Le coût de la guerre : 150 000 morts en Afghanistan et au Pakistan depuis 2001

Une large étude émanant du projet Costs of War, piloté par l’Institut Watson de l’Université américaine Brown vient annoncer le chiffre de près de 150 000 morts en Afghanistan et au Pakistan depuis le début de la guerre déclenchée dans le sillage des attaques du …

Une large étude émanant du projet Costs of War, piloté par l’Institut Watson de l’Université américaine Brown vient annoncer le chiffre de près de 150 000 morts en Afghanistan et au Pakistan depuis le début de la guerre déclenchée dans le sillage des attaques du 11 Septembre 2001. Ce macabre recensement évoque également plus de 162 000 blessés sur une période de 14 ans.

Soldats US en Afghanistan

Soldats US en Afghanistan

Alors que les USA ont annoncé en début d’année ralentir le retrait prévu de leurs troupes sur le théâtre afghan, cette étude laisse entrevoir que la guerre en Afghanistan tend à s’intensifier. Ce constat engendre un nombre croissant de blessés et de morts dans un pays ravagé par plus de 35 ans de conflits successifs. « La situation empire » souligne l’étude en date du 22 mai 2015. Au Pakistan, la guerre semble au contraire baisser en intensité ces dernières années même si les risques d’opérations de grande envergure et d’attentats restent élevés. Les tensions se focalisent dans le nord-ouest du pays ainsi que dans les zones tribales où le conflit demeure « très chaud ».

Cette étude se focalise sur le nombre de morts et de blessés engendrés directement par la guerre, à savoir, les victimes de armes, des bombardements et des violences diverses, qu’elles soient civiles ou militaires. Mais la guerre est également responsable d’un nombre de morts indirects élevé mais difficilement quantifiable basé sur la malnutrition, le manque de soin et les déplacements.

Le bilan en Afghanistan

Selon le décompte en Afghanistan, prés de 26270 civils ont perdu la vie de cause direct entre 2001 et 2014 et on observe que cette tendance tend à croître dans le temps, particulièrement depuis 2008. En s’intéressant aux causes de ces morts civils en Afghanistan, on peut noter que les engins explosifs sont responsables de près d’un tiers de ces victimes (un millier en moyenne par an) et que les assassinats ciblés par des éléments anti-gouvernementaux ne cessent de croître depuis 2009. Si le nombre de tués dans les attentats demeure à peu près stable, on observe une nette croissance des victimes dans les combats sur le terrain depuis 2013. Ce dernier est directement lié au retrait des forces internationales qui laissent la place aux forces de sécurité afghane dont l’inexpérience semble se matérialiser sur le terrain par un nombre croissant de victimes civiles.

Du côté des belligérants en Afghanistan, près de 15 000 Afghans issus de la police et de l’armée ont été tués et plus de 17 000 autres blessés. Les forces internationales quant à elles font état d’un peu plus de 3000 victimes et de plus de 20 000 blessés. Il est un peu difficile de décompter le nombre de Talibans tués sur la période mais pour Neta C. Crawford, en charge de la rédaction de cette étude, environ 35 000 insurgés, pour la plupart des Talibans ont été tués depuis 2001.

Au delà du décompte des victimes, cette étude met également en avant l’impact social de la guerre en Afghanistan. Outre des conditions sanitaires et alimentaires désastreuses, les années de guerre à répétition ont particulièrement atteint la santé mentale des Afghans. Dépression, anxiété et stress post-traumatique apparaissent comme bien plus importants en Afghanistan que dans d’autres conflits de part le monde. En 2009, le ministère afghan de la santé publique indiquait que 66 % des Afghans souffraient de troubles mentaux.

Le bilan au Pakistan

A partir de 2004, la guerre en Afghanistan déborde chez son voisin pakistanais. Principalement en raison de la porosité des frontières qui a poussé les Talibans et Al-Qaida à se réfugier au Pakistan pour limiter les pertes en Afghanistan. Les zones tribales et le nord-ouest du pays sont alors devenus un nouveau front où près de 100 000 soldats pakistanais sont en poste. De plus, le soutien d’Islamabad aux USA dans la guerre en Afghanistan a provoqué une forte réaction des militants pakistanais qui ont déclaré la guerre au gouvernement pakistanais à grand renfort d’attentats plus sanglants les uns que les autres.

Au Pakistan, cette guerre est symbolisée par les frappes de drones qui ont connus une forte augmentation depuis 2008 et l’arrivée de Barack Obama au pouvoir. Si ces frappes tendent à se raréfier depuis 2013, elles ont toutefois causé la mort de nombreux civils : entre 2648 et 3827 de 2004 à 2014. A partir de 2007, la guerre au Pakistan est entrée dans une nouvelle dynamique. En représailles aux actions des militaires pakistanais, les militants se sont lancés tout azimuts dans une campagne de terreur. Si entre 2002 et 2006, près de 25 attaques ont coûté la vie à environ 430 personnes, 425 attentats ont été recensés entre 2007 et 2014, emportant avec eux plus de 7500 personnes et en en blessant plus de 17 000.

Le lourd bilan de la guerre contre la Terreur.

En Afghanistan, le décompte total des victimes directes de la guerre (civils, forces afghanes et internationales, insurgés, membres d’ONG et journalistes) laisse apparaître un chiffre de 91 991 morts et 99 576 blessés entre 2001 et 2014. Au Pakistan, entre 2001 et 2015 et pour les mêmes catégories de personnes, on aboutit à un nombre de 56 948 morts et 62 638 blessés. Dans les 2 pays, le total des victimes apparaît comme plus important au cours de ces 6 dernières années que pour les 7 premières années de la guerre, entre 2001 et 2008.

Cette étude qui se base sur la Guerre contre le Terrorisme lancée en 2001 inclut également le théâtre irakien. Et là, les chiffre explosent. 350 000 morts entre 2001 et 2014. Parmi eux 220 000 civils.

Décompte des morts directs en Afghanistan, en Irak et au Pakistan par costsofwar.org

Décompte des morts directs en Afghanistan, en Irak et au Pakistan par costsofwar.org

Neta C. Crawford, co-directrice du projet Cost of Wars et professeure de sciences politiques à l’Université de Boston demeure assez troublée par les perspectives du futur des conflits qui secouent ces deux pays, particulièrement pour l’Afghanistan où elle observe que les « bases pour la paix sont loin d’être établies ».

Julien Lathus

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