’importantes grèves et des violences qui ont paralysées les villes déjà touchées par une économie fragile.

Pour Raj Kumar Lekhi, dirigeant de la Fédération Népalaise des Nationalités Indigènes, « le fédéralisme est la clé pour unir une population multiethnique et il apporte de l’espoir à ceux  qui se sentent marginalisés pour finalement créer un meilleur espace politique et la confiance ». Son organisation est une de celles qui ont appelé à une grève générale illimitée la semaine dernière.

Ban ki Moon attentif à la situation.

Hier, le secrétaire général des Nations-Unies, Ban ki Moon a appelé les partis politiques népalais comme les autres groupes à poursuivre tous leurs efforts pour s’assurer que le processus de rédaction de la constitution sera bien poursuivi.

Dans un rapport à la presse, le porte-parole de Ban ki Moon évoque que « le secrétaire général est attentif à l’échéance qui arrive alors qu’une constitution en adéquation avec les aspirations du peuples n’est pas encore adoptée ». Il rappelle également au pays de rester dans les limites de l’accord de paix de 2006 tout en appelant au calme et à la retenue.

Originellement élue en 2008 pour 2 ans, l’Assemblée Constituante n’a pas cessé de demander des délais supplémentaires pour la rédaction de la Constitution. Le dernier en date doit s’achever ce dimanche et ce jeudi, la Cour Suprême s’est prononcée contre un énième délai. L’assemblée avait demandé 3 mois supplémentaires.

Dans son verdict, la plus haute instance a formulé 3 options en cas de non promulgation de la constitution le 27 mai : un référendum, de nouvelles élections pour renouveler l’assemblée ou toute autre alternative possible.

Sources :

The Himalayan Times (Népal) en VO

IRIN News – ONU (Kenya) en VO

Julien Lathus

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